Ghriba
Le pèlerinage annuel de la Ghriba a démarré hier, 30 avril, dans la synagogue de l’île de Djerba, en présence de plus de 5 000 fidèles juifs en provenance du monde entier et particulièrement de la France. Aujourd’hui, les festivités seront interrompues pour cause de shabbat, pour reprendre demain, dimanche et s’achever lundi 2 mai. Qui sont ces Juifs de Tunisie ? D’où viennent-ils ? Quelles relations gardent-ils avec leur pays natal ?

 


En Tunisie, où la présence des Juifs remonte au moins au IIe siècle, la communauté de confession israélite comptait quelque 100 000 âmes en 1948. Elle n’en compte plus aujourd’hui que 2 000. Entre les deux dates, l’écrasante  majorité des membres de cette communauté, qui était très active sous le Protectorat français (1881-1956) a émigré en France et en Israël…
Durant les différentes périodes de l’histoire deux fois millénaire de notre pays (romaine, vandale, byzantine, arabo-musulmane…), les Juifs ont connu des périodes successives de relative liberté. S’ils ont été parfois victimes de discrimination, ils n’ont jamais été la cible d’une répression systématique comme ils en ont connue en Europe et dans d’autres régions. Ils ont même souvent occupé des postes importants auprès des différents souverains qui se sont succédé à Kairouan, Mahdia et Tunis. Au cours du siècle dernier, ils ont même connu une longue période de prospérité, interrompue durant les quelques mois de l’occupation de la Tunisie par les troupes nazies entre 1942-1943.
C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale que les juifs tunisiens ont commencé à quitter leur pays natal pour aller s’installer France ou en Israël. Encouragés par les groupes sionistes, puis par l’Agence juive, près de 6 200 juifs ont ainsi émigré vers Israël en 1948 et 1949, 3 725 en 1950, 3 414 en 1951, 2 548 en 1952, 606 en 1953, 2 651 en 1954 et 6 104 en 1955.
Quelque 25 000 Juifs ont donc quitté la Tunisie entre 1948 et 1955, appartenant dans leur majorité aux couches les plus populaires, l’élite intellectuelle et économique préférant souvent émigrer en France. Contre 75 000 qui ont préféré rester dans leur pays après la proclamation de son indépendance en 1956. Ils étaient encouragés en cela par l’esprit d’ouverture démontré par le premier gouvernement nationaliste, qui comptait deux ministres de confession juive, Albert Bessis et André Barouch.

Le tournant de la Bataille de Bizerte
C’est au lendemain de la crise de Bizerte en 1961 que le mouvement de migration a repris. Ainsi, dès 1062, 4 500 juifs ont quitté la Tunisie. Après la guerre des Six Jours en 1967 puis celle d’Octobre 1973, sans parler du raid israélien contre le siège de l’OLP à Hammam Chatt en 1985, qui ont suscité un fort sentiment anti-israélien parmi tous les Arabes, y compris les Tunisiens, l’écrasante majorité des Juifs restés en Tunisie a préféré partir en France et/ou en Israël.
Roger Bismuth
Conséquence de ce mouvement massif d’émigration : la communauté israélite tunisienne ne compte plus aujourd’hui que 2 000 individus (contre près de 100 000 en 1948). Ils vivent surtout à Tunis, Djerba, Sfax, Sousse et Nabeul et pratiquant librement leurs cultes. Dans un discours de 1992, le président Ben Ali a déclaré que «les Juifs tunisiens sont des citoyens à part entière et ceux qui sont partis peuvent revenir dans leur pays librement pour s’y installer ou pour y passer des vacances».
Dans la foulée, les cimetières juifs et synagogues ont été restaurés, et le pèlerinage des Juifs à La Ghriba, à Djerba, a été rouvert à partir de 1995. La communauté dispose de six écoles primaires, quatre secondaires, un jardin d’enfants, deux maisons de retraite et plusieurs restaurants cacher. Le salaire du grand rabbin est payé par le gouvernement, qui contribue aussi à la restauration et l’entretien des synagogues. Fait rare dans la région : notre pays compte encore une trentaine de synagogues, dont sept à Tunis. La plupart sont toujours fonctionnelles. Mieux : l’un des membres de la communauté juive tunisienne, l’homme d’affaires Roger Bismuth, est membre de la Chambre des Conseillers et vice-président de l’Utica, le syndicat patronal. Et la plupart des membres de la diaspora juive tunisienne, appelés aussi les ‘‘Tuns’’, gardent des liens très forts avec leur pays d’origine. Beaucoup d’entre eux viennent souvent y passer leurs vacances.

R. K.

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