Le record d’un million de visiteurs algériens enregistré en Tunisie en 2009 sera très difficile à égaler en 2010. Et pour cause: les Algériens se font plus rares sur les plages tunisiennes. Les professionnels du secteur s’interrogent: s’agit-il d’une baisse conjoncturelle ou d’un inversement de tendance?


 

A Nabeul, Hammamet et Sousse, cités balnéaires très courues par les touristes algériens, les loueurs de maisons à la semaine, comme les restaurateurs, les  hôteliers et les commerçants constatent une forte baisse de fréquentation des touristes algériens. Cette baisse, que ces professionnels estiment à plus de 10% entre le 1er juin et le 15 juillet, s’explique par les lenteurs bureaucratiques enregistrées dans la délivrance des passeports biométriques par les autorités algériennes, qui ont freiné les départs des vacanciers algériens.
Ces derniers avaient également les regards rivés sur la Coupe du Monde du football en Afrique du Sud (11 juin-11 juillet), à laquelle leur équipe participait après une absence d’une vingtaine d’années. Les hôteliers tunisiens s’étaient pourtant bien organisés pour créer dans leurs établissements les conditions d’un séjour «sportif» pour leurs éventuels clients algériens (écrans géants, téléviseurs individuels dans les chambres, activités d’animation autour du football…).


Les touristes algériens se font désirer à Medina Yasmine Hammamet.

Ramadan pour sauver les meubles
Ces mêmes hôteliers se sont aussi organisés pour accueillir cette même clientèle durant le mois saint musulman: menus ramadanesques, salles à manger réservées aux jeûneurs, boissons chaudes et froides à volonté pendant la soirée, services dans les chambres pour les personnes âgées à l’heure du «shour», animations culturelles et religieuses, navettes spéciales pour permettre aux clients pratiquants de faire la prière des «taraouih» dans les mosquées les plus proches... Un tour-opérateur  algérien a même poussé le sens commercial jusqu’à inventer un slogan mobilisateur: «Voulez-vous prier à la mosquée Zitouna... N’hésitez pas, la Tunisie vous attend».
En mettant ainsi les petits plats dans les grands et en déroulant les tapis… de prières, les professionnels du secteur espèrent ainsi rattraper le manque à gagner enregistré en juin et juillet et sauver un tant soit peu une saison 2010, déjà largement affectée par la crise économique en Europe.

Agressivité commerciale des Turcs
Ce qui est loin d’être gagné. En effet, les voyagistes algériens déplorent une baisse des réservations sur la destination Tunisie pour les mois de juillet et août par rapport à la même période de l’année écoulée. Les baisses de tarifs concédées par les hôteliers de Hammamet, Nabeul et Sousse ne semblent pas avoir aidé à inverser la tendance. Au contraire. Les voyagistes algériens parlent même d’une baisse d’engouement pour la destination Tunisie. Baisse qu’ils expliquent par le désir des vacanciers algériens de découvrir d’autres destinations, comme la Turquie, l’Egypte ou encore la Syrie, qui pratiquent des tarifs de plus en plus concurrentiels.
La Turquie a fait encore mieux: elle a exempté les Algériens du visa pour les voyages groupés et augmenté le nombre des vols de la compagnie nationale, Turkish Airlines, à partir d’Alger, Constantine et Oran, en direction d’Istanbul. En affichant, par ailleurs, des tarifs proches de ceux de leurs homologues tunisiens, les Turcs sont en train de mettre la barre de la concurrence assez haut.  
Reste à savoir si cette agressivité commerciale, traduite par un bradage des prix, est dictée par une conjoncture internationale difficile, marquée par une baisse des entrées des touristes européens, ou si elle s’inscrit dans une stratégie à long terme de conquête de nouveaux marchés. Auquel cas, les professionnels tunisiens du secteur devraient faire preuve de réactivité et d’imagination pour ne pas voir leurs parts érodées sur leurs marchés traditionnels.

Imed Bahri

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