Un nouveau chef du gouvernement, qui n'a pas rassemblé, autour de sa personne, le consensus espéré, est en soi une victoire... contre la violence. Par ce résultat, la Tunisie commence à se montrer digne des espoirs placés en elle.
Par Jamila Ben Mustapha*
Devant tant d'analyses pessimistes, apparues, après la désignation du nouveau chef du gouvernement, Mehdi Jomaâ, suite à un marathon de négociations politiques, je sens, en moi, un besoin vital d'espérer un peu. Il n'est pas interdit, loin de là, de reconnaître les – faibles – progrès réalisés.
Du besoin vital d'espérer
D'une part, je pense que c'est un bon point que le dialogue ait abouti, même mal, avec des problèmes, le nouveau chef du gouvernement n'ayant rassemblé, autour de sa personne, que peu de voix. C'est toujours cela que nous avons gagné contre la violence.
Enfin, notre chère Tunisie se montre fidèle à sa vocation exceptionnelle de pays modéré et, toujours, à la pointe du monde arabe! Par ce résultat, elle commence à se montrer digne des espoirs que le monde entier a placés en elle. Pourvu qu'elle continue, sur cette voie et que les forces obscures la laissent en paix! L'accouchement n'a pas donné le beau bébé qu'on escomptait, à cause du manque de consensus, mais il a eu lieu.
De l'autre, tout en reconnaissant leur très grande valeur, nous avons évité le problème d'avoir à la tête du gouvernement des hommes trop âgés qui n'auraient pas pu affronter le travail d'Hercule qui les aurait attendus. Rien n'interdit d'utiliser leurs exceptionnelles expérience et compétence en les réunissant dans un Comité consultatif de Sages, si on voulait, vraiment, être efficient.
De plus, il faut accorder le bénéfice du doute à Mehdi Jomâa que nous connaissons peu et que nous nous empressons, pourtant, de condamner, sans qu'il n'ait encore rien fait.
Diaboliques et fieffés imbéciles
Mais encore, parce que nous en avons été, longtemps, privés, nous, Tunisiens, avons tendance à passer d'une attitude extrême – la soumission – à son contraire, à exercer la critique de façon féroce, systématique, sans nuancer et en croyant que tout éloge ponctuel est un signe de compromission.
Et surtout, enfin, je commence à être lassée des analyses qui présentent Ennahdha comme un parti infaillible, super intelligent et, l'opposition comme constituée de fieffés imbéciles.
Sans en être conscient, tout le monde est d'accord pour présenter Rached Ghanouchi comme un superman, un as de la stratégie et de la tactique. Surestimer l'adversaire politique, se flageller, en conséquence, et présenter les actes de ce mouvement – dus, aussi, aux rapports de force qu'il subit et aux aléas des circonstances – comme le résultat délibéré et volontaire de manœuvres diaboliques, est une attitude fausse parce qu'elle est trop exagérée pour être fiable et – facteur essentiel – qu'elle nuit au moral des troupes!
Dire aussi que Houcine Abassi, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), malgré les efforts énormes, surhumains, qu'il a accomplis – lui, ainsi que les trois autres membres du Quartet (Utica, Ordre des avocats et LTDH) –, «s'est fait avoir», le décrire, de façon injuste et hâtive, sur les réseaux sociaux, comme un traître, c'est, vraiment, aller un peu trop vite en besogne.
Pour conclure, reconnaître, avec prudence, que de petits pas ont été réalisés, tout en gardant sa vigilance critique, ne fera pas de nous, observateurs indépendants de la vie politique de notre pays, loin s'en faut, des opportunistes.
* Universitaire.
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