Marzouki mérite-t-il la pitié d'avoir échoué de façon aussi fracassante et d'être l'homme politique le plus critiqué et moqué du pays? Ou s'agit-il d'un «animal politique» féroce poursuivant imperturbablement sa trajectoire pour le pouvoir?
Par Jamila Ben Mustapha*
L'image de Moncef Marzouki debout devant la tombe de feu Chokri Belaid sort du chemin balisé des photos politiques ordinaires et ne manque pas d'impressionner: elle illustre, avant tout, la solitude profonde de cet homme, mais aussi sa volonté farouche de s'imposer contre tous – contre la famille du martyr, en particulier – en revendiquant son droit de rendre, comme chaque Tunisien, hommage au martyr.
Elle exprime aussi un désir de soulager une possible culpabilité devant son choix malheureux de la date du 7 février pour célébrer la Constitution et mieux faire passer sa «fête» d'aujourd'hui.
Elle crée en nous un sentiment de malaise devant cet homme qui a pendant 20 ans dénoncé les dérapages d'un tyran, pour, au bout du compte, ne pas s'en sortir mieux que lui et être rejeté encore plus rapidement puisqu'il a fait les frais de la libération de la parole, a été la plus grande victime de cette dernière et a subi, à son détriment, l'apparition d'une démocratie qu'il s'est acharné à revendiquer!
Cette photo illustre aussi l'aspect biaisé de tout acte politique qui, en ayant recours à la photo, montre inévitablement son souci de publicité et donc son impossibilité à prétendre à l'authenticité et à la sincérité.
Quoi dire devant ce choix d'un moment du jour aussi invraisemblable, révélateur certain d'une peur des réactions de la foule?
Moncef Marzouki mérite-t-il la pitié d'avoir échoué de façon aussi fracassante et remporté le championnat de l'homme politique le plus critiqué et moqué du pays?
Ou encore, s'agit-il d'un «animal politique» féroce poursuivant imperturbablement sa trajectoire pour le pouvoir en se bouchant les oreilles devant son impopularité?
Doit-il susciter notre sympathie ou, plutôt, notre condamnation devant une obstination aussi aveugle?
Nous comprenons en fin de compte, que notre malaise vient de ce mélange entre ces deux sentiments contrastés.
*Universitaire.
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