Les «candidats sortants» peuvent-ils profiter de la «communication institutionnelle» pour véhiculer leur «propagande électorale»? C'est la question préoccupe grand nombre de candidats et d'électeurs.
Par Mohamed Chawki Abid*
Les candidats sortants, dans le cas de l'élection présidentielle tunisienne de 2014 sont le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaâfar, candidat du parti Ettakatol, et le président provisoire de la république Moncef Marzouki, candidat du Congrès pour la république (CpR, Al-Moatamar). Les concurrents ont de bonnes raisons de craindre qu'ils ne profitent de leurs postes et des moyens de l'Etat pour faire leur campagne électorale et pousser leur avantage.
Empêcher les campagnes déloyales
Le code électoral a pour objet, non seulement de mettre un terme aux phénomènes de «prime» au sortant, mais aussi de faire en sorte qu'un candidat ne puisse tirer un avantage d'ordre électoral en utilisant les moyens que lui procure sa fonction. Donc, une campagne de communication devra être considérée prohibée lorsqu'il apparaît qu'elle a pour effet direct ou indirect de valoriser le candidat sur la base de son exercice actuel au pouvoir.
Le nouveau code électoral n'interdit pas la poursuite de la communication institutionnelle, mais impose le respect de règles qui permettent d'assurer une communication neutre et objective à destination des citoyens.
L'enjeu est dans la distinction entre «communication institutionnelle» et «propagande électorale». En période électorale, il est possible d'informer sur les réalisations de l'exécutif et du législatif (ou du municipal) dans le cadre d'une campagne d'information ne renfermant pas l'ombre d'une propagande électorale.
Eriger une éthique de communication
L'objectif consiste à éviter que la communication institutionnelle n'influe sur le comportement des électeurs, et à rétablir de ce fait l'égalité entre les candidats. Pour ce faire, il faudrait veiller au respect de quatre principes qui constituent un faisceau d'indices de la régularité (ou non) des actions de communication : l'antériorité, la régularité, l'identité et la neutralité.
1) Le principe de l'antériorité :
Il faut bannir la création d'une action de communication (manifestation, commémoration, inauguration) en en vue des élections. A défaut, le candidat sortant sera amené à réintégrer dans le compte de sa campagne la dépense liée à cette création.
2) Le principe de la régularité :
Il n'est pas possible de modifier la périodicité des manifestations et publications, notamment en augmentant la fréquence dans la période préélectorale, sous peine d'être sanctionné.
3) Le principe de l'identité de la forme du support :
La forme d'un journal, comme tout autre support de communication utilisé, ne peut être modifiée avant les élections (pagination, rubrique, charte graphique, diffusion...) sous peine de sanctions.
4) Le principe de l'objectivité et de la neutralité :
Sur le fond, l'information institutionnelle ne doit comporter que des messages politiquement neutres à caractère purement informatif. La communication institutionnelle ne doit pas insinuer à une attribution des réalisations au candidat sortant.
Assurer la régularité des communications
La question de la régularité des actions de communication institutionnelle est du ressort de l'Instance des élections (Isie), qui lui appartient d'analyser si telle ou telle action de communication institutionnelle ne peut pas être regardée comme constitutive d'une manœuvre de propagande électorale, d'une campagne de promotion des réalisations, ou d'un avantage prohibé accordé par une personne morale de droit public à un candidat. L'Isie procèdera à une appréciation au cas par cas selon un faisceau d'indices, et jugera s'il y a lieu de procéder à l'annulation des opérations électorales ou de prononcer l'inéligibilité d'un candidat.
Si pour les élections législatives le risque de dérapage est moins problématique, la tentation des candidats gouvernants est plus forte pour le scrutin présidentiel et le potentiel d'influence des électeurs est fort, particulièrement en cas de surabondance de candidatures (la composante déloyale du score devenant significative).
Aussi ne faudrait-il pas réserver à ce phénomène pervers la plus grande surveillance pour garantir l'égalité des conditions électorales entre les candidats?
* Ingénieur économiste.
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