L’équipage du bateau est uni au milieu de la tempête et solidaire avec le timonier.
Youssef Chahed s’est montré à la fois ferme et ouvert au dialogue pour faire sortir la Tunisie de la crise. Ses deux priorités: accélérer les réformes et relancer l’économie.
Par Abderrazek Krimi
Invité, dans la soirée du dimanche 26 février 2017, par la chaîne de télévision privée Al-Hiwar Tounsi, le chef du gouvernement Youssef Chahed a fait le bilan des 6 premiers mois de son gouvernement et répondu aux questions de notre confrère Hamza Belloumi sur certains sujets d’actualité, notamment le remaniement ministériel partiel, la loi n° 52, le décret n°4 sur l’accès à l’information, sa dernière visite en Allemagne et le rapatriement des Tunisiens en situation irrégulière dans ce pays.
Dans cet entretien qui a duré une heure et demie, M. Chahed a passé en revue les difficultés confrontées par son gouvernement depuis qu’il a eu la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) fin août 2016.
Vaincre les résistances de l’administration
Faisant état de la situation chaotique de l’économie et notamment du déficit de la balance commerciale et du déficit budgétaire qui ont atteint des niveaux intolérables, le chef du gouvernement a mis l’accent sur la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des réformes, notamment celle de l’administration et de la fonction publique qui, par la résistance qu’elles opposent à toutes ces réformes, empêchent la relance de l’investissement.
Tout en affirmant que les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution de 2011 n’ont rien fait pour faire avancer ces réformes nécessaires, et désormais urgentes et vitales, il a ajouté que nul gouvernement ne pourrait relever les défis auxquels fait face le pays sans apporter des solutions radicales aux maux dont souffrent l’administration et la fonction publique.
M. Chahed a, d’autre part, abordé la question des réformes économiques qu’il envisage de mettre en œuvre, notamment dans le secteur bancaire en général et les banques publiques particulier, qui souffrent de difficultés financières et structurelles et ne jouent pas leur rôle dans le financement de l’investissement et de la relance économique espérée.
«En Tunisie, on n’a pas besoin d’avoir trois banques étatiques», a-t-il souligné, ajoutant que celles-ci devraient se restructurer et se refinancer pour être en mesure de financer l’investissement privé, au moment où l’Etat est amené à réduire ses investissements dans les projets publics. M. Chahed a indiqué, à ce propos, que le gouvernement se dirige vers la cessation de ses parts dans certaines banques où l’Etat détient des parts minoritaires pour ne garder qu’une seule banque étatique. Des cessions, des restructurations et des fusions sont donc en vue….
La question de la crise des caisses sociales a été l’un des points centraux de l’entretien, car, a martelé M. Chahed, la situation de déficit actuelle de ces caisses ne peut plus perdurer et l’Etat n’a plus les moyens de combler indéfiniment leurs déficits devenus structurels. Aussi est-il impératif d’y remédier dans les plus brefs délais et le gouvernement est en train d’examiner trois scénarios de solutions : ou bien la hausse de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, la majoration de la cotisation à la retraite, ou l’imposition d’une taxe sur la valeur ajoutée à titre de participation solidaire des Tunisiens à l’effort de la retraite. Ou, encore, une solution qui combine ces 3 formules.
Le chef du gouvernement s’est arrêté, en outre, sur la relation entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), notant que la centrale syndicale représente, au même degré que l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), l’organisation patronale, un partenaire social avec lequel le dialogue n’a jamais été interrompu.
Une équipe unie au milieu de la tempête
Quant à la crise provoquée par le remaniement ministériel partiel de samedi dernier, M. Chahed a rappelé que son gouvernement est disposé à discuter de toutes les questions relatives aux revendications sociales et aux affaires nationales, ajoutant que la question de la désignation ou du limogeage des ministres est de son ressort exclusif et de celui du parlement, qui peut donner ou retirer sa confiance. Notant par la même occasion que l’intérêt et le prestige de l’Etat doivent primer, faisant ici allusion à l’appel lancé par les syndicats de l’enseignement pour le limogeage du ministre de l’Education Néji Jalloul, qui était, d’ailleurs, présent sur le plateau avec plusieurs autres membres du gouvernement : une manière de signifier l’unité de l’équipage du bateau au milieu de la tempête et sa solidarité avec le timonier.
M. Chahed a, par ailleurs, clarifié les raisons du limogeage d’Abid Briki, l’ex-ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, précisant que le respect dû à l’Etat impose aux membres du gouvernement un code de conduite en vertu duquel les différends doivent être discutés au sein du gouvernement et non sur les médias. Notant par la même occasion que Khalil Ghariani, qui a succédé à Abid Briki, n’a pas été choisi sur la base de sa représentation de la centrale patronale mais plutôt pour ses compétences et ses qualités personnelles.
Evoquant les questions relatives à la lutte contre le terrorisme et à la demande du gouvernement allemand d’installer un camp de réfugiés en Tunisie, M. Chahed a réitéré la position de son gouvernement sur ces points, précisant que les terroristes de retour au pays seront traités et sanctionnés selon les termes de la loi antiterroriste et iront donc en prison.
Le chef du gouvernement a aussi profité de l’occasion pour affirmer que les terroristes tunisiens opérant à l’étranger sont tous connus des services de police et leur nombre ne dépasse guère les 2.900 déjà annoncés, beaucoup d’entre eux ayant déjà trouvé la mort sur les champs de batailles.
Quant à l’installation sur le territoire tunisien, à la demande du gouvernement allemand, d’un camp de réfugiés pour les candidats à l’émigration en Europe, le chef du gouvernement a réitéré la réponse qu’il a déjà faite à la partie allemande : «La Tunisie est désormais un pays démocratique soucieux de sa souveraineté et où ce genre de décisions ne sont pas acceptables».
Interrogé sur le retour des Tunisiens déboutés du droit d’asile en Allemagne, M. Chahed a fait savoir qu’il a proposé à la partie allemande, après le recensement du nombre exact de ces Tunisiens, de coopérer pour fournir à ces derniers une formation professionnelle qui leur permettra, à leur retour en Tunisie, de contribuer au développement économique du pays.
Donnez votre avis