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Assassinat de Chokri Belaid : Retour sur un imbroglio judiciaire

Proces-Chokri-Belaid

Le procès des 28 exécutants de l’assassinat de Chokri Belaid, s’ouvre aujourd’hui, à Tunis, après trois reports. Retour sur un imbroglio judiciaire…

Par Abdellatif Ben Salem

Le 15 décembre 2015, Me Ali Kalthoum membre du comité de défense de Chokri Belaïd a été déféré devant le juge d’instruction suite aux accusations formulées(1) à l’encontre du juge d’instruction du Bureau N° 13 chargé de l’enquête sur l’assassinat de Belaid.

Pour rappel, le comité avait obtenu, voilà plus d’un an, une décision judiciaire d’importance, en vertu de laquelle le dossier de l’assassinat a été rouvert et l’enquête relancée, par l’audition de plusieurs protagonistes en leur qualité soit de responsables politiques ou sécuritaires au moment des faits, soit en tant que témoins. De nouvelles accusations sont à l’étude contre ceux que l’on soupçonne d’avoir pris part directement ou indirectement au complot ayant conduit à l’assassinat de Belaid.

Hormis cette avancée – dont les fruits ont été frappé de nullité par les atermoiements et les procédés dilatoires employés par le juge susmentionné, la défense de Belaïd ne cesse d’exiger que l’instruction ne s’arrête plus aux seuls exécutants, mais qu’elle doit englober tous ceux qui ont trempés dans la préparation du crime: des commanditaires jusqu’à ceux qui ont ordonné le 4 février 2014 – presque un an jour pour jour après l’assassinat, et seulement 5 jours après le départ des islamistes du pouvoir et la prise de fonction de Mehdi Jomâa – à la brigade anti-terroriste de lancer l’assaut contre une planque située à Raoued (Tunis) où certains des tueurs présumés de Belaid s’étaient réfugiés, parmi lesquels Kamel Gadhgadhi, accusé principal de l’exécution du dirigeant de gauche.

La mort de 6 terroristes lors de cette opération fera dire à Am Salah Belaid père du Martyr, dubitatif sur les véritables mobiles de l’assaut de Raoued que «Kamel Gadhgadhi a emporté avec lui à jamais le secret de l’assassinat de mon fils». Commentaire largement partagé par l’opinion qui pense non sans raison que le but de l’assaut était de réduire au silence les assassins afin de brouiller les pistes pouvant conduire la justice aux véritables conspirateurs.

L’aspect officiel de cette opération et le grand renfort de publicité dont elle a bénéficié, nous rappelle, toutes proportions gardées, le classique d’élimination physique de type mafieux, celui de Lee Harvey Oswald principal suspect dans l’assassinat de J. F. Kennedy abattu à bout portant par Jack Ruby alors qu’il était menotté et encadré par deux agents du FBI.

Une semaine auparavant, on annonçait que plusieurs prévenus, dont Ezzedine Abdellaoui, impliqué dans l’assassinat de Mohamed Brahmi et de Chokri Belaid, et qui comparaîtra devant le juge, aujourd’hui même, vendredi 15 janvier 2016, seront déférés devant la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Tunis.

Les menaces de dépôt de plainte contre Béchir Akremi, juge d’instruction du 13e bureau en charge du dossier de l’assassinat, formulées le 9 octobre 2015 à Tunis et le 1er novembre 2015 au Kef par Me Ali Khalthoum, porte-parole du comité de défense de Belaid, à la suite desquelles, ce dernier a été entendu par la justice, ont trouvé leur aboutissement politique dans la décision, prise le 29 décembre 2015, par le Parti des Patriotes-Démocrates unifié (Watad) d’entériner ces graves accusations d’entraves au fonctionnement de la justice, par le dépôt d’une plainte judiciaire et administrative à l’encontre de juge chargé de l’affaire, auprès respectivement du Procureur de la république et de l’inspection du ministère de la Justice, ainsi qu’auprès du premier juge du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme.

C’est ce qu’a affirmé Mohamed Jmour, secrétaire général adjoint du Watad unifié et membre du Comité de défense, en réitérant les soupçons pesant sur le juge en question : délit de dissimulation des pièces à convictions placées sous sa responsabilité, refus de communiquer aux autorités les informations sur des indices concrets attestant que l’assassinat de Belaid, ce qui constitue au regard de la loi un crime terroriste. Selon le Comité de défense, Béchir Akremi a commis au total 5 infractions aux conséquences si graves qu’elles pourraient entraîner sa mise en examen pour dissimulation de crime. A l’appui de ses déclarations, Mohamed Jmour a affirmé détenir les preuves accablantes qu’il mettra à la disposition du public au moment opportun.

Il est probable que le procès des 28 exécutants, qui s’ouvre aujourd’hui, après trois reports, soit de nouveau reporté à la demande de la partie civile, qui considère que l’instruction a réussi à lever le voile sur une partie seulement des prévenus impliqués dans l’exécution, sachant qu’un second volet de l’enquête portant sur la complicité d’autres personnes est toujours en cours d’instruction. Etant donné le lien qui existe entre les deux volets, la partie civile attendra, malgré le peu d’intérêt montré ces derniers temps par certaines parties politique à l’égard du dossier de l’assassinat, la clôture de l’instruction de la deuxième enquête pour préparer ses moyens de défense.

La troisième partie de notre série d’articles sur l’assassinat de Chokri Belaid paraîtra lundi 18 janvier 2016.

 

Note :
* Ces accusations ont été synthétisés in «Assassinat de Belaid : qui cherche à noyer la vérité».

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