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Assassinat de Chokri Belaïd: Les dessous d’un crime islamiste

Chokri-Belaid

Le procès des assassins de Chokri Belaïd s’ouvre aujourd’hui à Tunis. Dans une série d’articles, Kapitalis revient sur les circonstances de cet assassinat.   

Par Abdellatif Ben Salem

L’audace intellectuelle de Chokri Belaïd, conjuguée à une connaissance profonde de notre réalité historique, son intelligence du moment spécifique que traversait son pays et le rôle important qu’il joua dans l’organisation de la résistance contre les velléités hégémoniques des islamistes et leur tentative de remodeler de fond en comble la société et l’Etat, pour les  conformer à leur vision pseudo théologique, lui valurent, dès le lendemain de la révolution de la dignité, le respect et l’affection de vastes secteurs de la population tunisienne.

Pour nous qui avons suivi et accompagné son combat contre les islamistes jusqu’à son assassinat, nous pouvons affirmer que son sacrifice suprême constitua un tournant décisif dans notre histoire. Et c’est de l’issue du procès de ses tueurs qui s’ouvre ce mardi 30 juin 2015, que dépendra le devenir de la Tunisie démocratique.

Au fond, Chokri Belaïd a toujours cherché à faire comprendre aux Tunisien-ne-s que l’islam politique est une aberration et il ne doit pas y avoir de place pour lui sur notre terre. Il a été abattu à cause de cela. Certes, la main qui a appuyé sur la gâchette importe, mais elle importe peu en comparaison avec ceux qui l’ont armée. Ce procès doit être celui de l’islam politique et de ses représentants et leurs complices impliqués dans ce meurtre et pas autre chose.

Acte 1 : Avant le 6 février 2013

Tout a commencé vers le milieu de l’année 2012, entre le mois de juin et juillet, quand le dénommé Mohamed Cherif Jebali(1), ancien officier de police rattaché aux services du tristement célèbre Mohamed Ali Ganzoui, le plus honni des directeur de sûreté de la défunte dictature, a fait circuler sur les réseaux sociaux un réquisitoire violent contre Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des patriotes-démocrates unifié (PPDU), plus connu par l’abréviation Watad. Ce texte diffamatoire constituait une atteinte grave à son honneur d’avocat, à sa probité d’intellectuelle, à son intégrité de dirigeant politique et à sa dignité de citoyen.

Les nombreuses relances provocatrices, qui suivirent la première mise en ligne de ce pamphlet, cherchaient à exercer le maximum de pression sur Chokri Belaïd pour le contraindre à répondre aux accusations contenues dans ce libelle, tout en le défiant avec insistance de porter l’affaire devant les tribunaux !

Au-delà du contenu infamant, celui qui se présentait comme auteur s’acharnait tout particulièrement à déshonorer l’avocat, en présentant de lui une image si contrastée avec celle connue du public, qu’on en restait littéralement interdit.

Pour réussir son coup, Cherif Jebali a employé, volontairement ou involontairement, un procédé appliqué  en sciences sociales appelé le «raisonnement paradoxal», qui consiste a prendre le contrepied d’une chose et d’affirmer son contraire, la lettre de dénonciation diffusée cherchait incontestablement à frapper fort et à provoquer le maximum de dégâts
Dans le contexte post-révolutionnaire d’il y a 3 ans, marqué par des affrontements politiques impitoyables entre les représentants des forces antagoniques de la Troïka, alliance tripartite Ennahdha/Al-Moatamar/Ettakatol au pouvoir, soutenue par les salafistes et la mouvance jihadiste radicale, d’un côté, et de l’autre, et les représentants de l’opposition démocratique, qui, viennent à peine, les uns et les autres, de sortir en pleine lumière après des décennies de prison, d’exil et de clandestinité, et par conséquent encore mal connus du grand public.

Le système de désinformation

Il était à la portée de tout un chacun, l’accès facile des nouvelles technologies de communication aidant, de diffuser à la vitesse du son les plus folles des rumeurs et des mystifications sur telle ou telle personne. Très tôt, Ennahdha et d’une manière générale la galaxie islamiste et jihadiste avaient, au lendemain de la révolution, compris le profit qu’ils pouvaient tirer de l’arme de la rumeur massive et son efficacité redoutable pour désorienter les gens et déstabiliser leurs ennemis. Le mouvement islamiste, tout parti au pouvoir qu’il était, et son armée d’exécutants, alignant des centaines voire des milliers de page facebook rémunérées et chapeautées par une cellule de désinformation, de propagande et d’intox baptisée ‘‘Maktab al-tadhlîl’’ (Bureau de la désinformation), affectionnaient particulièrement le maniement de l’invective, de la diffamation et de la menace.

Rached-Ghannouchi-et-Moncef-Ouerghi

Accolade de Rached Ghannouchi et Moncef Ouerghi, qui entrainait les futurs jihadistes tueurs de Chokri Belaid.

La constitution des groupes supplétifs violents, calqués sur le modèle des milices fascistes des régimes totalitaires des années 1930, et des détachement de combattantes féminines («muntaqibât») à l’iranienne, dont l’entrainement fut confié un temps à une ressortissante asiatique, probablement l’épouse du jihadiste Moncef Ouerghi (décédé dans des circonstances mystérieuses)(2), inventeur de l’art martial appelé «zamaqtel» (global war), sont venus compléter cette architecture répressive et guerrière, confirmant, s’il en était besoin, l’enracinement profond de la sphère islamiste, toutes ramifications confondues, dans la «culture» de la violence politique et, son corollaire, l’usage de méthodes brutales et paramilitaires pour neutraliser ses ennemis et asseoir son hégémonie.

Cependant à l’exception d’une poignée d’observateurs attentifs de la vie politique, le pamphlet de Chérif Jebali n’avait pas vraiment affolé la toile, ni provoqué la moindre panique dans les rangs des amis de Chokri Belaïd, d’autant, qu’en ces temps de clivages et d’affrontements ouverts, on ne voulait y voir qu’un colportage de ragots destiné à ternir l’image d’un patriote dont la dénonciation des visées totalitaires d’Ennahdha ne susciteraient, dans les pires des cas, que la colère de quelque responsables. En conséquence de quoi, personne ou presque n’accorda, à ce stade, suffisamment d’importance à cet épisode de guérilla virtuelle qui déchirait la Toile et faisait rage du matin au soir.

Rappelons que dès les premières semaines de l’exercice des deux gouvernement provisoire de Mohamed Ghannouchi, ainsi que du troisième présidé par Béji Caïd Essebsi, les jeunes commençaient déjà à crier au vol de la révolution. De Tunis, à Sidi Bouzid et à Médenine, et des frontières occidentales déshéritées, aux villes du Sahel qu’on continue à croire prospères, le concept d’«îltifâf» (récupération) de la révolution faisait tranquillement son chemin jusqu’à devenir, en quelques mois, une vérité massive que les événements ultérieurs viendront confirmer.

Après la victoire d’Ennahdha et des partis croupions, le CpR et Ettakatol, le ciel de Tunisie s’est obscurci davantage, l’immense fierté des Tunisien-ne-s d’avoir «dégagé», sans intervention étrangère, le dictateur comme un malpropre, dissout son parti et démantelé son système mafieux, s’évapora comme par enchantement pour laisser place à une profonde désillusion.

Les portes de l’enfer s’ouvrirent un 26 décembre de l’année 2011, jour d’investiture de Hamadi Jebali comme chef de gouvernement provisoire, quand les Tunisiens découvrirent, médusés, des centaines des miliciens d’Ennahdha massées autour de la Place de la Kasbah, exhibant, dans une attitude insolence, la «colombe bleue» aux ailes démesurément déployées de leur parti.

Mais qui est au juste Cherif Jebali?

Impliqué dans une affaire de mœurs, Mohamed Cherif Jebali fut limogé de son poste d’inspecteur de police, mais son mentor et protecteur de l’époque, Mohamed Ali Ganzoui, intervint en sa faveur et l’inscrit au Barreau de Tunis. Cette recommandation, venant de la part d’un haut responsable de la hiérarchie policière, lui permettra de rafler des nombreuses affaires liées aux contentieux de l’Etat. En 2005, il proposa à des membres d’Ennahdha, dont l’avocat Noureddine Bhiri, en marge du sit-in organisé par les avocats en solidarité avec Mohamed Abbou, une intermédiation avec des hauts responsables du corps de la sécurité.

Les avocats du Barreau de Tunis et certains acteurs de la société civile, dont Chokri Belaïd, ne tardèrent pas à le démasquer en tant que taupe de la police politique. Pour se protéger, Chérif Jebali se refugia dans le groupe d’avocats du parti-Etat RCD, où il fut nommé directeur de campagne de Me Hédi Triki, qui briguait son dernier mandat à la tête de l’Ordre des Avocats. Sa mission principale consistait alors à orchestrer des campagnes calomnieuses contre les candidats rivaux tels Me Béchir Essid, Abdessattar Ben Moussa et Abderrazak Kilani. Il fit alors circuler sur ce dernier la rumeur qu’il est d’ascendance juive.

Comme tous les exécutants de basses œuvre, Cherif Jebali possède le profil de la fonction : archétype de ces créatures qui surgissent et prospèrent à la faveur des troubles et des convulsions politiques que traverse un pays dans les périodes de grandes ruptures.

Quand on observe attentivement les manières reptilienne de cet avocaillon et ancien flic de Ben Ali, crachant son fiel sur quelques plateaux de télévision islamistes, contre ceux qu’il appelle «contrerévolutionnaires», en exhibant à tout bout de champ des documents protégés par le secret d’Etat, de comptes rendus d’écoutes téléphoniques et de listing des numéros de portables ultraconfidentiels, sans que la justice lui pose la question sur ses sources d’information, on est, ou bien choqué, ou pris d’un immense dégoût devant la mansuétude douteuse des trois gouvernements successifs de la Troïka à son égard.

Auteur de plusieurs délits et infractions, escroquerie, malversations, détournements, qui lui vaudront la traduction devant le conseil de discipline et la radiation de l’Ordre des Avocats. Il sera interdit d’exercer, c’est là qu’il entreprendra un rapprochement de certains membres du CpR. Il leur facilitera des contacts avec des responsables du corps de sécurité tels que Sami Sik Salem, directeur général de la sécurité présidentielle, élevé la même année par le président provisoire de la république, Moncef Marzouki, au grade de colonel-major. Ses nouveaux «tuyaux» «cépéristes» ne donneront aucun résultat probant car les casseroles qu’il traîne derrière causaient un tel vacarme que même les gens du CpR ont fini par le lâcher.

C’est ainsi qu’il s’est mis à la recherche d’un nouveau parrain. Ce sera cette fois-ci Ennahdha. Comme on l’a vu, d’abord parce que les solutions à ses démêlés avec la justice, en tant qu’ancien avocat des Trabelsi (Mohamed Nacer et Houssen) interdit d’exercice, passaient nécessairement par la section régionale du barreau de Tunis aux mains de l’islamiste Mohamed Néjib Ben Youssef. Ensuite, seul un fil direct avec la ministère de la Justice est à même de lui garantir une protection contre les poursuites engagées contre lui.

Cherif-Jebali

Chérif Jébali, l’homme de main du CpR et d’Ennahdha.

A partir de là, Chérif Jebali deviendra un visiteur régulier du bureau de Fadhel Saïhi, chargé de mission au cabinet du ministre islamiste de la Justice, Noureddine Bhiri, et de Mustapha Yahyaoui. Mais le fil  d’Ariane se perd  à ce stade.
Est-ce dans les arcanes des hautes sphères du pouvoir, où dès qu’ils ont été investis de leur nouvelles fonctions, les nouveaux «maîtres» recevaient à tour de bras, le ralliement par centaines des naufragés de la dictature: hauts responsables de la police «repentis», hommes d’affaires corrompus, ancien tortionnaires, gardes chiourmes, taupes, propagandistes zélés, journalistes remerciés, indicateurs en quête de nouvelles «affectations», convertis à la nouvelle religion, «pédégé» de chaînes de télévision privées, et même des hommes politiques «respectables», tous prêts ou presque à vendre père et mère pour entrer dans les bonnes grâces des nouveaux gouvernants, que Chérif Jebali fut investi de la mission peu glorieuse de donner le coup d’envoi à la campagne de persécution contre Chokri Belaïd?

Savait-il que son enrôlement allait conduire, quelques mois plus tard, au premier meurtre politique d’un acteur majeur de la révolution tunisienne et le deuxième de l’histoire post indépendance après celui de Salah Ben Youssef, ancien secrétaire général du Néo-Destour, à Francfort, sur ordre d’Habib Bourguiba.

Simple hasard ou coïncidence fortuite? La lettre diffamatoire prenant pour cible Chokri Belaïd a commencé à circuler vers la période où Chérif Jebali a finalement accédé à ses contacts à la sancta sanctorum, le saint siège de la section tunisienne des Frères musulmans, au quartier de Montplaisir?

Les préparatifs de la mise à mort

La question qui se pose est celle de déterminer s’il a agi seul, de sa propre initiative, ou bien a-t-il été missionné par un commanditaire agissant dans l’ombre. Répondre à cette question est d’une importance capitale, car c’est d’elle que dépendra la confirmation de l’existence d’un «donneur d’ordre» qui supervisa à distance la longue traque de Chokri Belaïd, car c’est bien d’une traque qu’il s’agit? C’est cette réponse qui permettra aux enquêteurs de remonter, à partir du texte initial incriminé, toute la filière, du dernier au premier maillon de la chaîne des responsabilités intellectuelles et matérielles dans la planification et l’exécution par étapes du projet d’assassinat de Chokri Belaïd. A une telle question, il est du devoir de la justice de fournir une réponse convaincante aux Tunisien-ne-s.

Quoi qu’il en soit, les accusations mensongères d’une extrême gravité portées par Cherif Jebali contre Chokri Belaïd participeraient d’un complot et pourraient tout à fait confondre ce dernier en tant que complice dans une tentative d’«exécution politique» – non de «liquidation physique» – que la justice lui trouvera la qualification adéquate pour l’inculper.

Et puisqu’on est dans le domaine des interrogations, on est en droit de penser également, qu’ayant constaté qu’ils n’étaient pas en mesure d’infliger dans un premier temps à Chokri Belaïd, cette «mort politique», ses persécuteurs durent se résoudre à opter pour une autre solution, en décidant, en d’autres termes, de passer à l’acte en décrétant contre lui une sentence de mort pour le réduire définitivement au silence.

Nous n’ajouterons rien de nouveau, à ce propos, en rappelant que la violence et le meurtre politiques sont consubstantiels à l’islam politique. Nul autre auteur n’a mieux défini – pour illustrer cette vérité – en une aussi concise et magistrale expression l’essence de cette horrible déviation de l’islam, que Rifaat al-Saïd quand il affirmait qu’«al-ta’aslum, fikr musallah» («l’islamisme est une ‘pensée’ en arme»).

A ce stade de la conjuration criminelle, Cherif Jebali ignorait sans doute qu’il n’était, tout compte fait, que la partie émergente d’une mécanique ténébreuse et complexe, aux ramifications inextricables et multiples, allant du pseudo-avocat radié et de d’ancien officier de police «cassé» qu’il était, jusqu’aux arcanes de l’Etat et du gouvernement  provisoires de la «Troïka», en passant par une multitude d’enchevêtrements incroyables de lobby locaux et internationaux, des résidus de l’ancien régime appelés Etat profond, discrètement tapis dans les labyrinthes de l’administration en attendant leur heure, d’officines de renseignements étrangères, de la nébuleuse islamiste gravitant autour de l’orbite d’Ennahdha et de ses alliés directs, le Qatar et la Turquie, et indirects, les Etats-Unis et Israël, des riches hommes d’affaires du Golfe, et du jihadisme global, aux intérêts tantôt convergents, tantôt divergents, s’accordent sur un seul point, à savoir, la crainte que suscitait la contagion d’une révolution dont la réussite risquerait non seulement d’ancrer solidement un mode de gouvernance démocratique dans notre pays, susceptible de devenir un modèle de référence pour le monde arabe et musulman, premier producteur mondial des hydrocarbures, et même au-delà ; mais aussi, sur le long et moyen terme, de retourner les fondations d’un ordre mondial injuste fondé sur l’exploitation, l’inégalité et la misère.

La justice tunisienne, dont le procès des assassins de Chokri Belaïd, constitue «le baptême de feu» saura-elle trouver la solution à cette quadrature du cercle?

Le but poursuivi par Ennahdha et ses dirigeants, Rached Ghannouchi, Hamadi Jebali, Ali Larayedh, Habib Ellouze, Sadok Chourou, Abdelfattah Mourou, etc., derrière la sale guerre menée contre Chokri Belaïd, était d’insinuer le doute dans l’esprit de l’opinion, ensuite l’attirer dans le piège des procès et batailles judiciaires sans fins, pour le détourner de la tâche à laquelle il s’était attelé avec ses amis, de la co-fondation du Front populaire et de la consolidation des structures internes de son propre parti. Mais pas seulement.

Pour comprendre cet objectif final des islamistes, il faudrait replacer ces menées dans leur contexte et suivre l’évolution des mois qui suivirent l’accès au pouvoir du mouvement Ennahdha, en décembre 2011.

La «victoire électorale» des islamistes du 23 octobre de cette année-là, toute relative et controversée en soi, sans entrer dans des détails connus de tous, a été interprétée par leur direction en terme théologique comme un accomplissement de la volonté divine, et quiconque oserait la remettre en cause ou même lui viendrait l’idée de formuler des critiques à propos des infractions innombrables au code électoral, notamment le financement étranger massif et l’incurie de l’Instance supérieure des élections présidée par Kamel Jendoubi, connu pour avoir été l’une des chevilles ouvrières de l’alliance du 18 octobre 2005 avec les islamistes, sera considéré comme un ennemi de Dieu.

D’où la difficulté de contester cette «légitimité», aux accents divins, devenue une sorte de leitmotiv que les islamistes et leur alliés de la Troïka opposeront systématiquement à leurs détracteurs pour se maintenir au pouvoir au-delà des termes fixés par «la petite Constitution».

La nébuleuse et son ennemi juré

Donc foin de mandat d’un an ou même de cinq. Des témoignages dignes de foi datant de cette période confirment bien que des nombreux dirigeants d’Ennahdha et de leur boutures, le CpR de Marzouki et Ettakatol de Ben Jaâfar, répétaient à l’envie qu’ils sont là (en 2012) pour au moins 40 ans, et l’opposition devrait revoir ses calculs.

Après le triomphe de la première révolution dans l’histoire et dans la géographie arabes, le camp démocrate pouvait légitimement penser, vu la tournure prise par les événements, que la «victoire des urnes» d’un mouvement puissamment financé et soutenu par l’axe américano-turco-qatari – confirmé par Barak Obama devant le Congrès –, dont le programme politique consistait à ramener le pays 14 siècles en arrière, n’était autre, pour paraphraser Jorge Luís Borges, qu’un «curieux abus de la statistique», et les tentatives de division des Tunisiens entre «peuple musulman», d’un côté, et «laïcs» ou «modernistes» de l’autre, ont scindé le pays en deux camps irréductibles, et créé, pour la première fois dans son histoire, une bipolarisation qui n’eut de cesse de s’accentuer pour culminer, le 6 février 2013, avec l’assassinat de Chokri Belaïd.

Le refus de la Troïka de quitter le pouvoir le 23 octobre 2012 au terme d’une année de gouvernance calamiteuse, comme le stipulaient son propre engagement et les dispositions de «la loi organisant les pouvoirs provisoires», ne pouvaient que conforter la paraphrase malicieuse mais combien judicieuse de l’écrivain argentin.

Les retournements de l’histoire en Egypte étaient là pour rendre également justice au commentaire de l’auteur de l’‘‘Aleph’’. Les statistiques permettent en effet de vaincre mais n’aident pas à convaincre ! Excédés par «les abus» des alter ego d’Ennahdha, 30 millions d’Egyptiens – qui savaient faire bon usage «de la statistique» – descendirent dans les rues pour inviter la secte de Frères musulmans à débarrasser le plancher.

(A suivre)

Notes :

1- Les informations que nous reproduisons à propos de ce pseudo-avocat sont extraites d’un document signé par le pseudonyme Sam (se présentant comme membre du Watad unifié) posté durant l’été 2012 (deux mois avant la constitution du Front Populaire) dans cette riposte tardive aux allégations de Cherif Jebali, l’auteur jette une lumière crue sur le passé trouble de cet individu, présenté comme un mercenaire travaillant  au service du mouvement Ennahdha, qui l’ a chargé d’instiguer une campagne de diffamation contre le camp démocratique et en particulier contre le dirigeant du Watad unifié Chokri Belaïd. Nous estimons que la préservation de l’anonymat de l’auteur pour des raisons de sécurité ne met absolument pas en doute la véracité et le sérieux de l’ensemble des données exposées. Par respect à la mémoire du martyr nous nous sommes abstenus de reproduire le document posté par Cherif Jebali, toutefois  nous avons jugé utile d’en reprendre certains points en raison de l’importance qu’ils  peuvent revêtir pour éclairer le lecteur qui cherche à savoir davantage sur cette conspiration soigneusement conçue et préparée par la nébuleuse islamiste dans laquelle nous incluons bien entendu des responsables d’Ennahdha, et dont le dernier acte fut l’assassinat, le 6 février 2013, du leader révolutionnaire. Dans la deuxième partie du document le dénommé Sam s’est employé à réfuter point par point les allégations mensongères de Cherif Jebali. On y apprend également, qu’«après concertation avec Chokri Belaid, Maitres Mohamed Hédi Abidi et Outayl Hamdi ont déposé plainte contre le dénommé Mohamed Cherif Jebali, pour diffamation et diffusion de fausse rumeurs.
Convaincu d’abus de confiance, Cherif Jebali a été condamné, le 4 avril 2015, dans une autre affaire, à deux ans de prison avec sursis et 20.000 dinars d’amende. S’il ne fait pas appel, il devrait normalement être rayé de l’Ordre des avocats, si ce n’est pas déjà fait. Au moins douze autres affaires attendent leur instruction. Il faudrait préciser que récemment cet avocaillon a participé activement aux côtés des Ligues de protection de la révolution (CpR) et des groupes extrémistes radicaux dans la campagne présidentielle de Moncef Marzouki.

2- Mohamed Moncef Ouerghi est décédé le jour de l’Aid Al-Idha, le 26 octobre  2012, d’une crise cardiaque. Condamné à une lourde peine sous l’ancien régime, il a été  libéré à la faveur de l’amnistie générale de 2011. Deux mois avant sa mort, des clichés le montraient en train de faire la prière à l’occasion de la fête de l’Aid Al-Fitr, au Kram Ouest, fief des milices violentes inféodées à Ennahdha, derrière «l’imam» Rached Ghannouchi venu mobiliser ses troupes.
Peu après la mort de Ouerghi, son fils Mohamed, maître en «zamaqtel», malgré une déficience mentale évidente, a été interpellé par la police pour des raisons inconnues. Depuis, on n’a plus entendu parler de lui. C’est un témoin oculaire qui a livré à Kapitalis un témoignage écrit, illustré par une photographie, affirmant avoir assisté, à l’aube, à un entrainement de type militaire d’un groupe de femmes d’Ennahdha, au bord de la mer à Kélibia.

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