Alors que le Maroc, la Tunisie et l’Egypte rivalisent pour devenir des centres régionaux des Tics et que les opérateurs internationaux de télécoms se ruent vers l’Afrique du Nord, les opérateurs patrons des télécoms de la région sont engagés dans une bataille féroce que seuls les plus intelligents d’entre eux pourront gagner. C’est la conclusion d’une récente étude publiée par Delta Partners, dont Kapitalis publie la synthèse.
Les marchés des télécommunications en Afrique du Nord présentent diverses opportunités et défis. Ces marchés ont connu une croissance de 20% du chiffre d’affaires total durant la période 2007-2009 et devraient continuer à croître ce chiffre de 7% durant les cinq prochaines années. L’association d’une forte voix mobile et d’une explosion de haut débit mobile devrait assurer la croissance future. De plus, la situation démographique favorable et la présence d’une jeune population donnera un élan supplémentaire à ce potentiel de croissance. Bien que les données mobiles sont fixées à une augmentation de ~ 35% par an au cours des cinq prochaines années, elles représenteront toujours moins de 10% du chiffre d’affaires total des télécommunications jusqu’à 2014.
Pendant ce temps, la rentabilité devrait diminuer à cause de l’arrivée continue de nouveaux abonnés de moindre valeur qui, à leur tour, obligent les opérateurs à bien répartir les nouveaux capitaux d’investissement. Toutefois, ces marchés, dans leur ensemble, présentent les opportunités de croissance les plus intéressantes dans la région.
La ruée des opérateurs internationaux
Par ailleurs, les opérateurs internationaux pourraient consolider leur présence dans la région, ce qui compliquera les modèles d’affaires des opérateurs locaux. Récemment, des opérateurs comme Mtn, Qtel, et Etisalat ont montré de plus en plus d’intérêt dans la région.
En outre, plusieurs gouvernements sont en train d’établir des bases pour une saine concurrence en télécommunications. Ils aident à mettre en place les bases pour établir de solides entreprises locales des Tic qui apporteront à l’ensemble du secteur une marge supérieure. Jusqu’à présent, le Maroc, la Tunisie et l’Egypte rivalisent en vue de devenir des centres régionaux pour le secteur des Tic.
Dans ce contexte, les présidents-directeurs généraux des operateurs télécoms d’Afrique du Nord font face à un ensemble spécifique de défis. La bonne compréhension de ces défis et les moyens appropriés d’y faire face seront détermineront les prochains gagnants et perdants dans ce marché.
Défendre les revenus de la voix traditionnelle
Les revenus de la voix constituent plus de 80% des revenus des opérateurs mobiles dans la région. Ils resteront au même niveau jusqu’à ce que le déploiement et l’adoption de haut débit mobile atteignent des niveaux signifiants.
Dans ces marchés à haut taux de désabonnement (avec des cas extrêmes comme celui du Maroc, où les taux de désabonnement annuels sont près de 45%), les opérateurs doivent défendre les revenus vocaux par la compréhension de la clientèle à travers la «gestion des données analytiques» (Gda) et de la prévention d’un haut taux de désabonnement des clients de grande valeur.
La Gda est une nouvelle façon de concevoir l’industrie, qui met l’analyse rigoureuse des données du comportement du client au cœur des décisions de la direction, et qui s’applique à la fois dans le domaine technique et commercial. La Gda lie les besoins d’affaires et les exigences financières tout en s’assurant que toutes les restrictions sont bien encadrées. C’est un outil excellent pour éviter des mauvaises décisions quantitatives qui pourraient mener à une destruction de valeurs inutile.
Augmenter la part des revenus non-voix
L’infrastructure fixe limitée des pays d’Afrique du Nord donne au mobile l’opportunité de mener la croissance du haut débit (jusqu'à ce que les déploiements FTTx deviennent une réalité). Nous nous attendons à ce que les revenus de mobile à haut débit ajoutent jusqu’à 2.2 milliards de dollars dans la région d’ici 2014. A fin de maximiser la valeur des actions, les opérateurs doivent non seulement offrir les capacités mais aussi fournir des appareils et contenus assez pertinents pour intéresser le marché.
L’intégration verticale dans la chaîne de valeur de données des opérateurs Internet et des fabricants d’appareils pose un risque pour les opérateurs, car ils peuvent être concernés dans le nouvel écosystème en minimisant leur part des revenus réalisés.
En tant que tels, les opérateurs doivent d’abord définir une stratégie claire pour le haut débit et définir le rôle qu’ils veulent jouer dans l’écosystème des services de données qui change très rapidement. Ils ont besoin de définir une stratégie envers les appareils et le contenu, tout en comprenant les éléments qu’ils veulent contrôler, associer, ou laisser aux autres joueurs de la chaîne de valeur.
Les opérateurs dans certains pays comme la Tunisie ont fait des percées vers l'élaboration d'une stratégie de haut débit. L’entrée d’Orange en tant que nouveau joueur a augmenté de façon significative la concurrence sur le front de données de l’entreprise.
Maintenir des saines marges du Baiia
La plupart des opérateurs, en particulier les opérateurs historiques, verra les marges du Baiia (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement des immobilisations corporelles et des actifs incorporels) s’effriter à mesure que les marchés mûrissent et que de nouveaux concurrents y entrent. L’arrivée de nouveaux abonnés au bas de la pyramide baissera encore les niveaux de rentabilité par abonné.
En conséquence, les opérateurs doivent s’engager dans des programmes pour l’optimisation du Baiia, en vue de transformer le modèle d’affaires en plus maigres opérations. L’optimisation de l’efficacité, y compris le partage des infrastructures, la normalisation des systèmes et des processus, la rationalisation des fournisseurs, la gestion des coûts et l’optimisation de la trésorerie sont, à cet égard, parmi les actions qui seront mises en route par les opérateurs de l’Afrique du Nord.
Dans le contexte d’un régime de gagnant-gagnant, les opérateurs du premier niveau dans les marchés les plus matures, tels que Vodafone ou Telefonica, offrent des alliances stratégiques pour les opérateurs basés dans des environnements moins matures. Pour les opérateurs en Afrique du Nord de moindre échelle, ce type d’accord représente une opportunité intéressante vers une efficacité opérationnelle.
Actuellement, la marge de Baiia des opérateurs varie entre 50% en Algérie et en Tunisie et 30% au Maroc. Le marché algérien a connu ce qui est peut-être l’une des marges les plus élevées dans la région, par exemple, ~ 57% par Djezzy, filiale d’Orascom, en décembre 2009.
Optimisation des dépenses en capital
Pendant que la croissance des revenus stagne et que le nombre d’abonnés continue à croître, la qualité du réseau sera compromise. La grande demande de trafic résultant de l’explosion des services de données surchargera les réseaux dans les marchés de la région. Les opérateurs auront besoins de trouver une attribution efficace des nouvelles dépenses en capital telle que l’exploration des possibilités de partage des infrastructures. Ceci est particulièrement utile en cas d’épuisement des réserves de trésorerie.
Les techniques de Gda peuvent aussi aider les opérateurs d’Afrique du Nord à identifier le comportement des clients par station de base. L’identification des domaines où les clients sont précieux et des problèmes de qualité par station de base peut aider les opérateurs à optimiser le retour sur leur investissement.
Consolidation de la zone de couverture régionale
La plupart des opérateurs de la région tentent de consolider leur présence locale ou régionale. Toutefois, les opportunités sont limitées, ce qui augmentera probablement les prix des actifs. Les groupes, qui sont à court d’argent, devront faire face à la difficulté d’obtenir du financement. Beaucoup peuvent mobiliser des capitaux en se dégageant de certains actifs tels que le réseau.
Les opérateurs locaux font face à un plus grand défi car ils doivent rivaliser avec les opérateurs régionaux et internationaux pour la fourniture de la voix. Ils peuvent consolider leur positionnement par l’acquisition des fournisseurs de service Internet ou des entreprises fournissant des services de Tic dans leurs marchés locaux.
Rôle important dans le paysage de la réglementation
Tous les opérateurs doivent faire participer activement les organismes de réglementation, étant donné que les régulateurs et les gouvernements continuent d’avoir une grande influence sur l’environnement concurrentiel en Afrique du Nord.
En résumé, les Pdg des opérateurs télécoms en Afrique du Nord sont engagés dans une bataille féroce. Seuls ceux qui comprennent vraiment les défis auxquels ils font face en sortiront vainqueur. Plus important encore, le succès sera déterminé par la capacité de ces Pdg d’appliquer correctement les solutions à ces défis. La mise en en œuvre convenable des techniques de Gda, des programmes d’efficacité des coûts, des investissements intelligents et convenable de la dépense en capital, des stratégies de données et même la consolidation régionales des stratégies décideront qui seront les vrais gagnants de cette bataille.
*- Delta Partners est un bureau d’études et de conseil basé à Dubaï, spécialisé dans les télécommunications et l’investissement dans les marchés émergents. L’étude s’intitule: ‘‘Les défis des patrons des télécommunications en Afrique du Nord’’.
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