Dans la tempête soulevée par la participation de Mohsen Cherif à une soirée musicale à Eilat en Israël, il n’y a eu que des voix inquisitrices. Un lecteur, Ali Ben Mabrouk prend ici la défense du chanteur, à sa manière. Son opinion mérite aussi d’être connue.
Tout le monde sait depuis la nuit des temps que spectacle rime toujours avec argent et que chaque artiste qui vit de son art ne peut s’empêcher de se plier aux exigences du métier, c’est-à-dire plaire aux spectateurs, flatter leur égo et les amuser au risque de paraître parfois puéril.
L’artiste, comme le chauffeur de taxi ou l’épicier du coin, n’a pas à choisir ses clients, c’est plutôt l’inverse qui se vérifie la plupart du temps. L’artiste se produit là où il est sûr de gagner le plus d’argent. Ceux qui affirment que l’argent est le dernier de leurs soucis – et ils sont très nombreux, ces derniers temps, à le prétendre –, se complaisent dans le mensonge et veulent prétendre à des statuts plus honorifiques.
L’interprète des désirs
Bernard Blier, qui s’est distingué par ses rôles de grands méchants, sadiques et sanguinaires, disait que l’acteur qui se prend au sérieux met fin à sa carrière d’artiste, son meilleur rôle est celui qui arrive à effacer complètement de la mémoire des téléspectateurs le dernier personnage qu’il a personnifié.
Quand le grand acteur Antony Quinn incarnait les rôles de Zorba le Grec, de Pancho Villa, du pape ou de Cheikh Omar El Mokhtar, on ne souciait guère de sa religion ou de ses origines, tout ce qu’on admirait en lui c’est sa capacité à interpréter ces personnages illustres avec tant d’abnégation, de sérieux et de professionnalisme.
Ce qui est arrivé à Mohsen Chérif n’échappe pas à cette règle. Il a été invité à se produire en Israël, comme il aurait pu donner ce spectacle n’importe où dans le monde. N’était-il basé à Paris où il côtoyait assez souvent la communauté juive et se plaisait à imiter le grand chanteur juif tunisien Raoul Journou en interprétant le répertoire de ce dernier.
Tout le monde sait qu’à chaque manifestation ayant trait à la communauté juive, les ressortissants de ce pays se donnent à cœur joie et n’hésitent pas à débourser des sommes énormes.
L’énorme bêtise qu’a commise Mohsen Cherif fut de prononcer ces vivats fatidiques: «Yahya Bibi Netanyahou !», dans l’euphorie de la soirée et l’ambiance animée, au cours de laquelle, on l’imagine, l’alcool a fait ses effets, Mohsen Cherif ne savait pas qu’il était filmé. Les paroles prononcées n’auraient eu aucun sens si elles n’avaient pas trouvé le chemin des télévisions arabes. Le but recherché par Mohsen Cherif en prononçant ces mots est le même que celui qui a poussé les chaînes arabes à diffuser la vidéo du scandale: plaire et augmenter l’audience.
Haroun Errachid et Abou Doulama
L’affaire est donc purement matérielle, une banale affaire de sous qui ne mérite en aucun cas cette hyper médiatisation.
La foudre qui s’est abattue sur Mohsen Chérif me rappelle une anecdote vécue par le grand poète abbasside, Abou Doulama, le jour où le calife Haroun Errachid, entouré de tous ses notables, lui a demandé de ridiculiser avec ses vers quelqu’un dans la salle. Abou Doulama savait qu’il risquait sa tête le lendemain s’il osait s’attaquer à l’un des illustres invités du calife, alors il a préféré se ridiculiser lui-même, et du coup il a pu satisfaire les désirs du calife, empocher l’argent, sauver sa tête et profiter de son gain, car à quoi sert de gagner de l’argent si on ne peut vivre assez pour en profiter.
Cette anecdote est symbolique de la vie d’un artiste qui vit de son art.
Ali Ben Mabrouk
*-Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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