altEst-il vrai, comme l’affirmait Ibn Khaldoun, que «les gens d’Ifrikya’ (Tunisie), se soumettent à ceux qui les humilient, et sont craintifs et sans vergogne»?

Par Habib Ksouri


Il est une citation concernant le «peuple» de Tunisie attribuée à Ibn Khaldoun, dont je ne saurais assurer l’authenticité. La particularité de cette citation, c’est qu’avant la révolution, elle avait un sens un tant soit peu biaisé, sauf peut-être pour les gens bien avertis de la réalité de la société tunisienne ou du moins une partie de cette société. La révolution a permis en fait, comme pour des expériences scientifiques, de confirmer cette citation par son antonyme, car elle a fourni une condition expérimentale en temps et dimension réelle, rare à réaliser dans l’histoire des peuples.

Héros de la provocation de bas étage

Parlant maintenant à cette vague sans précédent de vulgarité orchestrée par différents médias, artistes, politiciens sous couvert de liberté et de démocratie. Cette vague d’injures, de harcèlement, de bassesses en somme qui «illumine» la scène médiatique tunisienne. Ces valeureux, qui avant n’ouvraient bouche, ne remuaient lèvres ni ne clignaient de l’œil devant des parias que le hasard et les corruptions de tout genre ont élevés à des hauts rangs, sont devenus aujourd’hui des héros de la provocation de bas étage et du sarcasme de mauvais goût. Ceux qui étaient menés à la cravache, tels des cheptels par Ben Ali et compagnie, se sont révélés être des «pointures» dans l’art de la critique triviale et de l’humour d’égouts.

Il faut reconnaître que les révolutions ne refont pas les peuples, mais qu’elles en  révèlent certaines réalités. Ainsi, ces messieurs à la gâchette vulgaire facile et au verbe nauséabond sont dans leur majorité ceux-là mêmes qui raclaient avec la pelle qui leur sert de langue les détritus de leurs anciens maîtres en se délectant de leurs prouesses.

En définitif, celui qui s’est investi dans la vulgarité par la glorification des dictatures aura automatiquement la tendance de persister dans son œuvre par  l’injure de la démocratie. Je dis bien injure et pas critique, car chez nous, la critique n’a de valeur aux yeux de certains que si elle est rabaissée au rang d’injure et plus c’est bas, plus ça attire la foule. Ceux qui ont abaissé le niveau des débats des années durant vont perpétuer leurs projets car c’est tout ce qu’ils savent faire.

Une élite médiocre fait un peuple du même gabarit

Revenons à cette citation d’Ibn Khaldoun, cet illustre personnage qui a fui la Tunisie poussé par les combines de ses semblables qui le jalousaient. Cette citation qui paraitra offensante à certains stipule : «Les gens ‘d’Ifrikya’ (Tunisie), se soumettent à ceux qui les humilient, ils sont craintifs et sans vergogne». Voici une reconnaissance d’appartenance territoriale* qui donnera chaud au cœur à certains acteurs de la scène médiatico-politique actuelle.

Je persiste dans l’idée que ces caractéristiques, bien que partagées par certains de nos compatriotes, trouvent leur expression la plus flagrante chez les élites. Ces derniers, acteurs principaux de la vie sociale, économique,  éducative etc.,  normalement investis du devoir d’éclairer le peuple et d’orienter ses aptitudes pour le bien du pays, persistent dans leur stratégie de camouflage des réalités et de condescendance. Je suis persuadé que bien que les élites proviennent du peuple, ces derniers font les peuples et qu’une élite médiocre, fait un peuple du même gabarit.

A voir se qui se passe dans les plateaux de télévision de certaines émissions politiques ou de divertissement et parfois au sein même de l’Assemblée constituante, nous avons l’impression de ne pas être encore sortis de l’auberge, loin s’en faut, on serait même dans la cave.

Cet état de fait s’est transposé sur la population générale, et l’on entend certains avec un courage narquois et souvent inepte, humilier présidents, ministres, etc. Ainsi, la transition de la violence verbale à celle physique devient des plus élémentaires et pousse encore plus le pays vers le chaos. Je ne suis pour la sacralisation de personne, mais ce qui me parait devoir être le premier acquis de la démocratie, c’est bien le respect des autres. Ce ne sont en définitif que les incapables et les ratés qui ne peuvent critiquer sans offenser.

(*) Je tiens à rassurer les lecteurs qu’à ce qu’il parait, cet état de fait n’est pas propre aux Tunisiens, puisqu’en Egypte on remarque presqu’exactement le même phénomène.

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