altLa Tunisie est malade de ses «élites», sourdes, aveugles, qui braillent à en perdre haleine, et qui n’auront du peuple qu’un mépris aussi monumental que l’idée qu’elles se font d’elles-mêmes.

Par Habib Ksouri

 


Plus le rendez-vous du 23 octobre 2012 approche, plus le processus de lutte contre le système corrompu avance (du moins on l’espère) et plus on sent l’agitation de certains, les crises hystériques de certains autres, les espoirs de certains pantes du droit en un coup d’Etat, militaire ou autre, et les appels à la «révolte» armée des plus vaillants adeptes de la déblatération.

La masse de critiques (fondées ou non), la masse d’insultes, les rumeurs, les traités de mythomanie, envahissent l’espace et s’infiltrent même dans les plus fins interstices de la société tunisienne, qui n’en peu plus (et c’est là le but de la manœuvre).

Les scénarios catastrophes des éternels angoissés

Les alarmistes se joignent aux défaitistes, les oracles de l’apocalypse peaufinent leurs scénarios catastrophiques, les éternels angoissés ruminent leurs craintes à s’en consommer les molaires, certains gauchisants pactisent avec les Rcdistes, les nationalistes et les baâthistes disent rejeter les Rcdistes mais gardent quand même des liens étroits avec ces gauchisants, certains islamistes théorisent sur le califat et le règne universel, les néo-salafistes à la bouteille de rouge et au langage bien châtié lancent leurs guerres sacrées. Les artistes sonnent le glas du pays et les fameux journaleux déclarent le branle-bas de combat de la future guerre planétaire qui aura lieu dans ce pauvre pays. Pays qui, à ce qu’il parait, n’est pas encore sorti du marasme politico-économico-élitique dans lequel il se débat depuis plusieurs décennies. Les politicards venimeux, hargneux et sans autre envergure que leurs grandes gueules et leurs paroles sottes et vulgaires, distillent une haine qui traduit de façon régulière leur grande incapacité à assumer les réalités du pays et leur poids réel auprès des éventuels électeurs.

Quant à la fameuse société civile, assemblage hyper-polarisé politiquement que l’on veut faire passer pour des citoyens lambda apolitiques qui ont a cœur l’intérêt du peuple et qui n’est en vérité que le porte voix «dissimulé» de certaines franges extrêmes, politiques et autres, elle n’a de cesse de se  mobiliser continuellement pour le jour du jugement dernier.

Toute cette bande s’est mise en tête de «descendre» la «troïka» (la coalition au pouvoir, Ndlr) et principalement Ennahdha, quoi que ça coûte. Même au prix d’une nouvelle dictature, voire même de l’anarchie qui s’installe déjà. Que vivent les minorités d’«illuminés» et que le peuple aille au diable.

Ce qui n’est plus étonnant, c’est cette coalition difforme qui confirme, une fois de plus, que la dictature n’a jamais eu de soutien qui puisse plus valoir (ni police, ni armée, ni informateurs), qu’un ramassis de gens imbus d’eux-mêmes à différents titres (idéologiques, artistiques, vénaux), en fait la quintessence même de la vanité.

Cette «troïka», qui patauge à se noyer, a en fait fournie des arguments gratuits (aidée en cela, gratuitement aussi, par des mass-médias «super-hyper-objectifs»!) à ses divers détracteurs, par ses ratés, ses tergiversations, son immobilisme et son extrême ambigüité concernant plusieurs dossiers, parmi lesquels, le plus grave est le recrutement de Rcdistes de service. D’un autre côté, s’il est un crédit à apporter au compte de la «troïka», c’est principalement la qualité fripée et l’extrême balourdise de ses détracteurs. Ce qui dénote, de la part de ces derniers, une déconsidération totale des gens, qui sont toujours considérés comme des  attardés mentaux et au mieux des déboussolés, comme s’il ne s’était rien passé en Tunisie depuis presque 60 ans.

Nos chers politiciens doivent se mettre dans la tête que ce ne sont pas seulement ceux qui ont voté pour la «troïka» qui la supportent, et c’est là la clé pour essayer de comprendre la situation politique en Tunisie. Ainsi, ce que le peuple a expérimenté en sa chair durant des décennies ne peut être occulté par une situation actuelle certes grave et encore moins par des tollés orchestrés par des personnages que le peuple a aussi expérimenté durant des décennies.

Le danger qui nous guette, c’est le pessimisme de règle, qui mélange tout et qui rejette tout (ce qui est un des buts de toutes les manœuvres auxquelles on est en train d’assister), car en définitif une telle situation ne fera que permettre la réémergence de l’ancien système.

Un islam tunisien, light avec des omégas 3

En vérité, ces amas de poussières et autres détritus, qui s’amoncellent dans notre atmosphère et qui nous coupent le souffle et abrutissent l’esprit, ne sont que les produits de l’agitation grandissante de certains anciens paillassons, qui ont tout à craindre d’une réelle compagne de nettoyage. Toutes ces insultes, niaiseries, analyses vulgaires, cette manière de vilipender ses adversaires (ennemis), qu’on entend, qu’on lit, qu’on devine même à force de la réécouter, ne font que réconforter l’idée sur la masse qui se dit «cultivée» et qui n’a de la culture que les rumeurs de bas étage, les histoires d’alcôves, les mensonges monumentaux. Ces «incapables» qui masquent leurs médiocrités par des tollés, leurs ignorances par des «contre-vérités» et leurs incompétences par des auto-reconnaissances et auto-satisfécits. Ces personnages patibulaires qui n’ont d’autres mérites que leur degré de platitude devant tout pouvoir, tant qu’il leur refile quelques miettes du «butin» Tunisie, qu’ils ont appris à considérer comme tel. Ces gens, sans autre principe que leur intérêt personnel composeraient même avec les salafistes1 les plus virulents, tant qu’ils auront un profit personnel à tirer. Ainsi, ce ne serait pas étonnant s’il s’avérait une quelconque connivence entre ces deux extrêmes (en apparence). Il en est ainsi des idiots, d’être usé et abuser même en leurs âmes et consciences. Rappelons-nous que ces mêmes salafistes sont en harmonie complète avec les régimes du Golfe, qui n’ont de l’islam qu’un décor grossier, tout comme le voudrait nos «élites»2. Un islam tunisien, light avec des omégas 3, qui donnerait à César ce qui est à César (en l’occurrence, c’est eux les Césars) et ce qui est à Dieu au néant.

En somme, les gardiens du temple, ceux dont la tâche est de superviser et de diriger, sont aux abois, intellectuellement, mentalement et moralement. Comme un brin de folie peut créer des génies, des champs de débilité ne peuvent qu’engendrer le chaos. Les «avertissements» de certaines personnes inqualifiables, qui nous menacent d’une guerre civile à l’Algérienne, me rappellent les appels de leurs semblables algériens, qui ont eux-mêmes étaient à l’origine de ce qui s’est déroulé dans ce pays. Ces avatars Tunisiens d’une longue lignée de gens qui ont vendu leurs pays, peuples et dignité pour des considérations purement personnelles. Ces mégalomanes, qui ont l’outrecuidance de s’imaginer qu’ils sont seuls aptes à vivre dans ce pays, vont en définitive subir le sort du crapaud qui voulut se faire aussi gros que le bœuf, et n’auront du peuple qu’un mépris aussi monumental que l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes.

Un seul mot passe à l’esprit de celui qui suit la scène actuelle, pauvre Tunisie qui est atteinte d’un mal si tenace, des «élites», sourdes, aveugles qui braillent à en perdre haleine, assourdissant un peuple fatigué par les problèmes quotidiens et les détrousseurs de tout genre qui le dépossèdent même de ses aspirations en des temps meilleurs.

 

Notes :

1- Je signifie surtout les salafistes apparus après la révolution, qui attaquent tout ce qui bouge et qui sans aucun doute jouent un agenda extérieur pour pousser le pays vers le chaos et l’anarchie, le tout est de faire capoter le processus politique en Tunisie.

2- Je signifie les élites les plus médiatisées, qui remplissent les mass-médias par leurs hurlements et leurs vulgarités, qui sans aucun doute jouent un agenda extérieur pour pousser le pays vers le chaos et l’anarchie, le tout est de faire capoter le processus politique en Tunisie.

 

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