Le gouvernement de Mehdi Jomaâ ne doit pas bénéficier d'un blanc-seing. Ses faits et gestes, doivent inciter à la vigilance comme ce fut le cas pour les gouvernements qui l'ont précédé. La lassitude ne doit pas prendre la place de la colère.
Par Karim Ben Slimane*
Habemus governum. Ennahdha coupable de tous les maux de la Tunisie s'en est allée et un nouveau gouvernement compétent et non partisan a été désigné. Mehdi Jomaa, le fils prodige de la Tunisie, a sorti le pays des méandres du blocage politique qui durait depuis l'assassinat de feu Mohamed Brahmi.
La nouvelle, qui a coïncidé avec l'euphorie de l'adoption de la nouvelle Constitution, a été un bol d'oxygène pour cette Tunisie aux traits tirés et aux nerfs à vif.
L'Occident, lui aussi, piaffait d'impatience. Ainsi, en peu de temps, de l'argent, beaucoup d'argent, est tombé du ciel. L'espoir et la confiance restaurés, la monnaie nationale s'en est même appréciée augurant d'une reprise économique tant attendue. La sérénité semble planer de nouveau sur le ciel de la Tunisie.
L'équipe de Mehdi Jomaa jouit d'un blanc-seing pour gérer le pays avant de nouvelles élections. En dehors d'un épisode ubuesque dans lequel l'inénarrable Brahim Kassas s'est en pris à Amel Karboul, prétextant une prétendue normalisation avec l'Israël, le cabinet de Jomaa semble être au-dessus de tout soupçon. Le peuple peut et pourra dormir sur ses lauriers, le nouveau gouvernement veille au grain. Le rythme des grèves s'est spectaculairement réduit et le nouvel homme fort de la Kasbah a même brandi la menace de la réquisition pour faire avorter une grève dans l'Office national de la télédiffusion (ONT) faisant fi du sacro-saint droit de grève. Plus étonnant encore, le silence douteux des médias habitués à pester à tue-tête contre les précédents gouvernements.
Les ministres compétents et loyaux qui nous gouvernent sont ainsi des intouchables. Un petit exemple suffirait-il peut-être à illustrer la léthargie qui règne dans la scène médiatique et la complaisance envers le gouvernement Jomaa.
Un proverbe français dit qu'un chat échaudé craint l'eau froide. Nous avons été beaucoup dupé et trahi et tellement subjugué jusqu'à l'hébétude par des curriculum vitae kilométriques parés des plus prestigieuses institutions qu'on ne devrait plus signer de blanc-seing à quiconque.
J'ai toujours pensé que la démocratie est comparable à une chasse à courre, le peuple finit toujours par perdre le souffle et se rend les bras ballants à ses assaillants. La dictature utilise la violence, la démocratie repose sur l'usure du peuple, l'une comme l'autre sont des systèmes de contrôle social de dominants sur des dominés.
Avoir un gouvernement d'intouchables est le signe avant-coureur de l'usure des Tunisiens. La mise à mort est prochaine.
*Spectateur rigolard.
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