En Tunisie, on a dénombré plus de 500 mariages coutumiers («ôrfi») entre étudiants avec leur lot de naissances non reconnues. Autant dire qu'on n'a jamais autant forniqué dans les universités tunisiennes qu'aujourd'hui.
Par Karim Ben Slimane*
Selon un récent rapport publié par le conseil national des droits de l'Homme en Egypte, 64% des femmes égyptiennes seraient victimes de harcèlement. Avec ce taux qui donne le tournis, l'Egypte se place derrière l'Afghanistan qui caracole à la tête du classement des pays dont les femmes sont les plus touchées par le fléau du harcèlement sexuel.
L'excellent film ''678'' a superbement décrit ce mal qui gangrène la société égyptienne. Depuis peu, les langues se sont déliées, la société civile s'organise pour dénoncer le harcèlement des femmes dans la rue, dans les transports publics mais aussi au travail.
Le vice caché est la vertu du croyant.
Echec de la moralisation forcée de la société
Cependant, la révolution, en dépit des promesses de dignité et de liberté qu'elle a donné aux Egyptiennes, n'a rien réglé dans l'affaire. Un groupe de militantes qui débordent d'imagination a même lancé un site Internet pour la géolocalisation des incidents de harcèlement sexuel dans le Caire.
Le fléau du harcèlement sexuel soulève nombre de questions dont celui du rapport au corps de la femme, le tabou du sexe et la morale dans des sociétés gouvernées aujourd'hui par des islamistes.
Ces lignes ne constituent pas un énième grief abreuvant le sillon d'un anti-islamisme primaire et ambiant auquel beaucoup s'adonnent allègrement, ici et là.
Seulement, nous sommes en droit de demander comment les islamistes, qui se sont auto-proclamé gardiens du temple de la morale et se sont octroyé un droit de regard sur nos vies intimes, répondent à ce qui est un signe patent de l'échec de la moralisation forcée de la société.
En islam, les contraintes morales et les jugements sont intériorisés par le croyant qui, selon le degré de sa foi, va contrôler ses sens et ses gestes. L'observance des interdictions est donc une lutte avec soi afin de ne pas céder aux tentations et aux interdits. Dieu tient en estime les croyants qui résistent et obéissent à ses commandements tout en leur faisant confiance et en leur accordant son pardon et sa miséricorde quand ils s'égarent du droit chemin et ils se repentissent.
L'essentiel est que le voile soit de rigueur.
En revanche, les islamistes sont des moralistes qui ne croient pas en l'Homme et qui veulent bâtir une société dans laquelle la morale et les interdits ne seraient pas intériorisés par le croyant mais plutôt extérieurs à lui, habitant des lois et des règles dont au respect desquelles ils veillent et dont ils sanctionnent la déviance.
Une société d'hypocrites ou les apparences priment
L'islamiste est donc par définition anti-prométhéen; il ne croit pas en l'Homme et pense qu'il faut le contraindre à être bon. Il juge aussi sur les apparences et préfère le culte à la raison et le rituel au spirituel. Apparaître comme un dévot vous absout de tous vos péchés et vous épargne tout soupçon. En Afghanistan et en Egypte ce sont ces dévots qui contreviennent à la morale et portent atteinte à l'intégrité de la femme. Ceux qu'on croit au-dessus de tout soupçons car ils arborent une tache noire sur le front, tiennent un chapelet dans la main et se laissent pousser la barbe. La prière ne les prévient pas de fauter mais leur donne plutôt la couverture idéale pour assouvir en toute discrétion leurs désirs les plus vils. Il suffit de réciter quelques versets du Coran pour qu'une partie de jambes en l'air se transforme d'un pêché capital en une opération bénite.
Un sex-shop halal ouvert à Bahrain en 2010.
En Tunisie, on a dénombré plus de 500 mariages coutumiers («ôrfi») entre étudiants avec leur lot de naissances non désirées et non reconnues. Autant dire qu'on n'a jamais autant forniqué dans les universités tunisiennes qu'aujourd'hui.
La morale est donc un traquenard que les islamistes nous ont tendu, non pas pour réaliser un projet de société qui leur tient à cœur mais plutôt pour préserver leur position de gardien du temple et nous assujettir. Un temple dont les versets de Coran qui ornent le portail n'empêchent pas que les orgies et les entreprises les plus viles se tiennent à l'intérieur. Mais par les temps qui courent il vaut mieux être un veule à l'intérieur du temple qu'un esprit libre à l'extérieur.
* Spectateur engagé dans la vie politique tunisienne.
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