Si le gouvernement actuel tient à garder des chances de réussite, il doit opérer un remaniement ministériel et commencer par placer un diplomate chevronné à la tête du ministère des Affaires étrangères.
Par Moez Ben Salem
La nomination du ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem avait suscité de profonds remous aussi bien parmi la population qu’au sein de la classe politique tunisienne, y compris chez certains dirigeants d’Ennahdha qui ont désapprouvé le choix de cette personne dans un poste clé.
Chassez le népotisme, il revient au galop !
Cette désapprobation était liée à 3 raisons principales :
- primo, le lien de parenté de l’intéressé avec le fondateur du mouvement Ennahdha, cheikh Rached Ghannouchi, qui rappelle de bien mauvais souvenirs aux Tunisiens, qui ont souffert 23 ans durant du népotisme et du clientélisme ayant caractérisé l’ancien régime de Ben Ali. M. Abdessalem est, on le sait, le gendre de M. Ghannouchi, l’époux de sa fille aînée Soumaya, que l’on voit souvent aux côtés de son époux lors des missions à l’étranger de ce dernier. Ce qui fait grincer des dents et même jazzer dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères. Autant dire que la nomination de M. Abdessalem à la tête de la diplomatie tunisienne a symbolisé le retour à d’anciennes pratiques que nos concitoyens étaient en droit de considérer comme révolues ;
- secundo, les Tunisiens ont appris avec stupeur que ce ministre a représenté la chaîne qatarie Al Jazira lors d’une réunion de haut niveau de l’Otan. Cette nouvelle a choqué les Tunisiens, y compris parmi les sympathisants d’Ennahdha, qui se sont sentis touchés dans leur honneur, dans leur fierté. Ils ont ressenti comme une humiliation le fait que la politique étrangère de leur pays, héritier d’une brillante civilisation trois fois millénaire, soit sous l’emprise d’un petit pays du Golfe, lui même placé sous influence américaine ;
- tertio, l’incapacité de ce ministre à s’exprimer correctement en français, ce qui pouvait représenter un sérieux handicap du fait notamment que la France est notre premier partenaire économique et que nous avons une importante communauté tunisienne, forte de 600000 personnes, vivant en France.
Conférence internationale des amis du peuple syrien.
Si M. Abdessalem avait des compétences exceptionnelles faisant de lui le candidat idéal pour le poste qu’il occupe, les Tunisiens auraient pu comprendre et privilégier l’efficacité de l’action ministérielle par rapport à toute autre considération. Mais la réalité est toute autre !
Qui tire les ficelles derrière le rideau ?
En effet, dès sa nomination, ce ministre s’est révélé être un simple petit agent manipulé par des puissances étrangères, comme en témoigne son suivisme aveugle de la position qatarie dans l’épineuse question syrienne. Rafik Abdessalem n’a pas réagi au renvoi de l’ambassadeur syrien en Tunisie, par une décision du président de la République Moncef Marzouki, ignorant au passage que ledit ambassadeur avait déjà quitté notre pays plusieurs mois auparavant ! C’est dire son manque d’expérience et sa méconnaissance personnelle des dossiers importants.
Pire, ce ministre s’est lancé dans des déclarations intempestives, totalement déplacées, indignes d’une personnalité sensée diriger la diplomatie tunisienne.
Je donne ci-après 3 exemples très significatifs :
1- Au cours d’une séance de débat au sein de la Constituante, le «gendre» a osé déclarer : «Ce gouvernement est le meilleur de l’histoire» ! En matière d’arrogance, de suffisance, d’autoglorification, il est franchement difficile de faire mieux !
2- Parlant de l’ancien Premier ministre par intérim, Béji Caïd Essebsi, il s’est permis de faire des allusions de très mauvais goût à son âge, oubliant au passage que seul Dieu détient le secret de la longévité de tout un chacun ;
3- Au cours d’une conférence-débat tenue au Qatar, il a tenu des propos méprisants envers ses compatriotes, traitant l’opposition tunisienne de «0,00…», faisant preuve au passage d’une méconnaissance totale de la géographie de son pays, la confondant avec celle du Qatar, ce qui est, le moins que l’on puisse dire, scandaleux.
Si le gouvernement actuel tient à garder des chances de réussite, il doit opérer le plus tôt possible un remaniement ministériel et commencer d’abord par placer à la tête du ministère des Affaires étrangères un diplomate chevronné !
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