Devant l’exaspération des Tunisiens face aux violences physiques et verbales des Salafistes, Ghannouchi et ses hommes ne cessent de défendre ces derniers et de leur trouver des justifications. De qui se moquent-ils?

Par Rachid Barnat


Sur proposition de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, des dirigeants du parti islamiste qui domine la coalition au pouvoir ont lancé l’idée de privatiser l’Etablissement de télévision nationale avec ses deux chaînes Watanya1 et Watanya2.

Cette proposition a suscité de nombreuses réactions et la violence d’un groupe de jeunes salafistes qui manifestaient, depuis presque 50 jours déjà, quotidiennement, devant le siège de cette institution publique. Ils s’en sont pris de manière inacceptable aux journalistes et employés de la chaîne en proférant, comme d’habitude, des insultes et des menaces verbales en invoquant le nom d’Allah!

Pour tenir autant, les sit-inneurs ont dû bénéficier d’une logistique et d’un financement.

Des sit-inneurs au service de l’agenda d’Ennahdha

Qui a été derrière eux? Ces jeunes, qui ont manifesté près de deux mois, n’ont revendiqué que vers la fin de leur mouvement la «cession aux privés de la TV nationale », et curieusement juste après l’annonce par M. Ghannouchi de son désir de voir privatisée la TV nationale, projet confirmé par Ameur Lârayedh http://www.kapitalis.com/kanal/61-medias/9423-tunisie-ennahdha-menace-de-privatiser-les-medias-publics.html membre de l’Assemblée nationale constituante (Anc) élu sur une liste d’Ennahdha.

Le prétexte officiel pour privatiser ce bien national est le déficit financier de cette institution. Et, surtout, le problème qu’il y a à la réformer. Alors que nous savons qu’il s’agit en réalité d’une réponse irresponsable à un bras de fer qui dure depuis la prise du pouvoir par Ennahdha, entre ce parti et les journalistes de la chaîne de télévision. Ghannouchi n’admet pas que ce média soit indépendant du pouvoir.

Manifestation de nahdhaouis contre les "médias de la honte".

Pourtant, un syndicaliste assure qu’il y a une solution que le gouvernement a refusée. Les Japonais étaient prêts à les aider par un prêt sur dix ans à un taux dérisoire de 0,4%! Alors que nous savons, par ailleurs, que ce gouvernement a refusé l’aide japonaise pour d’autres prêts, toujours aux mêmes conditions, leur préférant les prêts de ses amis qataris à des taux quatre à cinq fois plus chers, et même plus cher même de ce qui se pratique sur le marché.

Les amitiés n’ont pas de prix, sauf que c’est le peuple qui paye la facture!

Il faut que les Tunisiens soient parfaitement conscients des enjeux et s’opposent fermement à cette volonté de privatisation, cela  pour au moins deux raisons fondamentales.

D’abord, ce n’est pas le moment de prendre une telle décision. N’y a-t-il pas d’autres urgences pour le gouvernement? Ne devrait-il pas plutôt s’occuper d’assurer la paix civile, le développement de l’économie?

Il faut continuer de rappeler à ce gouvernement qu’il n’est que provisoire et que la Constituante n’a été désignée que pour écrire la Constitution dans un délai d’un an. Et non de vendre le patrimoine national.

Rejet de toute cession des biens publics

Il faut sans cesse rappeler leur mandat aux élus et obliger ce pouvoir à se conformer à ce qui été démocratiquement décidé. Il faut qu’il se mette enfin au travail et donne des dates pour la remise du document pour la rédaction duquel il a été mandaté: la Constitution! Et qu’il nous donne un agenda clair pour les nouvelles élections. Dans son discours du 1er mai, Houcine Abassi, secrétaire générale de l’Ugtt, la principale centrale ouvrière, a eu raison de le rappeler fermement: «A l’Assemblée nationale constituante de se dédier à l’élaboration de la Constitution et que soit réactivée l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie)», et de s’inscrire en faux contre le projet de MM. Ghannouchi et Lârayedh.

«Nous combattrons toute tentative de cession de nos biens publics, et nous nous opposerons à toute tentative de mainmise sur nos médias publics, comme nous refusons l’asservissement à nouveau de l’administration pour reproduire de nouvelles forme de despotisme, sous quelque forme que ce soit», a dit M. Abassi. Et de renchérir: «Nous ne laisserons pas les groupes de la mort, ennemis de la vie, attenter à l’intégrité de nos universités et de nos entreprises, étouffant la joie de nos enfants, s’acharnant sur les créateurs dans les domaines des arts et de la culture. Nous ne nous résignerons pas face à ceux qui accusent leurs compatriotes de mécréance, à la ségrégation, à la militarisation de la vie publique, à l’embrigadement des lieux de culte et d’éducation, incitant à la haine.»

Seul le pouvoir issu des nouvelles élections et de la Constitution pourra engager des décisions d’avenir. Ce gouvernement provisoire ne doit pas prendre de décisions irréversibles comme celle évoquée, qui vont engager le pays pour l’avenir. Il n’en a pas démocratiquement le pouvoir.

 

Salafistes ou milices privées d'Ennahdha?

Un moyen de faire taire des journalistes enfin libres

En second lieu, cette décision est évidemment un moyen de faire taire cette télévision et ces journalistes qui pointent les erreurs et les fautes de ce gouvernement ainsi que sa volonté – maintenant assez claire – de se maintenir au pouvoir et de museler la presse et les libertés.

Comme les journalistes luttent pour leur liberté (garantie d’une véritable démocratie), ce gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’envisager la vente à un groupe privé qui lui sera acquis et qui pourra museler cette télévision en lui donnant une autre ligne éditoriale.

Peut-être aussi serait-ce l’occasion pour ce pouvoir de favoriser son ami l’émir du Qatar et lui donner ainsi un moyen supplémentaire d’influencer la politique tunisienne.

Or les Tunisiens ont déjà clairement indiqué, et ils le rediront sans cesse, qu’ils ne veulent pas être colonisés ni par le Qatar ni par aucun autre pays arabe. Les Tunisiens sont suffisamment évolués pour ne pas tomber entre les mains d’Etats obscurantistes et liberticides.

Du mauvais usage de l’épouvantail «salafiste»

Enfin, les méthodes pour parvenir à cette décision, sont celles d’un Etat dictatorial. Pour cela Ennahdha utilise ce que les Tunisiens nomment les «salafistes», qui ne sont autres que les barbouzes du régime, un ramassis de désœuvrés, dont une grande partie sont d’anciens repris de justice recyclés et instrumentalisés, avec des méthodes d’attaque et d’agression rodées; puisque au cri de guerre «takbir» (Allah Akbar), répond la meute par l’agression verbale et physique des personnes qui déplaisent au pouvoir, c’est-à-dire tous ceux qui refusent le diktat d’un seul parti et ne pensent pas comme son guide suprême Ghannouchi.

Ces «salafistes» utilisent le vocable et les gestes du parfait voyou sans foi ni loi (doigt et bras d’honneur, insultes les plus grossières, notamment à l’égard des femmes), ce qui prouve parfaitement leur comédie du «religieux fanatique» dont ils n’ont que le grotesque déguisement (barbe hirsute, «qamis» saoudien ou même afghan, etc.)!

L’âge de ces agitateurs «professionnels»: souvent des gamins de 12 à 20 ans désœuvrés, mais sûrement payés pour leur «service». Selon certains témoins, ils percevraient entre 30 et 50 dinars la «séance».

Les événements récents devant les locaux de la chaîne sont très clairs. Un groupe de jeunes visiblement incultes, qui n’ont absolument rien à voir avec cette télévision (n’étant ni journalistes, ni employés de la chaîne), sont venus soutenir l’idée de vente de cette institution nationale. Ils ont menacé les journalistes et les employés, ainsi que l’ont déclaré ces derniers dans un reportage de la chaîne, avec des agressions verbales et physiques à l’encontre de certains journalistes et des saccages de leurs véhicules.

On remarquera aussi que la police n’a curieusement rien fait pour protéger les journalistes des violences dont ils font l’objet. Elle s’est contentée de renvoyer ces derniers dans leurs locaux, laissant les «salafistes» poursuivre leur œuvre d’intimidation.

Durant la campagne électorale, les salafistes nahdhaouis manipulés par leur parti semaient la terreur parmi les Tunisiens et surtout parmi les Tunisiennes, pour occuper le terrain publique et médiatique.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Ghannouchi et de ses hommes, ceux-ci continuent à les utiliser, tel des barbouzes, pour faire diversion, faute de programme politique et économique à proposer aux Tunisiens. Et comme par hasard, après chaque discours politique ou une décision gouvernementale impopulaire et contraire aux objectifs de la révolution, les barbouzes du gouvernement reprennent du service: terroriser les Tunisiens par l’intimidation, l’agression verbale et physique… avec un recours à la violence sous toutes ses formes: menace de mort, tentative de meurtre, saccages des biens d’autrui… Des faits relevant du droit commun mais jamais punis!

 

Sit-inneurs devant la télévision en service commandé par…Ennahdha.

«Ne sont-ils pas nos enfants?», justifie Ghannouchi

Devant l’exaspération d’une majorité de Tunisiens, Ghannouchi et son gouvernement ne cessent de plaider pour les perturbateurs que sont les salafistes formant leur base; invoquant leur apprentissage de la démocratie, la liberté d’expression, la liberté de manifester, leur manque de maturité, intellectuelle et politique...

Bref, ils les présentent comme des demeurés avec qui les Tunisiens devraient se montrer pédagogues et patients. «Ne sont-ils pas nos enfants?», assènent-ils, goguenards, pour clouer le bec à ceux qui voudraient voir ces jeunes violents arrêtés et jugés pour les faits relevant du droit commun : agression verbale et physique à l’encontre des journalistes, des enseignants, des syndicalistes, des artistes... jusqu’à l’outrage au drapeau national, et plus récemment appel au meurtre avec tentative de passage à l’acte à l’encontre du professeur Jawhar Ben Mbarek?

Or en terme de pédagogie, Ghannouchi et son gouvernement laissent envahir la Tunisie par des prédicateurs étrangers souvent à la solde des Ibn Saoud et de l’émir du Qatar, pour venir déverser sur la société tunisienne, et dans nos mosquées, leur discours obscurantistes incitant à la haine, à la violence et au meurtre, pour endoctriner les plus fragiles.

De qui se moque-t-on? Ils allument le feu et s’étonnent de la fumée!

Ces faits signent absolument nettement, sans discussion possible la responsabilité du pouvoir. Ces jeunes manipulés ont été envoyés par Ennahdha qui se comporte, en l’occurrence, comme un parti fasciste qui veut intimider ceux qui ne partagent pas sa doctrine.

A moins que tout soit planifié dans une optique électoraliste par un parti aux abois. Auquel cas, aux Tunisiens de résister, de dénoncer ce gouvernement aussi légitime qu’il prétend l’être, puisqu’il perd toute légitimité, dès lors qu’il n’assure pas la sécurité des hommes et de leurs biens, dont c’est le rôle premier !

Que les hommes au pouvoir se mette une chose dans la tête: les Tunisiens ne se laisseront pas intimider. Ils n’ont plus peur.

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