La «troïka» ressemble de plus en plus à un marché de dupes où CpR et Ettakatol se font toujours avoir, à l’insu de leur plein gré. A l’arrivée, c’est toute la Tunisie qui se trouve à genou.

Par Sonia Mabrouk*

Le rapport d’activité du ministère des Affaires de la femme et de la famille (Maff) présenté lors d’une conférence de presse, courant septembre dernier, dévoile le partage des rôles subtil entre les partis de la «troïka», la coalition au pouvoir, à l’origine d’un laxisme intriguant dès lors qu’il s’agit d’appliquer les lois sur certains contrevenants, en l’occurrence ceux appartenant à la mouvance islamiste.

Les propos tenus par Rached Ghannouchi dans la vidéo «fuitée», invitant les salafistes à ouvrir des écoles, établissements, voire même à organiser des campements (!), ne sauraient être compris correctement qu’à la lecture des échanges de correspondance entre le Maff et le ministère de l’Intérieur (MI).

Or, le rapport cité ci-haut relate, dans sa page 41, des échanges accablants, publiés sans doute par mégarde (pour télécharger le rapport disponible sur la page Facebook  de la détentrice du portefeuille Sihem Badi). Il en ressort que :

- le Maff, ayant constaté que des établissements relevant d’associations coraniques exercent des activités de jardin d’enfants au mépris des lois et règlements, a adressé une lettre au MI pour lui demander d’intervenir auprès des gouverneurs pour faire fermer ces établissements. Le ministre de l’Intérieur a répliqué  sèchement en indiquant que la suspension de l’activité de ces jardins d’enfants relève du Tribunal de première instance de Tunis (sic!).

Un jardin d'enfant coranique quelque part en Tunisie.

Pour enfoncer le clou, diluer les responsabilités et masquer son impuissance, le Maff nous informe qu’il est toujours en train de recenser les «associations religieuses» exerçant dans le domaine de l’enfance et qu’il a adressé au Secrétaire général du gouvernement (et non directement au chef du gouvernement) la liste et les coordonnées de ces associations dont il dispose actuellement. Drôle de ministre se réclamant du Congrès pour la République (CpR), parti dit de centre-gauche, laïque et grand défenseur des libertés. Et la boucle est bouclée.

Rappelons enfin que, lors du point de presse du jeudi 27 septembre, Mme Badi a reconnu implicitement son impuissance face aux jardins d’enfants gérés par les associations coraniques (voir Kapitalis).

Dans le même ordre d’idées, la chaîne Ettounissia a diffusé, tout au long de cette semaine, une émission consacrée à ces associations coraniques. On y apprend qu’elles délivrent des attestations aux participants à des cycles de formation destinés aux jardins d’enfants islamiques sans que le ministère de tutelle (Maff) réagisse malgré les mises en garde lancées par la chambre syndicale des crèches et jardins d’enfants.

Nous espérons qu’en signe de bonne fois Mme Badi – qui est fortement appréciée par ces collègues d’Ennahdha et sans doute bien notée par le chef du gouvernement Hamadi Jebali – osera publier ladite liste et tirer un baroud d’honneur face à la déferlante salafiste. Et pourquoi ne pas saisir la justice? Je rêve, rêvons ensemble!

Enfin, les jardins d’enfants ne sont que la cerise sur le gâteau : silence on se répartie les rôles dans une tragi-comédie qui n’amuse plus personne!

La «troïka» ressemble de plus en plus à un marché de dupes où CpR et Ettakatol se font toujours avoir, à l’insu de leur plein gré. A l’arrivée, c’est toute la Tunisie qui se trouve à genou.

* Educatrice.

Articles liés :

Tunisie. Sihem Badi la ministre qui tire sur les ambulances!

Tunisie. Mme Badi, mais indignez-vous, mon dieu!

Tunisie. Qui paye le chauffeur de la fille de Sihem Badi?