Les Tunisiens ont carrément vomi le système Zaba et les nausées que leur cause aujourd’hui celui de Jaba (Hamadi Jebali) sont de moins en moins supportables.

Par Tarak Arfaoui


Au train où vont les choses, l’histoire risque d’être un éternel recommencement. A peine débarrassés de Zaba et de son système, les prémices inquiétantes de son retour insidieux se font de plus en plus sentir, drapé dans le voile d’un gouvernement provisoire dont les arguments et les actions nous font étrangement rappeler ceux d’un système qu’on croyait à jamais révolu.

Il est bien sûr évident que la dictature n’est pas encore là mais les ingrédients de son installation sont bien perceptibles. La milice d’Ennahdha s’est accaparée la rue en lieu et place de celle de Zaba et ses opérations coup de poing sont un remake flagrant de celles de l’ancien système. Le corporatisme et le sectarisme semblent être la pierre angulaire des désignations administrative dans les postes clés nous rappelant les bonnes vieilles méthode de l’ex-Rcd. Les compétences nationales, à défaut d’allégeance, sont mises au placard et les désignations aux postes de responsabilité sont comptabilisées au prorata des années passées en taule sous Ben Ali. Ou d’allégeance à ce qu’il faut appeler désormais parti au pouvoir.

Chassez le despotisme, il revient au galop

Les Tunisiens, qui ont vomi le système politico-familial des Trabelsi, n’ont pas attendu longtemps pour le voir remplacé par le système familial de Rached Ghannouchi. Notre cher Premier ministre provisoire, Hamadi Jebali, dans un élan de réalisme politique, n’hésite pas à pousser plus loin le bouchon en s’entourant progressivement et sans vergogne de plusieurs ex-mentors de Zaba. Ses déclarations à la presse ainsi que ses discours dans un savant mélange de langue de bois et de démagogie nous rappellent étrangement le spectre du défunt Zaba ressuscité dans le moule de «Jaba».

Devant son incapacité flagrante à affronter les problèmes sociaux, le gouvernement provisoire commence à se réfugier dans les faux-fuyants et les accusations gratuites jetant l’anathème sur l’opposition et certaines corporations, notamment les médias, faute de pouvoir régler les vrais problèmes du pays.

Les journalistes qui font honnêtement leur travail en soulignant les erreurs et les errances du gouvernement, sont mis à l’index comme au bon vieux temps, et la politique de la matraque dans les manifestations semble reprendre du poil de la bête. Les récentes déclarations de Rafik Abdessalem, gendre de Rached Ghannouchi et accessoirement ministre des Affaires étrangères, invectivant les journalistes tunisiens, à son menthttp://kapitalis.com/administrator/index.php?option=com_content§ionid=6&task=edit&cid[]=8608#or Al-Jazira, qui n’est pas un exemple d’objectivité journalistique, sont indignes de son rang et nous rappellent étrangement celles d’un certain pompier de l’ère Ben Ali. Si les revendications sociales repartent de plus belle c’est de la faute des gauchistes ; si le tourisme ne redémarre plus c’est la faute des journalistes ; si les marches de protestation se multiplient c’est la faute des opportunistes et s’il neige abondamment c’est de la faute des météorologistes.

Pire encore : les accusations gratuites fusent de tout bord, certaines d’une grande gravité, de la bouche même de Hamadi Jebali alias Jaba, qui n’a pas hésité à faire ressurgir le spectre du régionalisme en accusant ouvertement les hommes d’affaire de Sousse d’être derrière les récentes manifestations de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt). Son conseiller politique, Adel Zitouni, a quant à lui besoin de toute urgence d’un conseiller politique pour ne plus déverser des inepties et des accusations gratuites d’une gravité extrême à l’endroit de l’opposition.

La politique  de l’autruche

S’il continue dans la voie de la politique de l’autruche, le gouvernement provisoire court probablement à sa perte. Il se comporte comme un pauvre quadrupède qui tourne en rond en essayant vainement d’attraper sa queue. Son aveuglement et particulièrement celui d’Ennahdha pour se maintenir au pouvoir en utilisant des armes aussi puériles et obsolètes que celle des invectives, des dénigrements et des fausses accusations pour justifier son échec le mènera à un échec encore plus cuisant. Les invectives vis-à-vis de l’opposition sont les arguments de ceux qui n’ont pas d’arguments. Les Tunisiens ont carrément vomi le système Zaba et les nausées que leur cause aujourd’hui celui de Jaba sont de moins en moins supportables.

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