Pour survivre dans un marché national des télécommunications devenu très concurrentiel, et où les parts se disputent désormais au couteau, l’opérateur historique tunisien a-t-il d’autre option qu’une âpre cure de dégraissage?


Tunisie Telecom n’a pas peur de révéler son talon d’Achille: des effectifs pléthoriques, dans la pure tradition des entreprises publiques. L’opérateur emploie, en effet, quelque 8.356 salariés, contre 1.600 pour Tunisiana et 1.200 pour Orange Tunisie, ses concurrents directs sur le marché tunisien.

Légère compression des effectifs
Dans le document de référence de 555 pages établi en prévision de sa double cotation sur les bourses de Tunis et de Nyse Euronext Paris – consultable sur le site de la Bourse des valeurs mobilières de Tunisie (Bvmt)Tunisie Telecom n’hésite pas à affirmer qu’il «ne peut garantir» que les objectifs assignés au plan de départ volontaire à retraite, qu’elle s’apprête à mettre en œuvre, «pourrait avoir un impact sur ses résultats notamment par réduction des gains de productivité escomptés.»
L’opérateur a certes réussi à compresser légèrement ses effectifs, qui sont ainsi passés de 8.023 à la fin décembre 2007 à 8.356 à la fin de cette année. La société a également réussi à faire baisser le pourcentage des agents statutaires (régis par le statut du personnel du groupe) de 97,3% à la fin 2007 à 87,9% à la fin 2009, soit 7.342 salariés, et à augmenter, durant la même période, celui des contractuels (employés sous contrats à durée déterminée), de 2,7% à 9,8%, soit 818 salariés.

Un faible taux de rotation
Il n’en demeure pas moins que le taux de rotation (défini par le rapport entre les effectifs sortis en fin d’année ramené à ceux effectifs du début de l’exercice) reste faible, évalué à 2,3% en 2010. Pis encore : alors que le nombre des départs à la retraite n’augmente pas de manière sensible, les charges du personnel continuent, eux, d’augmenter régulièrement, en raison notamment des hausses annuelles des salaires (salaires de base et primes) en application des accords triennaux conclus avec les syndicats et de l’augmentation du taux des cotisations sociales patronales, et ce conformément à la réglementation en vigueur dans le pays.
Les prochaines négociations salariales pour 2011-2013 démarreront courant 2011 pour aboutir à un nouvel accord sur de nouvelles hausses salariales, probablement en 2012. Ce n’est pas là une perspective réjouissante, loin s’en faut. Aussi, le plan de départ volontaire à la retraite, que Tunisie Telecom s’apprête à mettre en œuvre au cours des trois prochaines années, s’est-il imposé comme un mal nécessaire. Selon la direction ce plan concerne surtout, et exclusivement:
- les agents remplissant les conditions légales de départs à la retraite anticipée pour des raisons personnelles (ayant atteint l’âge de 57 ans et plus avec une ancienneté de 37 ans et plus) ;
- les agents âgés de 50 ans et plus, ne remplissant pas les conditions de départs déjà mentionnées, mais qui bénéficieront de conditions différentes.
La décision de participer à ce plan reste entièrement volontaire, assurent aussi les responsables de la société, qui vont probablement créer un comité ad hoc pour étudier les candidatures spontanées qui seront ainsi présentés. Mais combien de candidatures spontanées seront présentées? Sur combien de départs volontaires à la retraite l’entreprise peut-elle raisonnablement tabler, qui plus est, en cette période de raréfaction du marché de l’emploi?

Le syndicat refuse de coopérer
Une réunion s’est tenue, le 2 décembre, entre la direction générale de Tunisie Telecom et la Fédération syndicale de la poste et des télécommunications (Fspt), dont dépend le syndicat de l’entreprise. Elle a porté sur les détails du plan de départ volontaire à la retraite d’un certain nombre de salariés, avec la promesse de recruter 500 diplômés du supérieur au cours des trois prochaines années. Tunisie Telecom cherche ainsi à attirer les meilleurs profils et leur proposer des plans de carrière stimulants, fondés sur la culture de la performance et du mérite.
Aux candidats au départ à la retraite anticipée, l’entreprise promet des primes incitatives, comme, par exemple, 1 mois de salaire pour chaque année de travail effectif à condition que cela ne dépasse pas les 15.000 dinars tunisiens (DT) pour les salariés âgés de 57 ans, et 15.000 DT en plus d’une prime mensuelle équivalente à 60 % de la moyenne d’un salaire brut jusqu’à l’arrivée à l’âge de la retraite (60 ans ou plus).
En lançant le mot d’ordre de grève pour le 19 janvier prochain, le syndicat a voulu opposer une fin de non-recevoir. M. Mongi Ben Mbarek, secrétaire général de la Fspt, rejette tout : la privatisation – traduire: la cession de 30% du capital de l’opérateur historique –, l’assainissement et le plan de départ volontaire à la retraite. On peut, bien sûr, le comprendre: il est d’ailleurs dans son rôle de syndicaliste. Il n’en reste pas moins que Tunisie Telecom ne saurait s’accommoder plus longtemps des boulets de fer hérités d’un passé pas si lointain où la société était tenue d’accomplir une mission de service public. Car ces boulets de fer l’empêchent aujourd’hui d’assainir sa gestion de manière à augmenter sa productivité et son agilité opérationnelle et à améliorer sa compétitivité. Et il y va de sa pérennité même… ainsi que de l’avenir de tous ses  salariés.
En d’autres termes: la solution, nécessaire et vitale pour toutes les parties, passe par la négociation, et non par le refus du dialogue. Des sacrifices sont nécessaires, et ils seront nécessairement – et équitablement – partagés. 

Malek Neïli

Lire aussi :
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Tunisie Telecom. Il faut dégraisser le mammouth

Pour survivre dans un marché national des télécommunications devenu très concurrentiel, et où les parts se disputent désormais au couteau, l’opérateur historique tunisien a-t-il d’autre option qu’une âpre cure de dégraissage?

Tunisie Telecom n’a pas peur de révéler son talon d’Achille: des effectifs pléthoriques, dans la pure tradition des entreprises publiques. L’opérateur emploie, en effet, quelque 8.356 salariés, contre 1.600 pour Tunisiana et 1.200 pour Orange Tunisie, ses concurrents directs sur le marché tunisien.

Légère compression des effectifs

Dans le document de référence de 555 pages établi en prévision de sa double cotation sur les bourses de Tunis et de Nyse Euronext Paris – consultable sur le site de la Bourse des valeurs mobilières de Tunisie (Bvmt) http://www.bvmt.com.tn/publications/divers/doc_reference_TT_2010.pdf –Tunisie Telecom n’hésite pas à affirmer qu’il «ne peut garantir» que les objectifs assignés au plan de départ volontaire à retraite, qu’elle s’apprête à mettre en œuvre, «pourrait avoir un impact sur ses résultats notamment par réduction des gains de productivité escomptés.»

L’opérateur a certes réussi à compresser légèrement ses effectifs, qui sont ainsi passés de 8.023 à la fin décembre 2007 à 8.356 à la fin de cette année. La société a également réussi à faire baisser le pourcentage des agents statutaires (régis par le statut du personnel du groupe) de 97,3% à la fin 2007 à 87,9% à la fin 2009, soit 7.342 salariés, et à augmenter, durant la même période, celui des contractuels (employés sous contrats à durée déterminée), de 2,7% à 9,8%, soit 818 salariés.

Un faible taux de rotation

Il n’en demeure pas moins que le taux de rotation (défini par le rapport entre les effectifs sortis en fin d’année ramené à ceux effectifs du début de l’exercice) reste faible, évalué à 2,3% en 2010. Pis encore : alors que le nombre des départs à la retraite n’augmente pas de manière sensible, les charges du personnel continuent, eux, d’augmenter régulièrement, en raison notamment des hausses annuelles des salaires (salaires de base et primes) en application des accords triennaux conclus avec les syndicats et de l’augmentation du taux des cotisations sociales patronales, et ce conformément à la réglementation en vigueur dans le pays.

Les prochaines négociations salariales pour 2011-2013 démarreront courant 2011 pour aboutir à un nouvel accord sur de nouvelles hausses salariales, probablement en 2012. Ce n’est pas là une perspective réjouissante, loin s’en faut. Aussi, le plan de départ volontaire à la retraite, que Tunisie Telecom s’apprête à mettre en œuvre au cours des trois prochaines années, s’est-il imposé comme un mal nécessaire. Selon la direction ce plan concerne surtout, et exclusivement:

- les agents remplissant les conditions légales de départs à la retraite anticipée pour des raisons personnelles (ayant atteint l’âge de 57 ans et plus avec une ancienneté de 37 ans et plus) ;

- les agents âgés de 50 ans et plus, ne remplissant pas les conditions de départs déjà mentionnées, mais qui bénéficieront de conditions différentes.

La décision de participer à ce plan reste entièrement volontaire, assurent aussi les responsables de la société, qui vont probablement créer un comité ad hoc pour étudier les candidatures spontanées qui seront ainsi présentés. Mais combien de candidatures spontanées seront présentées? Sur combien de départs volontaires à la retraite l’entreprise peut-elle raisonnablement tabler, qui plus est, en cette période de raréfaction du marché de l’emploi?

Le syndicat refuse de coopérer

Une réunion s’est tenue, le 2 décembre, entre la direction générale de Tunisie Telecom et la Fédération syndicale de la poste et des télécommunications (Fspt), dont dépend le syndicat de l’entreprise. Elle a porté sur les détails du plan de départ volontaire à la retraite d’un certain nombre de salariés, avec la promesse de recruter 500 diplômés du supérieur au cours des trois prochaines années. Tunisie Telecom cherche ainsi à attirer les meilleurs profils et leur proposer des plans de carrière stimulants, fondés sur la culture de la performance et du mérite.

Aux candidats au départ à la retraite anticipée, l’entreprise promet des primes incitatives, comme, par exemple, 1 mois de salaire pour chaque année de travail effectif à condition que cela ne dépasse pas les 15.000 dinars tunisiens (DT) pour les salariés âgés de 57 ans, et 15.000 DT en plus d’une prime mensuelle équivalente à 60 % de la moyenne d’un salaire brut jusqu’à l’arrivée à l’âge de la retraite (60 ans ou plus).

En lançant le mot d’ordre de grève pour le 19 janvier prochain, le syndicat a voulu opposer une fin de non-recevoir. M. Mongi Ben Mbarek, secrétaire général de la Fspt, rejette tout : la privatisation – traduire: la cession de 30% du capital de l’opérateur historique –, l’assainissement et le plan de départ volontaire à la retraite. On peut, bien sûr, le comprendre: il est d’ailleurs dans son rôle de syndicaliste. Il n’en reste pas moins que Tunisie Telecom ne saurait s’accommoder plus longtemps des boulets de fer hérités d’un passé pas si lointain où la société était tenue d’accomplir une mission de service public. Car ces boulets de fer l’empêchent aujourd’hui d’assainir sa gestion de manière à augmenter sa productivité et son agilité opérationnelle et à améliorer sa compétitivité. Et il y va de sa pérennité même… ainsi que de l’avenir de tous ses  salariés.

En d’autres termes: la solution, nécessaire et vitale pour toutes les parties, passe par la négociation, et non par le refus du dialogue. Des sacrifices sont nécessaires, et ils seront nécessairement – et équitablement – partagés.

Malek Neïli

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Tunisie Telecom. Un plan social de départs à la retraite

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