Alors qu’il y a 5 ans certaines d’entre elles se préparaient à s’exporter, les sociétés de BTP se soucient aujourd’hui d’abord d’assurer leur survie.
Par Nabil Ben Ameur
Quand le bâtiment va tout va, a-t-on coutume de dire. Mais c’est en quelque sorte à une confirmation «inversée» de cette idée largement acceptée qu’on assiste aujourd’hui : rien ne va, donc le bâtiment ne va pas bien.
«Le secteur de la construction est en panne. Nous sommes en train de reculer», confirme Chokri Driss, président de la Fédération du Bâtiment de l’Utica, samedi 23 mai 2015, lors d’une conférence sur les projets publics, organisée par l’antenne tunisienne du Global infrastructure anti-corruption centre (Giacc), présidée par Kamel Ayadi.
Quelques chiffres illustrent cette situation: de 2000 à 2008, 287 km d’autoroute ont été réalisés en Tunisie, soit une moyenne de 25 km par an – contre 50 prévus. Mais au cours des 5 dernières années, le rythme de construction d’autoroutes a fortement chuté, à 78 km, soit une moyenne de 15 km par an.
Le président de la Fédération du Bâtiment de l’Utica impute ce retard dans la réalisation des projets publics au problème foncier et plus particulièrement au montant de la compensation pour expropriation dont il recommande de «revoir les tarifs».
Mosbah Kanzari, directeur général adjoint du groupe Studi, voit dans les «mauvaises études» l’une des principales causes du dérapage des projets publics.
La tâche des opérateurs est également compliquée par le fait que certaines dispositions du Code du marché publics, susceptibles de leur faciliter la tâche, ne sont pas appliquées, regrette Ahmed Bouzguenda, directeur général du groupe éponyme. C’est le cas, par exemple, de la disposition concernant les «projets en conception réalisation», avec laquelle «la Cité sportive de Radès avait été réalisée», rappelle le président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE).
Autre disposition non utilisée, celle autorisant l’administration à écarter les «offres anormalement basses».
Enfin, M. Bouzguenda pointe du doigt la lourdeur du fonctionnement de la Commission de règlement amiable des litiges, et ce «pour cause de manque de moyens».
Malheureusement, même si par miracle leurs carnets de commande devaient augmenter, les sociétés du BTP auraient du mal à honorer leurs engagements. «Nous avons un gros problème: la main d’œuvre. Nous peinons à en trouver, bien que nous payions jusqu’à 1.500 dinars par mois dans les régions. La main d’ouvre représente d’ailleurs aujourd’hui 40% de nos coûts, contre 20% auparavant. En outre, la productivité ne suit pas», se plaint Chokri Driss.
La pénurie est particulièrement forte dans le personnel de conception et notamment les maîtres d’ouvrages, confirme Mosbah Kanzari.
Résultat : alors que l’objectif des entreprises du secteur du BTP était, il y a 5 ans, de se lancer dans l’aventure de l’exportation, «beaucoup d’entre elles, y compris parmi les plus grandes, souffrent aujourd’hui énormément», souligne M. Driss. Et ont pour principal souci d’assurer leur survie.
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