La Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) a organisé, le jeudi 2 mai 2019, à l’hôtel Concorde-Berges du Lac de Tunis, une conférence-débat sur les problématiques du commerce en Tunisie.
La rencontre était animée par Omar Béhi, ministre du Commerce, en présence de l’ambassadeur de la France, Olivier Poivre d’Arvor.
Très bons rapports avec la France
Dans son mot d’ouverture, le ministre a évoqué les bons rapports économiques et politiques qui lient la Tunisie et la France, rappelant que celle-ci est notre premier partenaire commercial, et qu’avec un taux de couverture de 140%, il s’agit de l’un des rares pays avec lesquels nous avons un excédent commercial, oubliant de préciser que cet excédent est réalisé grâce aux exportations des… entreprises françaises installées en Tunisie sous le régime off-shore.
M. Béhi a, d’ailleurs, parlé du rôle important que jouent les investisseurs français en terre tunisienne, et ce dans divers secteurs, tels que les télécommunications, l’informatique, l’électronique, les centres d’appel, etc., assurant que la Tunisie et la France sont appelées à conjuguer davantage leurs efforts, en vue d’exploiter pleinement les opportunités commerciales et de partenariat, notamment à travers des programmes promotionnels.
Exploiter le marché africain
L’ingénieur agronome a, d’autre part, parlé du potentiel du marché africain et de la «nouvelle vision africaine de la Tunisie», traduite notamment par l’adhésion de la Tunisie au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), le mois dernier. Une adhésion qui ouvre la voie, a poursuivi le ministre, à des exportations et à des investissements tripartites. «On espère pouvoir développer, avec la France, des investissements en commun dans le marché africain», a-t-il affirmé.
M. Béhi a souligné, dans le même cadre, que la Tunisie dispose, depuis l’année dernière, de 4 nouvelles représentations dans des pays africains, à savoir le Cameroun, le Nigéria, le Kenya et la République démocratique du Congo (RDC). Des représentations qui viennent s’ajouter à celle de la Côte d’ivoire, et qui devraient faciliter l’accès à ces marchés et créer de nouvelles opportunités d’investissement pour les petites et moyennes entreprises (PME) tunisiennes.
Cet intérêt pour le marché africain s’explique également par la volonté tunisienne de diversifier ses collaborations commerciales, a lancé le ministre, et ce dans le but de faire connaître davantage la production tunisienne. Il a expliqué à cet effet qu’il s’agit d’une vision politique prospective visant à faire du «made in Tunisia» un label internationalement reconnu.
Cette politique entre dans un cadre plus global : celui d’une vocation tunisienne d’ouverture sur son environnement extérieur, notamment sur le plan économique. Une ouverture qui, selon M. Béhi, a permis au pays d’avoir un modèle économique tourné vers l’exportation, comme en témoigne la part de celle-ci dans le produit intérieur brut (PIB), qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Et ce, développe le ministre, malgré les limites des ressources naturelles en terre tunisienne et la superficie assez réduite de celle-ci.
Des conditions tunisiennes pour intégrer l’Aleca
Omar Béhi a, d’un autre côté, parlé la possibilité pour la Tunisie de signer l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca), dont les négociations avec l’Union européenne (UE) sont toujours en cours, assurant que pour ce faire, plusieurs conditions doivent se réunir.
À cet effet, il a mis l’accent sur l’importance d’une restructuration complète du secteur de l’agriculture. «L’agriculture emploie 500.000 personnes en Tunisie, d’où la nécessité de prendre en compte la sensibilité de ce secteur vital et ses problématiques», a-t-il lancé.
En outre, il a souligné l’importance d’une libre circulation des professionnels des services concernés et de la libération des quotas imposés par l’Europe à certains produits tunisiens, indiquant que la demande européenne sur l’huile d’olive tunisienne a été supérieure de 33% au quota de 60.000 tonnes fixé en 2018.
Le ministre a, par ailleurs, évoqué le rejet de cet accord par une partie de la société civile et l’ensemble des syndicats avec lesquels le dialogue doit avoir lieu. «Il nous faut une bonne communication pour démontrer que l’Aleca est un accord favorable à la Tunisie», a-t-il insisté, avant de conclure que, d’un point de vue personnel, il pense qu’il l’est, tout comme l’accord d’association Tunisie-UE de 1995.
La Tunisie est renfermée sur elle-même, selon l’ambassadeur français
L’ambassadeur français a, de son côté, incité la Tunisie a accélérer les négociations concernant l’adhésion à l’Aleca, ajoutant que les restrictions à l’importation ont été mal perçues à Bruxelles (là où se tiennent les commissions et les séances additionnelles du Parlement européen (PE), ndlr), tout en assurant que la France et l’Europe espèrent poursuivre le partenariat avec la Tunisie.
«Nous avons, nous les Européens, un petit sentiment d’incompréhension. Tout laisse à penser que la belle histoire entre l’Europe et la Tunisie peut être gâchée malgré les efforts de l’Europe, comme les dons de 300 millions d’euros […] Vous dites que c’est inférieur aux dons reçus par la Grèce, mais vous ne faites pas partie de l’Europe non plus», a, par ailleurs, rappelé le diplomate français.
M. Poivre d’Arvor reproche, par ailleurs, aux Tunisiens leurs craintes démesurées quant à leur souveraineté nationale : «On parle de tentatives françaises de colonisation ! Nous ne voulons pas vous coloniser», a-t-il lancé, estimant, à cet effet, qu’il y a un certain renfermement de la Tunisie sur elle-même, ce qui ne peut que décourager les investisseurs.
Les principaux problèmes évoqués par les hommes d’affaires présents
Certains entrepreneurs présents dans la salle ont, de leur côté, parlé des difficultés et obstacles des procédures liées l’importation, ce qui porte considérablement préjudice aux sociétés tunisiennes, dont pas moins de 250 pourraient bientôt fermer à cause de cette complexité administrative, selon l’un des intervenants. Ce dernier a appelé, pour remédier à cette situation, à accélérer l’adoption de la loi d’urgence économique proposée par le gouvernement et à développer la digitalisation et l’e-commerce.
Enfin, interrogé sur les avantages dont bénéficient les entreprises qui investissent dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), M. Béhi a dit que le code de l’investissement, sorti en 2017, leur en accorde plusieurs, à l’instar de primes qui peuvent atteindre 50% du montant d’investissement, surtout pour les entreprises qui font preuve d’innovation et donnent une valeur ajoutée aux nouvelles technologies.
Donnez votre avis