Les déboires judiciaires de Nabil Karoui, le patron de Nessma TV, affairiste et candidat malheureux à l’élection présidentielle de cette année, semblent être oubliés (ou omis pour être plus précis) par la justice alors que son concurrent (et néanmoins ami) Sami Fehri, patron d’El-Hiwar Ettounsi, est retourné, hier, en prison.
Par Imed Bahri
Rappelons que Nabil Karoui avait été arrêté, le 23 août 2019, suite à un mandat de dépôt émis à son encontre dans le cadre de l’affaire de fraude fiscale, de corruption financière et de blanchiment d’argent dans laquelle il est poursuivi, et qui a été libéré le 9 octobre dernier, c’est-à-dire au cours la semaine fatidique entre le dimanche 6 octobre (élections législatives) et le 13 octobre (deuxième tour de l’élection présidentiel).
Vers un gouvernement Ennahdha-Qalb Tounes
Déjà ce timing n’est pas anodin, beaucoup de personnes bien informées, et cela n’est pas le fruit du hasard, pensent que le parti islamiste Ennahdha, qui aurait le bras long au sein du pouvoir judiciaire depuis le passage tumultueux de Noureddine Bhiri à la tête du ministère de la Justice, aurait œuvré pour sa libération car le résultat des Législatives du 6 octobre a donné une assemblée émiettée avec des partis faiblement représentées alors que le parti de Karoui, Qalb Tounes, a recueilli 38 sièges.
La realpolitik voudrait, et c’est plus facile pour Ennahdha, de composer un gouvernement avec Qalb Tounes et un autre groupe qu’avec un cheptel infini de partis qui ne seront jamais d’accord. Et la position judiciairement vulnérable de Nabil Karoui fait de lui le bon allié en position de faiblesse qu’ils cherchent.
Le temps a donné raison à cette analyse vu que le président d’Ennahdha Rached Ghannouchi est devenu président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) grâce au parti de Karoui et aujourd’hui, on s’achemine vers un gouvernement Ennahdha-Qalb Tounes.
Depuis la libération de Karoui, ses actifs demeurent gelés et il demeure interdit de voyage ce qui fait que qu’épée de Damoclès le rend encore plus vulnérable et donc plus attrayant pour nos islamistes, politiquement pragmatiques, pour composer avec lui l’alliance qui donnera à la Tunisie le prochain gouvernement. Cette alliance Ennahdha-Qalb Tounes qui se dessine jour après jour, et qui a été défendue bec et ongles par l’homme le plus proche de Karoui et l’un de ses soutiens les plus bavards parmi les affairistes de la place, l’intermédiaire Youssef Zarrouk, le libérera-t-elle de ses casseroles? Celles-ci seront-elles enterrées?
Y a-t-il des justiciables intouchables ?
Egalement l’affaire du lobbying ayant coûté un million de dollars et qui fait l’objet d’une commission rogatoire qui doit être instruite par la Garde nationale dans laquelle est également cité l’intermédiaire Youssef Zarrouk est-elle oubliée? On n’en entend plus parler.
Rappelons que M. Zarrouk, qui a soutenu financièrement Karoui, a été cité par l’Israélien Ari Ben-Menashe à deux reprises dans l’interview qu’il a accordé au journaliste tunisien Zouheir Taba concernant le contrat de lobbying conclu avec Dickens & Madson Inc et il avait révélé que précisément deux contrats ont été conclus avec sa société, d’abord celui révélé dans le journal canadien ‘‘The Globe and Mail’’, sur la base d’informations révélées par le ministère américain de la Justice, mais aussi un autre non révélé entre l’intermédiaire Youssef Zarrouk et la filiale britannique de Dickens & Madson. Qu’en est-il? On sait Comment se fait-il que ni Nabil Karoui ni Youssef Zarrouk n’ont pas été encore entendus dans le cadre de cette affaire grave qui viole la loi tunisienne car dépasse largement les frais de campagne autorisés par la loi et qui met en jeu une somme colossale dont la provenance reste inconnue? Pourquoi ces individus sont-ils intouchables et les affaires les concernant sont-elles vite enterrées?
Bien entendu, pour Nabil Karoui, toutes les affaires le concernant, il les présente comme des bobards afin de les décrédibiliser et pour qu’il noie le poisson mais la Justice doit enquêter, son travail ne doit pas être stoppé, la politique ne doit pas entraver son travail et la vérité doit être révélée. Et quand les responsabilités seront prouvées, les responsables doivent être jugés et condamnés. Nabil Karoui n’est pas un intouchable.
Les Tunisiens sont révoltés contre le deux poids, deux mesures. Une justice pour le citoyen lambda et une autre beaucoup plus conciliante avec les stars de l’affairisme tunisien aux fortunes douteuses. Comment le pays peut-il évoluer si ces individus demeurent intouchables?
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