Un rapport intitulé ‘‘The rebirth: Tunisia’s potential development pathways to 2040’’ («La renaissance : des voies potentielles de développement de la Tunisie à l’horizon 2040») publié par l’Institute for security studies (ISS), souligne les carences de l’économie tunisienne et entrevoit des pistes pour la réformer et améliorer son rendement global.
Par Imed Bahri
Ce rapport, réalisé par Stellah Kwasi, Jakkie Cilliers et Lily Welborn, analyse la trajectoire de développement la plus probable de la Tunisie, en tenant compte de son évolution actuelle après la pandémie de la Covid-19, et envisage trois scénarios alternatifs.
Le premier, axé sur une stimulation de la croissance, permettra à la Tunisie de poursuivre malgré tout sa croissance économique. Le second, appelé «saut de grenouille», considère que le pays pourra tirer profit de la technologie pour adopter rapidement des systèmes modernes de développement. Enfin, dans le 3e scénario, intitulé «durabilité et égalité», la Tunisie améliorera son développement économique et humain sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins.
Un état des lieux peu satisfaisant
Les lois progressistes relatives à la santé sociale et reproductive ont créé, en Tunisie, un faux sentiment d’équité entre les sexes et d’autodétermination. L’inégalité des revenus et des opportunités de travail persiste entre les régions et entre les sexes. Les femmes et les jeunes diplômés sont les plus affectés.
Les bons indicateurs macroéconomiques d’avant le déclenchement de la révolution en décembre 2010 masquaient des problèmes tels que le chômage élevé, la corruption et un système sociopolitique profitant à des privilégiés.
La situation économique en Tunisie s’est détériorée depuis la révolution et les dépenses publiques importantes et les politiques de subventions l’ont aggravée.
Les divisions politiques et la crise économique actuelles mettront à l’épreuve la capacité du pays à conserver sa croyance en la démocratie.
La Tunisie a une population active bien éduquée et nombreuse. Compte tenu des possibilités d’emploi, cette main-d’œuvre pourrait générer un dividende.
Mais si la croissance économique du pays stagne, c’est en raison d’une mauvaise gouvernance, de faibles niveaux d’investissement, d’un secteur formel peu développé et d’un secteur informel important et à faible productivité.
Par ailleurs, la population tunisienne vieillit rapidement et son taux de renouvellement des générations (c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme nécessaire pour que chaque génération en engendre une suivante de même effectif) tombera sous le seuil de 2,1 enfants par femme. En 2040, le coût de la santé aura augmenté en raison de la charge que constituera le traitement plus de maladies non transmissibles.
La dépendance des importations à l’égard des denrées alimentaires expose le pays aux chocs des prix dans les marchés internationaux. Avec la diminution des réserves de change, la situation de la sécurité alimentaire du pays restera précaire jusqu’en 2040.
Les recommandations des chercheurs
Face à cette situation complexe, le gouvernement tunisien devrait, d’abord, réformer son économie pour permettre une plus grande inclusion et une plus grande concurrence. La plus difficile de ces réformes consistera à essayer d’intégrer son important secteur informel, à réduire l’impact des rentes de situation (lobbys et réseaux d’intérêt) et à faire tomber les barrières à l’insertion dans l’économie formelle.
L’Etat tunisien doit aussi œuvrer pour créer un environnement propice au développement des petites entreprises et de l’esprit entrepreneurial de manière à multiplier les entreprises et les investissements dans le secteur privé et à promouvoir la création d’emplois.
Il doit également poursuivre ses efforts en faveur de programmes de protection sociale plus ciblés, tels que celui relatif à l’allocation universelle pour enfants, lutter plus efficacement contre la pauvreté et les inégalités et réduire les subventions qui profitent aux riches.
Les lois du travail doivent être réformées pour permettre aux femmes et aux jeunes qualifiés de participer plus activement et en plus grand nombre au marché du travail.
La qualité de l’enseignement, talon d’Achille de l’économie tunisienne, doit être améliorée, notamment par une meilleure flexibilité dans le choix de la langue d’enseignement, pour permettre une plus grande employabilité.
Enfin, la Tunisie doit tirer parti du potentiel important de son agriculture pour stimuler et diversifier la production, améliorer ainsi sa sécurité alimentaire et réduire sa dépendance de l’extérieur. Pour cela, elle doit s’adapter aux impacts du changement climatique par une meilleure gestion de ses ressources en eau et une sensibilisation de sa population sur l’utilisation responsable de cette ressource rare.
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