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Pourquoi Béji Caïd Essebsi a-t-il exigé la tête de Hédi Majdoub?

Suite à notre article paru ce mercredi 11 juillet 2018 intitulé «C’est Majdoub qui a stabilisé la Tunisie et non pas Brahem», article qui a été très lu, partagé et commenté, beaucoup de lecteurs se sont posé la question suivante: Pourquoi Hédi Majdoub a-t-il été écarté?

Par Imed Bahri

Pourquoi, en effet, Hédi Majdoub a-t-il été écarté de son poste de ministre de l’Intérieur en dépit de ses bons et loyaux services de janvier 2016 à septembre 2017?

M. Majdoub a pris les rênes de ce ministère très important, central, très sensible et incarnant la colonne vertébrale de l’Etat tunisien, à un moment très difficile, juste après le passage désastreux de Najem Gharsalli.

Majdoub inverse la tendance

Le passage de ce dernier fut de 11 mois (de février 2015 à janvier 2016), 11 mois qui ont coûté au pays trois attentats terroristes des plus meurtriers, qui ont atteint son poumon économique et l’ont enfoncé davantage dans la crise économique, à savoir celui du Bardo (mars 2015), celui de Sousse (juin 2015) et celui contre le bus de la Garde présidentielle à Tunis (novembre 2015). Et bien, M. Majdoub a relevé le défi, inversé la tendance et rendu au pays sa stabilité qui n’a connu aucun attentat pendant qu’il était ministre alors qu’à la même époque les plus grandes capitales et villes du monde étaient secouées par les attentats terroristes, des aéroports ont même été le théâtre de sanglants attentats comme celui de Bruxelles en le 22 mars 2016 ou celui d’Istanbul pourtant ultra-sécurisé et bunkérisé, le 28 juin 2016.

Pourquoi ce commis de l’Etat – juriste et énarque de formation ayant fait toute sa carrière au sein du ministère de l’Intérieur – a-t-il été écarté après avoir réussi à rétablir la sécurité et à stabiliser le pays?

Etant donné son exploit d’avoir réussi à inverser la tendance de celle d’un pays vulnérable et instable ayant connu trois attentats terroristes en une seule année à un pays stable et sécurisé et étant donné sa capacité à avoir rendu la cohésion et l’harmonie au sein de l’appareil sécuritaire – il avait d’excellentes relations avec tous les corps constituant son ministère à savoir les fonctionnaires, les officiers et les agents – pourquoi l’avoir écarté au mois de septembre 2017? Hélas, c’est le fait du prince.

Après nous être renseigné et posé cette question tracassante et d’ailleurs ce ne fut pas chose aisée de l’avoir, la réponse que nous sommes parvenus à nous procurer de nos sources introduites et bien informées, ça aurait été la volonté du président de la république.

Tout remonte au mois de mai 2017, tout s’est joué durant cette période, souvenez-vous des événements d’El Kamour, à Tataouine, juste avant le ramadan 2017, une épreuve pour tous les organes de l’Etat. Une épreuve longue, difficile et qui s’est transformée en véritable casse-tête au plus haut sommet de l’Etat.

Sit-in El Kamour.

La vengeance «béjiste» est un plat qui se mange froid

Le président Béji Caïd Essebsi (BCE) aurait exigé en sa qualité de chef du conseil de sécurité nationale le recours à l’application de la loi afin de mettre un terme au sit-in d’El Kamour y compris de recourir à la force s’il le fallait, ce que Hédi Majdoub refusa à juste titre d’ailleurs. Mettre fin à ce genre de sit-in par la force aurait très mal terminé.

Des pertes humaines auraient été enregistrées et la situation se serait embrasée. Et dans ce cas, si ça s’embrase et que des pertes humaines sont enregistrées, le sommet de l’Etat va se défausser, se dédouaner et rejeter sa responsabilité sur le ministre de l’Intérieur. Pour faire tomber la fièvre et calmer l’atmosphère, il cherchera lâchement un bouc émissaire et ça sera le ministre de l’Intérieur qui sera limogé puis accusé de la mauvaise tournure prise par les événements. C’est à dire que si M. Majdoub avait obtempéré et accepté de disperser le sit-in y compris par la force et si ça s’était mal terminé, BCE l’aurait sacrifié et l’aurait abandonné tout seul à affronter la justice.

En refusant de céder à la demande risquée de BCE, ce dernier se serait acharné à avoir sa peau. Pendant quatre mois, le président ne désarma pas. Vint le changement du gouvernement et la constitution du gouvernement Youssef Chahed II au mois de septembre 2017. Ce fut l’occasion pour BCE pour exiger la tête de M. Majdoub qu’il eut et M. Majdoub fut écarté et remplacé par l’un de ses collaborateurs, le commandant de la garde nationale Lotfi Brahem, qui n’est resté que huit mois.

Énième preuve que M. Caïd Essebsi voulait absolument la peau de M. Majdoub et qu’il avait carrément une dent contre lui, après avoir quitté le ministère ni il ne l’a reçu pour le décorer pour son excellent travail et son bilan sécuritaire ni il ne l’a nommé ambassadeur, contrairement à M. Gharsalli qui pour ses désastreux services s’est vu reçu par le chef de l’Etat et nommé ambassadeur et pas n’importe où. Tenez-vous bien, auprès d’une Cour royale, au Maroc.

En d’autres termes, tu fais un très mauvais boulot, le président te reçoit, te gratifie et te nomme ambassadeur au royaume chérifien. Tu fais un très bon boulot, le président te tourne le dos et tu reçois son ingratitude.

M. Majdoub a quitté son poste de ministre à seulement 47 ans et jusqu’à ce jour, il n’a reçu aucune autre responsabilité. La vengeance «béjiste» est un plat qui se mange froid.

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