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Le procès de Seifeddine Makhlouf continue de soulever les controverses

Même s’il a annoncé qu’il compte renoncer à son immunité parlementaire, dans le cadre de l’affaire du Centre coranique de Regueb, pour laquelle il est condamné à 20 mois de prison ferme, Seifeddine Makhlouf continue de soulever les controverses, notamment en déclarant, aujourd’hui, 9 janvier 2020, qu’il tient à une autre immunité… tout aussi susceptible de violer le principe de l’égalité devant la loi, à savoir celle «des avocats».

Par Cherif Ben Younès

Jugé le 13 décembre 2019, suite à la plainte déposée à son encontre, en février dernier, par le procureur de la république du tribunal de Sidi Bouzid, le député d’Al-Karama au parlement, s’est vu, aujourd’hui, reporter le procès de son appel au 26 mars 2020, et ce suite à la demande de son comité de défense.

Rappelons que l’avocat islamiste avait proféré des menaces contre ce procureur pour avoir décidé de fermer le Centre coranique de Regueb, dont le propriétaire est accusé d’avoir maltraité ses élèves et d’avoir abusé d’eux sexuellement, en plus d’entretenir des liens avec des terroristes.

Surnommé justement «l’avocat des terroristes», M. Makhlouf estimait que l’Etat tunisien menait une guerre contre l’islam (sic!) et s’était, en conséquence, ardemment opposé à la fermeture du centre, malgré le scandale qui a eu lieu.

Les avocats sont-ils au-dessus des lois ?

Aujourd’hui, lors de son procès, plus de 40 avocats étaient présents devant le tribunal de première instance de Ben Arous, où ils se sont mobilisés pour le soutenir et s’opposer à sa condamnation, et ce certainement par corporatisme, la doctrine qu’ils adoptent visiblement sans scrupules, en dépit de tout ce qu’on peut lui reprocher d’un point de vue éthique.

En effet, au nom du corporatisme, la défense d’un collègue, rien que parce qu’il exerce la même profession que soi, est plus importante que des valeurs aussi nobles que la justice et l’égalité.

Pour comprendre à quel point l’idée est pathétique, il faut savoir que si une autre personne, exerçant un métier différent, était poursuivie pour la même affaire, il n’y aurait eu aucun besoin, pour ces avocats, de se mobiliser pour la défendre. En effet, ils ne défendent pas une cause juste à leurs yeux, mais simplement un collègue…

Les avocats ont-ils plus de droits que le reste des citoyens ?

Dans le même ordre d’idées, Seifeddine Makhlouf a tenu à bénéficier de son immunité en tant qu’avocat. Un droit, tout aussi controversé, du moins tel qu’il est revendiqué par l’islamiste…

En effet, cette mesure qui consiste à élargir, aux avocats, la marge de leur liberté d’expression pour améliorer leurs conditions de travail, n’est censée être valable que lors de l’exercice de leurs fonctions, autrement dit, uniquement pendant leurs échanges dans le cadre d’une plaidoirie.

Par ailleurs, ce n’est aucunement le cas de cette affaire de Seifeddine Makhlouf, puisqu’il avait tenu ses propos diffamatoires dans un cadre non-professionnel.

Or, s’il suffit d’être avocat pour dire, quel que soit le contexte, ce que les autres n’ont pas le droit de dire, comme semble revendiquer Makhlouf, cela posera un sérieux problème de favoritisme et de manque d’égalité entre les citoyens.

En d’autres termes, indépendamment de la décision du juge concernant cette affaire, il est important que celle-ci soit indépendante du statut de l’accusé. Car dans un Etat de droit qui se respecte, le fait d’être avocat, médecin, charpentier ou gardien ne doit avoir aucun impact sur nos droits et devoirs devant la loi.

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