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Monsieur Mechichi, votre rire sardonique est vergogneux et irresponsable

Réunion avec les membres de la coordination de défense de la revendication du statut de gouvernorat pour l’île de Djerba. Trop peu, trop tard.

L’auteur s’adresse dans cette lettre ouverte au chef de gouvernement Hichem Mechichi, dont la réaction arrogante à propos de la revendication des habitants de Djerba du statut de gouvernorat pour leur île a été ressentie comme une humiliation par les habitants de l’île. La réunion, dimanche après-midi, 7 mars 2021, avec les membres de la coordination de défense de la revendication du statut de gouvernorat pour l’île de Djerba n’a pas lavé l’affront.

Par Naceur Bouabid *

Je n’aurais pas souhaité vous voir esquivant de la plus indécente des manières la question d’un journaliste quant à la requête de la population du droit de Djerba au statut de gouvernorat. Car quand bien même vous seriez d’avis contraire, vous auriez dû faire honneur à la fonction de chef de gouvernement que vous remplissez et mesurer les conséquences de votre réaction avant de vous permettre de tourner le dos arrogamment au journaliste resté pantois, et à travers lui, à toute une population îlienne pleine d’illusions, rêvant de lendemains meilleurs et attendant qu’on daigne enfin considérer son île avec plus d’égards.

Un rire sournois indigne d’un homme d’Etat

En guise de réponse à la question du journaliste, quelque insensée et absurde qu’elle ait paru à vos yeux, vous vous êtes contenté, en revanche, d’émettre un rire sardonique, sournois, réducteur, combien humiliant, mais indigne d’un homme d’Etat. Ne savez-vous pas que les pêcheurs dans les eaux troubles n’attendent que ces maladresses de communication émanant des hauts responsables de l’Etat pour passer à l’action et perpétrer leurs vils desseins? N’y a-t-il pas assez de foyers de tension dans notre pays pour en rajouter?

Djerba, pour vous, n’était qu’un point incontournable d’attache et d’hébergement, et les quelques visites de terrain montées de toutes pièces n’étaient que de la poudre aux yeux et du «m’as-tuvuisme» superflu, eu égard aux innombrables problèmes réels prévalant, dont vous avez connaissance en toute évidence, mais que vous avez carrément ignorés.

Vous n’êtes pas sans savoir, en effet, que Djerba peine, depuis 2012, à sortir du gouffre de la crise épineuse de la gestion des déchets, que ses pauvres habitants, comme ses nombreux visiteurs, endurent les pires souffrances pour quitter l’île ou y entrer à cause du sempiternel problème des bacs et de la qualité calamiteuse de la desserte, qu’ils consentent autant de sacrifices pour s’acquitter de la moindre démarche administrative auprès des services régionaux du gouvernorat dont relève l’île qui, paradoxalement, ne récolte que dénigrement et traitement discriminatoire, sans égale mesure avec les autres délégations de la région.

Si vos intentions sont sincères, comme vous l’avez laissé comprendre à ceux qui étaient présents lors du dîner organisé en votre honneur, que comptez-vous faire pour rendre justice à cette île et parer aux nombreuses défaillances fortement préjudiciables à son image enlaidie?

Rompre avec l’indifférence intrigante à l’égard de Djerba

Dans neuf mois, cette même île abriterait les travaux du 18e Sommet de la Francophonie, c’est dire que des dizaines des chefs d’Etat et des souverains de divers pays du monde fouleraient son sol, outre les délégations qui les accompagneraient et la presse internationale; êtes-vous sans tenir compte du parti à gagner pour notre pays d’accueillir un événement d’une telle envergure? Ne prétendez-vous pas n’agir pour servir les intérêts de la nation, qu’attendez-vous alors pour en faire montre pour rompre avec cette indifférence intrigante à quelques neufs petits mois de l’échéance, et faire éviter à notre cher pays un sérieux camouflet si la tenue de ce sommet venait à être compromise et délocalisée vers d’autres cieux où la notion de la raison d’Etat est sacro-sainte?

Vous n’êtes pas sans ignorer, cependant, que Djerba a été la première ville en Tunisie à être dotée d’un Agenda 21 local de développement durable (2002) et d’un Observatoire de développement durable (en 2004), grâce à sa société civile toujours en verve. Récemment encore, une nouvelle unité Covid-19, une des plus performantes dans le pays, a été mise en place de bout en bout par la société civile.

En outre, notre pays n’a pas présenté, depuis 1997, aucun bien naturel ou culturel pour inscription sur la Liste du patrimoine matériel mondial, et Djerba, la seule candidate en lice dans le pays grâce à sa société civile, aurait le mérite, si elle venait à être inscrite, de rompre avec cette apathie que l’on ne peut que déplorer.

Cette même société civile et les forces vives de l’île, aujourd’hui indignées, sonttoujours sur le qui-vive, mais non pour crier au chaos, comme il est devenu de coutume ailleurs malheureusement. Les excuses, car souvent hypocrites, ne les satisfont plus : elles réclament des actions sur le terrain et des mesures concrètes à même de redorer le blason de leur île diminuée et endolorie.

* Ancien président de l’Association de sauvegarde de l’île de Djerba (Asidje).

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