Pour la société civile, l’opinion publique a droit de savoir ce qui se dit dans les procès historiques des martyrs de la révolution. L’armée invoque la loi pour justifier… la censure.


«Rends la caméra et donne-nous la vérité!» est l’appel lancé par des acteurs de la société civile tunisienne en réaction à la confiscation par l’armée des caméras du blogueur Ramzi Bettibi.

Le blogueur tunisien du site électronique Nawaat s’était vu confisquer ses deux mini-caméras alors qu’il tentait de couvrir, le 21 mai dernier, le procès des martyrs de Thala et Kasserine devant le tribunal militaire permanent de première instance du Kef.

L’armée estime que le blogueur a enfreint la législation relative à la couverture médiatique des procès.

Protestant contre la confiscation de son matériel de travail, Ramzi Bettibi avait entamé, le 28 mai, une grève de la faim et a été rejoint dans son action par d’autres acteurs de la société civile.

Les signataires de l’appel ‘‘Rends la caméra et donne-nous la vérité!’’, qui tiennent, aujourd’hui, une conférence de presse, appellent à «l’activation du décret-loi n°41 du 26 mai 2011 modifié et complété par le décret-loi n°54 du 11 juin 2011 relatif à l’accès aux documents administratifs des organismes publics».

Dans un communiqué publié samedi soir, les signataires qui représentent la Ligue tunisienne des droits de l’homme (Ltdh), la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle (Cnijt), le Groupe des 25, le Centre tunisien pour la transparence (Tansparency 25) et les grévistes de la faim exigent la «concrétisation effective du caractère publique du déroulement des procès avec leur transmission directe sur une chaîne nationale publique».

Ils appellent également à «la création d’une structure judiciaire spécialisée et indépendante pour la prise en charge de ces procès historiques», en évocation des procès des martyrs de la révolution tunisienne qui se déroulent devant la justice militaire.

Ramzi Bettibi a, en outre, bénéficié du soutien du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et de Reporters sans frontières (Rsf).

Le parquet militaire avait dénoncé mardi 5 juin une «campagne médiatique» et des «allégations fallacieuses et répétitives» accusant la justice militaire de restriction à la presse.

Il précise dans un communiqué que le blogueur avait enfreint les dispositions de l’article 62 du décret-loi n°115 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition.

L’article en question stipule qu’«il est interdit lors des plaidoiries et dans les salles d’audience d’utiliser des appareils de photographie, des téléphones mobiles, des appareils d’enregistrement sonore ou audiovisuel ou tout autre moyen, sauf autorisation des autorités juridictionnelles compétentes». Toute infraction à ces dispositions est punie d’une amende allant de 150 à 500 dinars, avec la saisie des moyens utilisés à cet effet. Le parquet militaire avait averti d’ailleurs dans le même communiqué que «ces accusations contre les autorités judiciaires peuvent entraîner des poursuites pénales».

I. B. (avec Tap).

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