Le parti de Slim Riahi fait un coup de barre à droite, en se rapprochant, idéologiquement, du parti islamiste Ennahdha, et se dote d’un nouveau tribun attitré, l’ancien «nahdhaoui» Khaled Chouket.

Par Marouen El Mehdi


C’est surtout son nouveau positionnement stratégique qui a été au centre de la conférence de presse organisée la semaine dernière par l’équipe dirigeante de l’Union patriotique libre (Upl)…

L’homme d’affaires, Slim Riahi, fondateur et président de ce parti, était absent, fidèle à ses habitudes puisqu’il n’affectionne pas particulièrement les joutes médiatiques. Après le départ de Mohsen Hassen, ex-porte-voix de M. Riahi, c’est Khaled Chouket, le nouveau secrétaire général et homme fort du parti, qui a été au rendez-vous en compagnie de trois autres membres, qui n’ont pratiquement pas pris part au débat, M. Chouket s’étant montré, comme à l’accoutumée, très loquace, ayant réponse à tout.

La salle de conférence était ornée par les photos de quelques leaders historiques de la Tunisie, dont le parti se réclame : Mohamed Ali Hammi, Abdellaziz Thâalbi, Farhat Hached, Habib Bourguiba, Salah Ben Youssef et Ali Ben Khalifa…


Slim Riahi

Au nom de la chariâ !

L’ordre du jour de cette conférence comprend en premier lieu la position de l’Upl à propos de tout ce qui se trame à propos de la place de la chariâ dans la nouvelle constitution. Ce parti, à vocation centriste, a quelque peu surpris ces derniers temps en prévilegiant le débat sur la religion et l’adoption de la chariâ comme source du droit en Tunisie. Cherche-t-il à s’imposer sur la scène politique comme un parti islamiste modéré alternatif, et concurrencer ainsi Ennahdha auprès des couches conservatrices de la société ? En choisissant cette nouvelle orientation, l’Upl veut-il se relancer avec des idées populistes après l’échec cuisant des élections du 23 octobre 2011 au cours desquelles il n’a remporté qu’un seul siège à l’Assemblée nationale constituante, sur les 217 mis en jeu ?

Toutes ces interrogations ont été soulevées au cours de ce point de presse et les réponses ont été parfois convaincantes et d’autres fois tirées par les cheveux !

Ainsi, on a entendu M. Chouket parler de continuité à propos de ce nouveau tropisme islamiste : «Il ne s’agit pas de remise en question de nos principes ou de notre ligne directrice. Dès notre campagne électorale, nous avons dévoilé notre attachement à l’islam, en appelant à la foi et à la tolérance. Et ce n’est pas une surprise si on s’est remis à en reparler ces derniers temps car le débat sur l’introduction et l’application de la chariâ est devenu d’actualité et les avis sont très partagés sur le principe et la manière de s’y prendre. C’est pour cela qu’on a voulu y prendre part aussi, en tant que parti et en tant que composante de la société civile et du paysage politique», a déclaré cet universitaire issu de la mouvance islamiste, et qui a passé une douzaine d’années en exil aux Pays-Bas, durant les années de plomb sous Ben Ali.

Que propose l’Upl à propos de la chariâ et est-il d’accord pour qu’elle soit à la base de la nouvelle Constitution ? Réponse de Khaled Chouket : «Nous estimons que la chariâ peut constituer l’une des sources sur lesquelles sera fondée cette constitution, mais elle ne peut pas être l’unique source. De même, les possibles interprétations ou ‘‘ijtihad’’ doivent être l’apanage des ulémas de l’école de la Zitouna.» Ces derniers, qui sont les détenteurs de la théologie estampillée tunisienne, ouverte, modérée voire moderniste, «doivent être relancés dans ce débat car ils demeurent les plus initiés et les plus crédibles dans ce domaine et nous proposerons de valoriser leur rôle», insiste M. Chouket.


Khaled Chouket remet le prix de la meilleure actrice du festival du film arabe de Rotterdam en 2006

Une nouvelle stratégie

L’émergence de ce tribun et grand débatteur, dont les Tunisiens ont déjà pu apprécier le talent lors des talk-shows télévisés, en cette phase indécise de la transition tunisienne, constitue-t-elle une nouvelle manœuvre de Slim Riahi visant à remettre son parti sur orbite et le relancer dans la course à la popularité, en prévision des prochaines élections législatives, probablement au milieu de 2013 ? Kapitalis a posé la question au nouveau secrétaire général de l’Upl. «Je ne nie pas avoir été l’un des proches du mouvement Ennahdha, mais j’étais également l’un des farouches opposants à certaines options de cheikh Rached Ghannouchi. D’ailleurs, ce que je reproche à ce parti c’est l’adoption d’un islam politique alors que la religion doit demeurer ouverte à tous et ne point devenir l’apanage d’un parti ou d’une communauté. Ma présence à l’Upl fait suite à son ouverture à des parties et des personnes qui partagent les mêmes idées et ceci ne peut que faire du bien au parti qui s’est durement trompé d’objectif au cours des dernières élections, qui va pouvoir rebondir de la meilleure des façons grâce à cette nouvelle stratégie qui en fera le plus grand parti réformiste et centriste».

Quant aux échos faisant part de la nomination de Borhène Bsaies, l’ancien propagandiste de Ben Ali, au poste de conseiller politique du président de l’Upl, M. Chouket a démenti catégoriquement : «Cela fait partie des rumeurs qui tendent à nuire à l’image de notre parti. Il n’a jamais été question de procéder à cette nomination», tranche-t-il.

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