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«Eloignement» de Sakher El Materi du Qatar et non extradition. Les spin doctors de Carthage doivent faire un choix définitif entre clarifier les choses ou continuer à se jouer de l’opinion publique. Pour raison électoraliste…

Par Moncef Dhambri*


Nous ne demandons qu’à montrer de la compassion envers le président de la république Moncef Marzouki, ne serait-ce que par reconnaissance pour les services qu’il a rendus pour les droits de l’Homme en Tunisie. Nous-nous rendons bien compte du fait qu’il se débat péniblement à remonter la pente savonneuse de la crédibilité. Nous-nous rendons bien compte également que sa popularité est en chute libre et qu’il réalise, chaque jour encore plus, l’étendue des dégâts soufferts à la suite de son acceptation d’associer le destin de son Congrès pour la république (CpR) à la coalition gouvernementale formée par Ennahdha et de se contenter lui-même d’un «strapontin présidentiel».

Un coup pour mériter la Une des journaux

Pour un homme qui sans doute souhaite écrire l’Histoire, puisque celle-ci a bien voulu lui ouvrir ses pages, en être réduit ainsi, sous le feu des projecteurs, à vouloir arracher coûte-que-coûte la une des journaux inspire interrogation et étonnement.

Dernière gaucherie du président provisoire, le grand tapage qui entoure son déplacement au Qatar, accompagné d’experts et de Noureddine B’hiri, le ministre de la Justice.

Avec beaucoup de maladresse, le service de presse de la présidence de la république nous explique que M. Marzouki a soutiré au Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani «l’éloignement de Sakher El-Materi des terres qataries», qu’il est «très heureux» de cette décision de l’Emir du Qatar qui «répond favorablement à la demande du peuple tunisien qui a énormément souffert de la spoliation de ses avoirs par les dictateurs». On nous signale aussi que M. Marzouki a eu une entrevue avec le procureur général qatari qui lui a fait la promesse solennelle que «son pays est prêt à coopérer avec la Tunisie sur le dossier de la restitution des fonds tunisiens détournés à l’étranger et à aplanir les difficultés juridiques et techniques qui entravent la récupération de ces avoirs».

Bref, devrions-nous comprendre, le président a déjà bien meublé sa participation au forum de Doha pour la restitution des avoirs arabes spoliés, avant même que cette rencontre ne démarre?

Or, nous ne sommes pas obligés de croire tout ce que l’on nous dit.  Pour des raisons nombreuses et objectives.

Les communicateurs de la présidence parlent d’un «éloignement» du gendre de Ben Ali et non pas d’une extradition. Nous laissons le soin aux spin doctors de Carthage de faire un choix définitif entre clarifier les choses ou continuer à se jouer de l’opinion publique.

Et un gadget électoraliste

Autre détail qui mérite certainement plus amples explications, pour que l’on puisse passer à d’autres dossiers plus urgents: combien de temps, d’argent et d’énergie devra-t-on dépenser pour récupérer ces avoirs spoliés?

S’il est vrai que ce dossier, pour de multiples raisons, ne devra jamais être abandonné, il est  également  du devoir de ceux qui s’en occupent de dire au peuple la vérité entière sur ce processus: qu’il s’agit bien d’une longue et laborieuse tâche.

Les Ben Ali et Trabelsi, sachant parfaitement que leurs biens étaient mal acquis, ont pris toutes les précautions et fait appel aux meilleurs experts en la matière pour que ces avoirs détournés soient protégés de la meilleure manière.

Il reste donc au pays de s’armer de patience et d’espérer qu’un jour ses richesses lui soient restituées et qu’elles profiteront aux générations futures.

Nous demandons donc à nos officiels et à leurs conseillers en communication de nous rappeler que ce travail est parcours tortueux et ardu. Nous leur demandons de bien vouloir ne pas faire de ce dossier un gadget électoraliste, de ne pas en faire usage chaque fois que leur imagination politicienne fait faillite ou d’y recourir quand la réalité têtue dénonce leur incapacité à résoudre les urgences du pays.

Nous attendons, au tournant, le communiqué final de la présidence de la république sur ce déplacement qatari de quatre jours de M. Marzouki…

 

* Universitaire et journaliste.

 

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