Les principes de la nouvelle éducation sont simples : chaque enfant, fille ou garçon, doit s’épanouir en tant qu’individu.
Par Ahlem Ouerchfani *
«C’est une fille!» Il fut un temps où la nouvelle faisait l’effet d’une catastrophe, à tout le moins d’une déception. Il convenait en effet que le premier-né soit un garçon, à défaut de quoi les parents espéraient «se prendre la prochaine fois». Bien sûr, on l’aimait quand même ce bébé fille, mais un garçon, c’était l’apothéose, la confirmation de la virilité du père, la certitude que le nom allait être transmis et que les biens resteraient dans la lignée.
La nouvelle éducation
Mais les choses changent et de plus en plus de parents se réjouissent de donner naissance à une fille, de se trouver confrontés à ce défi nouveau et exaltant : éduquer cette enfant de manière à en faire une femme forte et dynamique, capable d’échapper à la condition féminine traditionnelle.
Les principes de la nouvelle éducation sont simples : chaque enfant, fille ou garçon, doit s’épanouir en tant qu’individu. Les garçons doivent apprendre à donner libre cours à leurs facultés affectives, il faut les initier très jeunes à assumer leur part des tâches domestiques. Quant aux filles, elles doivent développer ces qualités naguère considérées comme «masculines» : la détermination, le désir d’autonomie, le travail intellectuel. Facile à dire.
Dans la pratique, les choses en vont autrement. Ainsi, Amir, 9 ans, qui a pourtant été élevé dans un climat familial non sexiste, reproduit depuis environ 3 ans – depuis qu’il va à l’école – les comportements traditionnels. Il refuse de jouer avec sa sœur : «Ce n’est pas un jeu de fille!»; il s’identifie aux héros les plus violents de la télé; il affecte un mépris souverain pour la moitié du genre humain: «T’es rien qu’une femme!», dit-il à sa mère, mi-taquin, mi-sérieux.
Il n’empêche qu’il fait déjà partie d’une génération différente de celles qui l’ont précédé. Quand il a besoin de quelque chose à table, il se lève et va lui-même le chercher, contrairement à tous ces grands adolescents qui trouvent normal que leur mère les serve.
Affaire d’exemple et d’identification
Car l’éducation, au fond, n’est qu’affaire d’exemple et d’identification. Les jeunes parents instruits ont une multitude de livres sur la pédagogie, mais ce sont leurs propres gestes qui comptent le plus.
L’enfant qui voit tour-à-tour son père et sa mère faire la cuisine, les courses, la vaisselle, le ménage, et qui s’habitue à ce que l’un et l’autre partent au travail, apprend tout naturellement que l’homme et la femme ont des droits et des responsabilités de même nature. C’est seulement ainsi, grâce aux exemples reçus dans sa propre famille, qu’il peut échapper aux conditionnements que favorisent encore l’école, la télé, la publicité, la littérature enfantine et les jeux.
Actuellement, l’un des grands facteurs de changement réside dans l’intérêt que de plus en plus de jeunes pères portent à l’éducation de leurs enfants. J’en connais beaucoup qui ont non seulement tenu à participer du mieux qu’ils pouvaient à l’accouchement, mais qui se sont ensuite chargés des soins au nouveau-né – ne serait-ce que pour permettre à leur femme de se reposer – qui y ont pris goût et qui ont ensuite continué à s’occuper quotidiennement de l’éducation de leurs enfants.
Ces gestes humbles, patients et affectueux qu’ils apprennent à leur tour à poser démontrent que certains hommes sont plus doués que certaines femmes pour s’occuper des petits et que l’instinct paternel peut être aussi fort – et dans certains cas plus fort – que l’instinct maternel, dont on a toujours fait un mythe.
Car «la» femme, disait-on (comme s’il n’y avait qu’un seul type, qu’un seul modèle de femme), aurait eu, biologiquement, par instinct, de par sa nature même, la «vocation» maternelle. «Faite pour être mère», elle était aussi «faite» pour être éducatrice…, comme si l’appareil génital d’un homme ne le prédisposait pas tout autant à engendrer, comme si un père ne se devait pas d’être, lui aussi, un éducateur!
Peu importe, puisque la société reposait sur la division des rôles et que l’éducation des enfants revenait à la femme. Il fallait donc prévoir pour elle, la future mère, un système d’enseignement spécifique, susceptible de la préparer à ce rôle et de l’empêcher de faire carrière à l’extérieur du foyer.
* Étudiante en première année mastère.
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