Une enquête sur les PME tunisiennes révèle leurs spécificités, dysfonctionnements, réalisations, évolutions, ainsi que les obstacles qu’elles doivent surmonter.
Par Wajdi Msaed
«Les autorités concernées, les chefs d’entreprises, les experts, les milieux financiers et les organismes d’appui et d’encadrement auront désormais à leur disposition un baromètre (Miqyes) de la santé des petites et moyennes entreprises (PME) tunisiennes qui leur permettra de disposer d’un diagnostic fiable et actualisé de la situation de ces entreprises, de leurs évolutions et des tendances futures», a déclaré Tarak Chérif, président de la Confédération nationale des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), jeudi 13 avril 2017, à l’ouverture de la conférence consacrée à la présentation des résultats de ladite enquête réalisée en collaboration avec le cabinet HLB-GS Audit & Advisory.
L’environnement général des affaires
L’objectif de cette enquête sur «la santé des PME en Tunisie» est de mesurer les incidences des mutations nationales et régionales sur la capacité des PME, qui représentent plus de 95% des entreprises en Tunisie, à créer des richesses et des emplois et leur contribution au processus de développement économique et social.
L’enquête, réalisée en janvier et février 2017, a englobé 540 entreprises réparties sur les 24 gouvernorats du pays et opérant dans les différents secteurs, notamment l’industrie, les services, le commerce et l’agriculture.
Les premiers responsables de ces entreprises créées depuis au moins 6 ans ont été interrogés sur les axes suivants : recrutement, ressources humaines, productivité, rendement du travail, capacités financières, bénéfices réalisés, impact de l’environnement de l’investissement et des affaires.
Dans ce contexte, le questionnaire a essayé de cerner les difficultés rencontrées par les PME dans leurs relations avec l’administration en général et l’administration fiscale en particulier, ainsi qu’avec les services de la douane et le système bancaire.
Les principaux indicateurs
Les résultats auxquels a abouti cette enquête sont très révélateurs: 29% de nos PME ont travaillé en 2016 principalement sur l’export et les marchés visés sont la France avec 41%, l’Italie 21,8%, l’Allemagne 5,8%. La part de l’Algérie, le pays le plus proche, qui vient au 5e rang, ne dépasse pas 4,5%. La Libye, l’autre pays voisin, est reléguée, quant à elle, au 9e rang, avec uniquement 1,3 %. Le marché du Maghreb arabe donc est encore une vue de l’esprit.
Malgré la crise, ces entreprises ont enregistré une évolution moyenne de leur chiffre d’affaires estimée à 40,9%.
L’enquête a révélé, en outre, que le premier responsable des PME gère à la fois le commercial, les ressources humaines et les affaires financières.
Un autre point a également été mis en exergue: la plupart des PME ne connaissent pas leur part de marché et seules 17% des entreprises interrogées ont mis en place une méthode leur permettant de le connaître.
Par ailleurs, 39,3% des entreprises interrogées ont perdu en 2016 un ou plusieurs clients importants, principalement pour manque de compétitivité et 30,2% ont subi des arrêts fréquents de la production dus, dans 46% des cas, à des problèmes liés à l’outil de travail et aux matières premières. Les grèves et les tensions sociales sont à l’origine de «seulement» 7,4% des arrêts.
La corruption n’est plus un tabou
Outre la concurrence des activités informelles, l’obstacle le plus important que rencontrent les PME réside dans les problèmes avec l’administration fiscale et les services douaniers, sachant que 50% des dirigeants interviewés déclarent qu’ils ne peuvent pas travailler sans donner des pots-de-vin.
Cependant, et parce que tout n’est pas négatif, 67,4 % des responsables des PME croient à l’avenir de leurs entreprises.
Trois panels animés par des spécialistes et experts ont permis de débattre des résultats de l’enquête en orientant la discussion vers les problématiques du capital humain, de l’accès aux marchés et du financement.
Plusieurs idées pertinentes ont été exprimées par les participants. On a ainsi souligné l’importance de la culture de l’entreprise. Celle-ci, qui demeure trop personnalisée, est appelée, dans son processus de gestion, à opter pour la délégation du pouvoir, à veiller à la formation de son personnel et à aider les nouvelles recrues à bien s’intégrer dans la vie professionnelle. «Ne pas déléguer c’est limiter la capacité de croissance de l’entreprise», a précisé Wassel Berrayana, expert en informatique.
Adel Ben Hassen, DG de la douane, a indiqué, de son côté, que la corruption n’est plus un tabou dans notre pays. «Nous agissons sur 3 îlots d’honnêteté afin de renforcer le climat de confiance entre le citoyen et les services douaniers», a-t-il expliqué, en ajoutant : «Nous oeuvrons à mieux contrôler la totalité du territoire national».
Evoquant la question de l’accès aux marchés, Férid Tounsi, Pdg de Tunis Afrique Export, a souligné la nécessité de développer la culture de l’exportation, de mieux répartir les rôles entre l’Etat et le secteur privé dans l’amélioration de l’image du pays, de réformer le Fonds de promotion des exportations (Foprodex) et d’alléger les procédures y afférentes.
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