Noureddine Taboubi, SG de l’UGTT, et le chef du gouvernement Youssef Chahed: une mésentente cordiale.
En soutenant tout azimut les troubles sociaux dans les régions, l’UGTT est en train d’instaurer une autorité parallèle à celle de l’État.
Par Salah El-Gharbi
Depuis la grève générale du 16 mai 2017, la région de Kébili connaît des troubles sociaux qui s’amplifient et prennent une tournure inquiétante, surtout après la fermeture, par les jeunes protestataires, des vannes de gaz et de pétrole, privant ainsi la station de production de l’électricité de Gabès et la raffinerie de Skhira du ravitaillement en carburants. Et cette escalade pourrait durer.
Selon la coordination des manifestants, qui compte dans ses rangs des membres de l’Union des diplômés chômeurs (UDC), ces actions «pacifiques» seraient une réponse au gouvernement, qui reste sourd aux doléances des jeunes de la région, à savoir la «nationalisation des richesses minières, le développement et l’emploi» (excusez du peu !).
Des pyromanes pompiers
Le 27 juin dernier, le ton est monté d’un cran avec la réunion organisé au siège régional de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) où, après les députés Zouhaier Maghzaoui et Mahbouba Dhifallah, des représentants de la société civile de la région sont venus apporter leur ferme soutien aux manifestants dans leur combat légitime et leur démarche «pacifique».
Le scénario d’El-Faouar semble écrit d’avance : surenchère des revendications, tergiversations des autorités, escalade de la violence, escarmouches avec les forces de l’ordre, jusqu’au jour où le secrétaire général de l’UGTT quitte sa réserve et offre, à un gouvernement en plein désarroi, ses bons offices pour la résolution de la crise. «Pyromane la nuit, sapeur-pompier le jour», diraient les mauvaises langues.
En fait, l’UGTT est dans son droit de profiter de la vulnérabilité d’un pouvoir central, privé d’un soutien politique conséquent et qui est condamné à gérer, sous la contrainte, le «temps court». La centrale syndicale n’a jamais été aussi puissante que ces trois dernières années. Et l’on comprend que son secrétaire général puisse s’immiscer dans le choix des noms pour le prochain remaniement ministériel et s’opposer à la nomination de certaines personnalités qu’il jugerait indésirables.
Mais à qui profite cette hégémonie naissante? La supposée puissance du syndicat ne risque-t-elle pas de troubler le jeu démocratique, de vicier l’équilibre des forces, de tourner le dos à la volonté générale, dont l’Assemblée ds représentants du peuple est censée être l’émanation? N’est-on pas en train d’instaurer une autorité parallèle à celle de l’État?
Chahed lâché par les siens
Autant la démarche opportuniste de l’UGTT est prévisible voire compréhensible, autant la frilosité de l’exécutif et sa passivité sont à déplorer. Ainsi, l’escalade des jeunes d’El-Faouar constitue-t-elle un camouflet pour le gouvernement et surtout pour le chef de l’État qui, le 28 mai dernier, a réuni le Conseil de sécurité nationale, pour préparer un projet de loi déclarant les sites de production et les installations stratégiques et vitales des «zones militaires interdites».
Otage de l’UGTT, mais aussi de Nidaa Tounes et d’Ennahdha, les partis politiques qui sont censés appuyer son action, Youssef Chahed, malgré le succès de sa campagne contre la corruption, traverse une mauvaise passe et doit jouer son avenir politique.
Volontaire, le chef de gouvernement doit jouer l’équilibriste pour durer à la Kasbah, condamné à rester jusqu’au bout sous la tutelle d’un président dont l’autorité est minée de toutes parts, et à commencer par son propre fils, Hafedh Caïd Essebsi, ci-devant secrétaire exécutif de Nidaa Tounes, parti qu’il a presque déjà complètement détruit par ses manœuvres de bas étage et ses errements d’enfant gâté et sans jugeote.
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