Le coronavirus (Covid-19) aura donc causé une crise sanitaire, puis économique et maintenant scientifique. La crédibilité de l’une des plus prestigieuses revues médicales, ‘‘The Lancet’’, en a pris un sacré coup, après avoir publié une étude disqualifiant le recours à l’hydroxychloroquine dans le traitement de cette infection. Mais qui risque d’être disqualifiée elle-même par les doutes entourant sa méthodologie.
Par Pr Faouzi Addad *
L’affaire du «Lancet Gate», qui est en train de prendre un véritable tournant, pourrait avoir des conséquences dépassant la simple prescription ou non de la chloroquine pour les patients atteints du Covid-19.
En effet, une centaine d’experts, et pas des moindres, ont, dans une lettre ouverte, demandé d’avoir accès, en toute transparence, aux données utilisées par la revue médicale, aux hôpitaux qui lui ont adressé leurs dossiers et aux commentaires des réviseurs de l’article en question.
Cette demande a pris tous son sens après que le Pr Mandeep R. Mehra a avoué la faiblesse des connaissances en géographie des co-auteurs qui ont confondu un hôpital asiatique avec un autre australien. On a du mal à croire cette version, car ne serait-ce qu’avec les noms de ces hôpitaux, la confusion aurait pu être évitée. Il semble qu’il y a eu aussi une confusion sur les données de mortalité sur le continent africain et des explications ont été demandées à ce sujet. De même, les médecins canadiens découvrent avec surprise un taux de prescription important de chloroquine dans leurs séries annoncées dans l’article alors que seul l’hydroxychloroquine est facilement disponible dans le pays.
Ce n’est là que le début des nombreux problèmes qui attendent les auteurs.
La société Surgisphere, qui s’occupe de la gestion des données, a déjà fait savoir qu’elle était tenue par un contrat de confidentialité avec les hôpitaux et que, par conséquent, les données qui lui étaient confiées étaient non publiables.
D’ailleurs, cette société, créée en mars 2007 par le Docteur Sapan Desai, co-auteur de l’article publié par ‘‘The Lancet’’, semble avoir changé plusieurs fois d’adresses et de domiciliation depuis sa création. Cette société spécialisée dans les big datas et l’usage de l’intelligence artificielle dans l’analyse des données semble avoir très peu d’activités, jusqu’au 12 mars 2020, quelques jours avant la fameuse publication. La société américaine se vante de pouvoir avoir un accès à des milliers de dossiers partout dans le monde alors qu’aucun hôpital avec lequel elle a des liens ne s’est manifesté jusqu’à présent.
Autant dire qu’un épais mystère entoure cette étude et cette société qui n’a d’ailleurs publié que deux articles avec cette data base de 100.000 patients. De quoi y perdre son latin.
Il y aura bel et bien un avant et un après Covid-19 dans le domaine de la publication médicale.
* Professeur en cardiologie.
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