Une pandémie souterraine est en train de détruire les richesses de la planète, dans un monde qui vit sous la menace permanente des guerres, tandis qu’une partie de plus en plus croissante de la population, rongée par la faim, ne peut accéder ni à l’éducation ni aux soins.
Par Hassen Zenati
Chaque minute, le monde dépense environ 4 millions de dollars à des fins militaires, indiquent les dernières estimations du Sipri (Stockholm International Peace Recherche Institute) pour 2020. La dépense militaire mondiale a presque atteint 2.000 milliards de dollars en 2019, son plus haut niveau depuis 1988 en termes réels (net d’inflation).
Elle inclue l’ensemble des dépenses publiques pour les forces armées et les activités militaires, y compris les salaires et avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les achats de matériel militaire et d’armes, l’établissement et l’entretien des infrastructures militaires, la recherche et développement, l’administration centrale, le commandement et le soutien, précise le Sipri. C’est plus que ce que le monde a dépensé dans la dernière phase de la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS et leurs alliances respectives : OTAN et Pacte de Varsovie (aujourd’hui dissout).
La course aux armements se poursuit de plus belle
C’est une dépense en expansion continue, alors que se développent les conflits dits à «basse intensité», essentiellement en Afrique et au Proche-Orient, mais aussi en Asie. Entraînée par la dépense militaire américaine, la dépense militaire mondiale a augmenté de 3,6% en termes réels. Le budget militaire des Etats-Unis a augmenté à lui seul de 5,6%, à 732 milliards de dollars en 2019, dépense du Pentagone et opérations de guerre comprises.
Les services secrets, composée de 17 agences, consomment à eux seuls plus de 80 milliards de dollars annuels, sans compter les dépenses non-publiées, relevant ses opérations spéciales classées «secret défense». Au total, Washington consacrerait plus de 1.000 milliards de dollars par an à ses activités militaires.
Pour la Chine, à 261 milliards de dollars, plus 5,1%, c’est le tiers des Etats-Unis, tandis que la Russie traîne loin derrière à 65 milliards de dollars en 2019, soit onze fois moins que sa rivale principale de l’ère de la guerre froide. L’augmentation des dépenses militaires américaines est largement basée sur la perception d’un retour à la rivalité entre les grandes puissances. Pour les Américains, le front est en train de se déplacer vers l’Asie, avec la Corée du Nord en point de mire, et la Chine.
Rivalités commerciales et tensions militaires
Les tensions en Mer de Chine sont les principaux symptômes de ce déplacement, tandis que les rivalités commerciales devraient prendre un rôle sans cesse croissant. Beijing entretient par ailleurs depuis des décennies des rapports conflictuels récurrents avec l’Inde, son voisin, alors que New Delhi doit surveiller son autre voisin, le Pakistan.
En Europe, c’est l’Allemagne qui enregistre le plus fort accroissement de ses dépenses miliaires en 2019, après les avoir longtemps comprimées. Avec 10% de croissance et 49,3 milliards de dollars, elle se situe désormais dans le peloton de tête des trois premiers de l’Europe, au même niveau que la France et la Grande Bretagne qui consacrent chacun 50 milliards de dollars à ses dépenses militaires. Berlin explique cette accélération par la perception d’une menace croissante venant de Russie, que partagent l’ensemble des anciens satellites de l’URSS en Europe de l’est. Il faut ajouter la pression du président des Etats-Unis Donald Trump qui a demandé à ses partenaires européens de l’OTAN d’allouer 400 milliards de dollars supplémentaires à cette organisation pour alléger le fardeau américain. L’Italie, qui se débat dans une interminable récession, a dû ainsi sacrifier à la demande américaine en augmentant son budget de 6% par rapport à 2019. Il dépasse désormais 26 milliards d’euros an et doit évoluer jusqu’à atteindre 36 milliards de dollars.
La tache de la pauvreté ne cesse de s’étendre
Cette pluie de dollars qui se déverse sur les militaires est destinée à entretenir des conflits géopolitiques, ethniques ou tribaux, et nourrir ainsi une industrie de la mort, génératrice d’emplois et d’innovations toujours plus meurtrières. Elle se déroule sur une toile de fond de famine et de misère frappant des pans de plus en plus large de la population mondiale.
L’ONG Terre Solidaire estime qu’en raison du coronavirus, le nombre de personnes au bord de la famine dans le monde risque de doubler à 265 millions, contre 135 millions 2019, tandis que la sous-alimentation franchirait le plafond de 821 millions de personnes, dont 479,3 millions en Asie, 256,1 millions en Afrique, 42,5 millions en Amérique Latine et Caraïbes et 33,7 millions au Moyen-Orient. Les pays riches ne seront pas épargnés. En Allemagne, Espagne, France, Italie la tache de la pauvreté n’a cessé de s’étendre ces dernières années, avec ses cortèges de laissés pour compte : chômeurs et sans domicile fixe, vivant de la soupe populaire.
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