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Ateliers pédagogiques en Tunisie autour des «Carnets» d’Albert Camus

Entre le 29 novembre et le 2 décembre, successivement à Djerba, à Médenine et Tunis, des groupes d’élèves et d’étudiants ont participé à des séances d’expression libre sur des thématiques chères à Albert Camus. Un exercice de communication qui a permis aux participants, accompagnés par un spécialiste, de libérer leur imagination et leur émotion.

Par Naceur Bouabid *

Nos jeunes élèves et étudiants étaient loin d’imaginer qu’ils seraient capables, en l’espace de quelques heures, de telles prestations, et de s’aventurer aussi rapidement dans un exercice périlleux qui ne leur était pas coutumier. Ils l’ont fait, pourtant, en s’affranchissant, en si peu de temps, de toutes les entraves de communication, des pesanteurs sociales souvent accablantes, du trac de la première mise à l’épreuve, pour affuter leur imaginaire, prendre conscience de leur potentiel corporel et émotionnel et aboutir à une expression libre en rapport avec la thématique, choisie préalablement de concert avec leurs professeurs respectifs, parmi celles chères à Camus, communément abordées dans son œuvre.

C’était lors de l’atelier pédagogique Action et Médiation «Autour des Carnets d’Albert Camus» tenu en Tunisie, entre le 29 novembre et le 2 décembre, successivement à Djerba, à Médenine et Tunis, dans le cadre d’un partenariat pilote entre, d’une part, Oléa Compagnie Méditerranéenne, représentée lors de cette tournée tunisienne par Clément Vieu, son directeur artistique, et la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis (département de français), le lycée pilote de Médenine et le lycée Ibn Arafa à Djerba, d’autre part, représentés respectivement par Dorra El Bessi, Hafidha Lamine et Hichem Trabelsi, tous professeurs de français.

A Djerba.

Libérer la parole

C’était un moment fort de dialogue libre, d’échange et de mise en situation entre l’animateur-médiateur de l’atelier, Pascal Castelletta, acteur français de cinéma et de théâtre, professeur, coach et metteur en scène, et son audience composée tantôt d’élèves, tantôt d’étudiants ayant en partage la jeunesse de l’âge et de l’esprit, public visé prioritairement par ce projet. Fort de sa longue expérience d’enseignant de théâtre, mais aussi de son travail qu’il avait construit sur la médiation avec le théâtre forum, il n’a pas mis longtemps, confronté à ce nouveau public visé, et faisant usage d’un vocabulaire adapté à son audience, pour le jauger, le faire participer, l’impliquer de façon à lui faire libérer la parole en toute confiance et à faire émerger la quintessence de ce moment de dialogue et d’échange.

A Medenine.

Le résultat qui s’est ensuivi était saisissant et prégnant, tant à Djerba, à Médenine qu’à Tunis: confiés au maître, gagnant progressivement en confiance, et disponibles à l’écoute et à l’apprentissage, ils se sont laissés faire, amadouer, pour vaincre leurs peurs, oser être eux-mêmes face aux autres et dégager tout le potentiel émotionnel en possession. «Dans ce cadre précis de la tournée des  »Carnets d’Albert Camus », il s’agit précisément pour moi, en tant qu’animateur et médiateur, en m’appuyant sur des thématiques centrales de l’œuvre d’Albert Camus, de ses combats politiques et de sa vie philosophique, de proposer des modules de médiation, de théâtre en action avec la participation active des lycéens. En venant en Tunisie, je ne savais pas avec quelle jeunesse j’allais travailler. Je savais que j’allais travailler avec des jeunes que je ne connaissais pas, je me suis, donc, préparé en amont pour voir ce que je pouvais faire et proposer. Mais quelle n’a pas été ma surprise de me retrouver face à une jeunesse sensible, de percevoir leurs manières d’être, comment ils fonctionnent, tout l’intérêt qu’a suscité chez ces jeunes ce projet et leur désir de connaissance», dira à la fin Pascal Castelletta de ces jeunes élèves et étudiants.

Genèse du projet

Les Carnets d’Albert Camus couvrent vingt-quatre ans de la vie du romancier, écrits de ses propres mains entre mai 1935 et décembre 1959, soit quelques jours avant de se tuer accidentellement en rentrant à Paris en voiture le 4 janvier 1960. Publiés de manière posthume entre 1962 et 1989, d’abord par sa femme, Francine Camus, puis par Catherine, sa fille, ils sont repris par Stéphane-Olivier Bisson, metteur en scène, qui connaît parfaitement l’œuvre de Camus, et qui décide, avec l’accord de la fille du romancier, de visiter ces  »Carnets » et de travailler profondément l’adaptation des vingt-quatre années de la vie de l’écrivain au théâtre, de les mettre en corps et en mouvement sur scène.

A Tunis.

A travers le spectacle produit, fruit de cette profonde adaptation, il restitue sur scène, en une heure dix, en mêlant des fragments de paroles d’une rare beauté, à une pensée aiguisée et à une voix rêveuse et envoûtante, des extraits des  »Carnets » abordant les traces de la vie quotidienne du romancier en Algérie, à Paris sous l’Occupation, pendant la Guerre froide, au cours de ses incessants voyages en Italie, au Brésil, en Grèce, et surtout, comme le précise l’initiateur de ce projet «l’empreinte de sa pensée et de sa conscience, celle d’un homme fragile et combatif, s’efforçant de d’être heureux, amoureux de la beauté du monde.»

* Professeur de Français et activiste de la société civile.

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