La Tunisie fait face actuellement à l’une des plus graves crises de liquidités de son histoire contemporaine et, malgré l’apport important de ses expatriés, ses réserves en devises chutent de manière dramatique, laissant augurer des lendemains difficiles.
Par Amine Ben Gamra *
La Tunisie, qui fait face actuellement à l’une des plus graves crises de liquidités dans son histoire, a besoin d’apports extérieurs consistants pour financer son budget pour cette année 2022 et pour relancer son économie en berne depuis 2011, et qui souffre de l’atmosphère d’incertitude qui règne dans le pays.
La crise appelée à s’aggraver
D’après les plus récents indicateurs monétaires et financiers publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT), le solde du compte courant du Trésor ne dépasse pas 392,9 millions de dinars tunisiens (MDT) à la fin du mois de novembre dernier et les réserves en devises sont évaluées à 20 266,3 MDT, soit seulement l’équivalent de 120 jours d’importations.
La crise va encore empirer suite à l’extrême insoutenabilité de la dette extérieure, qui approche dangereusement du plafond des 100 % (contre 35% en 2010) dans un contexte économique rendu encore plus fragile par la crise sanitaire, ayant entraîné une récession de 8,6% du PIB en 2021. Et les prévisions pour l’année en cours ne sont guère rassurantes, eu égard la poursuite de la crise, et ce malgré la nette reprise des économies européennes auxquelles la nôtre est historiquement et organiquement amarrée.
Le recours au Club de Paris sera-t-il inévitable ?
Pour ne rien arranger, notre pays, qui fait face à une grave crise des finances publiques et est à la recherche de financements extérieurs exceptionnels, est appelé également à honorer ses engagements auprès de certains bailleurs de fonds internationaux et nationaux, et notamment les banques locales qui ont permis de financer le budget de l’Etat au cours des dernières années. Et en l’absence d’une hypothétique aide extérieure susceptible d’apporter un peu d’oxygène aux finances publiques, le recours au Club de Paris pour négocier une restructuration de nos dettes pourrait se révéler inévitable, même si les autorités financières poursuivent leur fuite en avant dans le déni.
La Tunisie a repris les négociations avec le FMI au sujet d’un ensemble de prêts mais ces derniers ne sauraient lui être octroyés si elle ne parvient pas à mettre en œuvre une série de réformes structurelles douloureuses (relatives notamment au système de compensation, aux entreprises publiques en difficulté, à l’énorme masse salariale dans le secteur public…) qui visent à assainir son économie et à la libéraliser davantage.
Des tempêtes sociales à l’horizon
Ces réformes, on l’imagine, ont un coût social très élevé : réduction drastiques des subventions pour certains produits de première nécessité, privatisation complète ou partielle des entreprises publiques déficitaires et opérant dans des secteurs compétitifs (banque, tabac, médicaments…), diminution de la masse salariale de la fonction public… Et on peut sérieusement craindre que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dont les bailleurs de fonds internationaux exigent l’engagement clair et formel à accepter les réformes envisagées avant de donner leur accord de prêts, refuse de suivre la marche forcée imprimée par le gouvernement, traîne les pieds ou s’oppose fermement à toute réforme, ce qui est plus conforme à sa doctrine et à sa politique. Tempêtes sociales à l’horizon…
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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