Tunisie : la crise de l’éducation se politise et s’enlise

La crise de l’enseignement de base semble devoir durer en raison de l’intransigeance du ministre de l’Education et son refus de répondre aux revendications de la Fédération générale de l’enseignement de base relevant de l’Union générale tunisienne du Travail (UGTT). L’aggravation des tensions donne un caractère éminemment politique à une crise qui aurait pu (et dû) rester purement syndicale.

Par Imed Bahri

Alors qu’un grand nombre d’enseignants maintiennent leur refus de livrer les notes des élèves à la direction de l’école, en guise de protestation contre le refus de l’administration de satisfaire leurs revendications et d’appliquer les accords anciennement conclus…, et alors que le ministre de l’Education reste sur une position de refus de dialogue en menaçant les protestataires de représailles, de nombreux éducateurs se disent déterminés à aller jusqu’au bout de leur mouvement quoi qu’il en coûte.

Souhoul Souii, membre du syndicat régional de l’enseignement de base à Nabeul, a déclaré que la réunion tenue samedi 8 juillet au siège de l’Union régionale du travail a décidé d’observer des sit-in ouverts devant les délégations régionales de l’éducation à partir du lundi 10 juillet.

Par ailleurs, une cinquantaine de directeurs d’écoles ont présenté leur démission pour protester contre le traitement réservé par le ministère de l’Education aux revendications des enseignants et à la crise de l’éducation d’une façon générale.

L’escalade se poursuit

Dans une déclaration à Mosaïque FM, Souii a annoncé que la Fédération va tenir un conseil administratif sectoriel le 14 juillet afin d’examiner la situation et prendre des décisions conformément aux intérêts de ses membres.

La tension qui règne depuis plusieurs mois dans le secteur s’est aggravée après les menaces du ministère de l’Education de démettre de leurs fonctions tous les directeurs d’écoles qui ne verseront pas les notes des élèves en raison de la rétention de ces notes par un grand nombre d’enseignants.

D’ailleurs, quelque 150 directeurs d’écoles ont été démis de leurs fonctions. Et, sans surprise, beaucoup d’entre eux sont des cadres syndicaux : 45 sont membres de syndicats de base, dont 4 membres du conseil administratif et 3 membres de la fédération générale. Ce qui a provoqué des démissions collectives dans différents gouvernorats en guise de solidarité avec les directeurs sanctionnés. Commentant ces démissions, Nabil Haouachi, secrétaire général de ladite Fédération, cité par Mosaïque FM, a déclaré que «les autorités cherchent, à travers ce genre de décisions, à porter atteinte au droit syndical en s’attaquant à tout mécanisme ou moyen que le secteur utiliserait pour défendre ses droits, visant à mettre fin ainsi à tout esprit revendicatif».

Le dirigeant syndical va plus loin en affirmant qu’«il y a aujourd’hui un plan visant à mettre fin à tout mouvement social et à empêcher la réalisation des revendications des travailleurs (…) en recourant à des procédés pernicieux et violents, afin que de tels mouvements ne se répètent plus dans les autres secteurs».

Politisation d’un conflit syndical

Le fait que le ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri, soit lui-même un enseignant et un ancien secrétaire général adjoint de l’UGTT en rupture de ban avec la direction actuelle de la centrale syndicale, a sans doute aggravé les tensions et donné un caractère éminemment politique à une crise syndicale.

Beaucoup de dirigeants syndicaux pensent en effet que le ministre est utilisé comme homme de main par le président de la république Kaïs Saïed dans son bras-de-fer avec l’actuelle direction de l’UGTT, prélude à son «installation» à la tête de celle-ci.

Quoi qu’il en soit, la crise qui dure depuis le début de l’année scolaire commence à peser lourdement sur les nerfs des élèves et des parents, ainsi pris en otages par les deux «belligérants», et c’est le cas de le dire.

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