En ce mois de juin, début de la haute saison estivale dont on espère une forte reprise de l’activité touristique, l’île de Djerba offre le spectacle vergogneux d’une ville dévastée par les déchets.
Par Naceur Bouabid *
Vendredi 15 juin, le matin du jour de l’Aïd El-Fitr, le centre-ville de Houmt-Souk était dans tous ses états et avait tout pour mériter amplement le statut d’un dépotoir à ciel ouvert, ou d’un voisinage immédiat d’une décharge incontrôlée, tant ses rues, ses ruelles, ses trottoirs, ses chaussées, ses parkings souffraient le martyr de désolation et de laideur. C’est que dans l’accalmie ambiante et les désert des rues, fête de l’Aïd oblige, la pollution régnait en maître absolu des lieux et gâchait l’ambiance, censée être de liesse et de fête.
La zone réservée au marché hebdomadaire, dit «souk libya», était la plus affectée. Ici, des déchets d’emballage, toutes matières confondues, plastique en tête, éparpillés ou amoncelés, en quantités grandissimes, étaient partout; là-bas, à quelques encablures, jonchaient, pêle-mêle, à même le sol, des détritus de légumes et de fruits fanés, puants et nauséabonds.
Les malheureux citoyens, dans l’obligation de traverser la zone affectée ou désireux de faire les cent pas pour profiter du vide régnant et déceler les beautés enfouies de la ville, ne croyaient pas leurs yeux et avaient peine à cacher leur amertume; quelques touristes, logeant dans les hôtels avoisinants de la ville, étaient ahuris et prenaient plaisir à saisir par la photo, pour mémoire, ce spectacle vergogneux d’une ville dévastée par les déchets.
«Souk Libya, source de tous les maux de la ville
Deux fois par semaine, la ville de Houmet-Souk, capitale administrative et économique de l’île de Djerba, vit au rythme de son jour de marché. Chaque lundi et jeudi, en effet, un souk hebdomadaire y prend place. La ville est alors prise d’assaut; on y afflue de toutes parts, de l’intérieur de l’île comme d’ailleurs; l’animation bat son plein, notamment dans la zone qui l’abrite dont l’emplacement au cœur même de la ville fait de tout temps l’objet d’une vive polémique, au vu tant de la nature du voisinage immédiat qui le côtoie, que des désagréments engendrés et de la gêne provoquée.
Les parents accompagnant leurs progénitures doivent peiner pour se frayer un chemin et rejoindre l’entrée de la plus grande école primaire de la ville pour les déposer; les fonctionnaires de la recette des finances comme les citoyens ayant affaire à eux sont très mal à l’aise, tant dans l’exercice de leur devoir pour les uns, que dans l’accomplissement des modalités administratives pour les autres; le Centre culturel méditerranéen conçu pour servir d’espace de réunions, de promotion et de création artistiques se trouve agressé et banalisé et les travaux et les manifestations y ayant lieu sont souvent perturbés par le brouhaha incessant et la cacophonie généralisée.
De même, des dizaines de familles, prises au piège dans leurs propres maisons assiégées par les étals de fortune des vendeurs souffrent le martyr et ne savent plus, en désespoir de cause, à quel saint se vouer, étant dans l’incapacité de sortir de leur domicile ou d’y accéder aisément.
La salle couverte omnisport n’est pas, non plus, dans une meilleure posture, tant toutes les voies qui y mènent sont exploitées et obstruées, rendant le passage de tout véhicule ou engin motorisé devant intervenir en cas d’extrême urgence pour acheminer les premiers secours, quasi impossible.
Ce marché dit «libyen» n’a que trop sévi et nui à une ville qui donne l’impression d’étouffer et qui est dans l’incapacité de juguler le flot croissant des véhicules et des masses humaines y affluant.
Une telle situation chaotique ne peut plus perdurer, d’autant que le marché hebdomadaire croît en envergure et en affluence, nécessitant davantage d’espaces, que les vendeurs et les exposants n’auront aucune gêne à s’approprier le cas échéant.
La pollution générée à chaque avènement du marché est indigne de la ville de Houmt-Souk, et fait rougir de honte quiconque passe dans les parages après le démantèlement du camp.
Des touristes saisissaient par la photo ce spectacle vergogneux d’une ville dévastée par les déchets.
Le conseil municipal élu face à ses responsabilités
Le nouveau conseil communal élu est averti et devra gérer de mains de maître la situation pour rendre justice tant à ces pauvres familles subissant impuissamment et en silence leur calvaire, qu’aux nombreux commerçants de la ville, redevables d’impôts à l’Etat, contribuables à part entière assidus et dont le commerce périclite à cause justement des produits de pacotille provenant du commerce parallèle écoulés à flots dans ce marché.
Le moment est donc venu pour qu’un autre espace hors du centre-ville soit proposé et aménagé selon des normes hygiéniques, sécuritaires et esthétiques décentes en remplacement de l’actuel, occupant malheureusement l’une des plus belles zones de la ville, à laquelle il est impératif de rendre le rayonnement d’antan en la soulageant de ce fardeau indésirable.
Cette même belle zone, aujourd’hui enlaidie, banalisée et bafouée, ne fait-elle pas partie, d’ailleurs, du parcours culturel et touristique prévu dans le grand projet de réhabilitation et de valorisation du centre ancien, s’étendant de la place des fondouks au fort Ghazi Mustapha ?
* Militant associatif, ancien président de l’Association de sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje).
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