Surnommée «la lèpre des oliviers», la xylella fastidiosa, une bactérie tueuse responsable de maladies mortelles ou potentiellement mortelles chez diverses espèces de plantes cultivées d’intérêt commercial, notamment, la vigne, l’olivier et les agrumes, a été détectée, ces derniers jours, par le ministère français de l’Agriculture sur deux oliviers des Alpes-Maritimes, a rapporté le site de l’Observatoire tunisien de l’agriculture (Onagri).
Par Khémaies Krimi
C’est la deuxième fois que la xylella fastidiosa est décelée en France sur des oliviers. Elle était présente sur des oliviers et sur des chênes verts en Corse en 2018. Elle avait également été retrouvée sur d’autres végétaux de l’île, ainsi que dans 19 communes du Var et des Alpes-Maritimes, rappelle le ministère français cité par le site d’Onagri.
Un virus détecté en Italie, en France, en Espagne et au Portugal
De telles informations ne manquent pas d’enjeux pour la Tunisie, pays oléicole, viticole et agrumicole, depuis des siècles. Et pour cause. La xylella fastidiosa est considérée comme l’une des bactéries les plus dangereuses pour les végétaux à l’échelle mondiale et provoque diverses maladies pouvant conduire à leur mort. La maladie touche environ 350 types de plantes, dont des oliviers, des vignes, des citrons ou des amandiers.
Pour mémoire, en 1880, en Californie, cette bactérie tueuse avait détruit environ 14.000 hectares de vignobles dans la région de Los Angeles. La maladie, baptisée par la suite «maladie de Pierce» du nom de Newton Barris Pierce, phytopathologue américain qui l’a découverte.
Au regard de l’ampleur des dégâts pouvant être générés par la prolifération de cette bactérie, contre laquelle aucune parade efficace n’a encore été découverte, jusqu’à ce jour, la Tunisie doit se sentir concernée et se préparer à faire face à toute éventualité.
Importée, semble t-il, de Costa Rica, cette bactérie, transportée par un insecte dénommé Philaneus Spumarius, provoque, par l’effet de son venin injecté, le dessèchement des arbres et partant leur mort et arrachage immédiat. Le spectacle est spectral, témoignent les oléiculteurs sinistrés.
Dans le bassin méditerranéen, cette bactérie tueuse a fait sa première apparition en 2013 en Italie. Elle a anéanti plus d’un million d’arbres. À l’époque, les oléiculteurs italiens avaient accusé la mafia d’avoir introduit cette bactérie à des fins de spéculation immobilière, ce qui n’est guère étonnant. La mafia voulait construire des hôtels sur les zones dévastées par la xylella fastidiosa.
Ces ravages occasionnés par la xylella aux oliveraies italiennes, et leur corollaire, la diminution de la production oléicole italienne, a profité, à l’époque, à la Tunisie, qui s’est vue autorisée par l’Union européenne à exporter 30.000 tonnes d’huile d’olive supplémentaires.
La bactérie avance à la vitesse de 2 km par mois
Abstraction faite de ces considérations, ce qui est préoccupant, c’est la tendance de cet insecte à migrer, lentement mais sûrement, vers le reste des pays méditerranéens. Selon des estimations du syndicat des agriculteurs italiens Coldiretti, la bactérie tueuse «avance inexorablement vers le nord à la vitesse de plus de 2 km par mois».
À ce propos, le premier cas en France a été identifié dans une zone commerciale de la commune de Propriano en Corse, et ce, en dépit de la mise en œuvre, depuis 2014, d’un plan de surveillance et de contrôle phytosanitaire renforcé à la frontière franco-italienne et en dépit de la mobilisation de toute l’Union européenne qui a adopté, le 28 avril 2015, des mesures fortement renforcées et communes à tous les Etats membres. L’Union estime que la bataille contre xyllela ne peut être efficace que si elle est collectivement menée.
Durant les derniers mois, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a identifié de nouveaux foyers au Portugal. Elle en a été déjà détectée en Espagne, premier pays oléicole.
Cela pour dire que cet insecte peut migrer facilement d’un pays à un autre à la faveur des moyens de locomotion et de la mobilité des personnes. Plus simplement, cette bactérie peut voyager en bateau, en voiture, en avion et par train.
Le risque pour la Tunisie est très élevé
Cela pour dire également que si les européens, forts de leur puissance financière et intransigeance en matière de contrôle phytosanitaire, ne sont pas parvenus à limiter à l’Italie les dégâts occasionnés par la Xyllela, que peut faire un petit pays comme la Tunisie, qui plus est en crise, si jamais cette bactérie tueuse arrive à traverser la Méditerranée.
Moralité de l’histoire : le risque est hélas très élevé d’autant plus que la Tunisie compte une importante colonie en Italie et en Corse. À titre préventif, il serait conseillé de procéder déjà à des prélèvements, d’intensifier le contrôle phytosanitaire aux postes frontaliers et de solliciter, à cette fin, la coopération de l’Union européenne.
Une attention particulière doit être accordée à l’importation de plants que ce soit à titre professionnel ou personnel. Ainsi, des plants de lauriers importés pour fleurir sa maison pourraient être porteurs de la xylella fastidiosa.
La Tunisie pourrait également tirer profit de l’expertise européenne, notamment italienne, en matière de lutte contre cette bactérie. À ce propos, même si aucun remède n’a été mis au point, jusqu’à ce jour, les agronomes italiens ont eu le mérite de découvrir des variétés d’oliviers qui résistent à cette bactérie et d’utiliser des drones pour détecter de manière précoce les parcelles d’oliveraies infectées.
Espérons que le ministère de l’Agriculture est conscient des dégâts que pourrait occasionner la lèpre des oliviers si elle parvient à traverser la Méditerranée.
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