«Salat al-istisqaâ» (prière de la pluie) dans un lycée de Bekalta.
Sans un usage plus rationnel de nos maigres ressources hydrauliques, les prières de la pluie risquent fort de se multiplier dans le futur…
Par Faïk Henablia *
La prière des rogations pour la pluie, ou «salat al-istisqaâ», consistant à prier Dieu pour obtenir la pluie en temps de sécheresse, est une pratique bien ancienne, qui ne concerne, d’ailleurs, pas que la religion musulmane.
Qu’un citoyen ou un groupe de citoyens décident de s’y adonner, en désespoir de cause, ne prête à aucune réflexion particulière, en dehors, peut-être d’un certain scepticisme, que l’on se gardera bien de manifester publiquement, respect oblige.
Mais que penser, lorsqu’un membre du gouvernement, en l’occurrence le ministre des Affaires religieuses en personne, autrement dit un représentant officiel de l’Etat, y appelle publiquement ainsi qu’il le fît récemment?
Certains, dont je fais partie, se surprennent alors à prier pour un tout autre motif, à savoir que ceci ne constitue pas un changement dans la stratégie publique en matière de ressources hydrauliques.
Quand l’eau se fait prier
Plus sérieusement, notre pays est en tête de liste des victimes annoncées du dérèglement climatique et du réchauffement global, avec une sécheresse structurelle menaçant de réduire nos ressources hydrauliques à 40% du niveau actuel, sur un horizon d’une vingtaine d’années.
Un vrai changement de comportement, tant individuel que collectif, s’impose, par conséquent, dans l’utilisation de l’eau, denrée de plus en plus rare, qu’il s’agit d’apprendre à économiser et à utiliser avec parcimonie.
J’ai alors pensé à tous ceux qui appellent à la prière de l’eau, et me suis demandé s’il ne serait pas plus intelligent et avisé de leur part, et s’ils ont tant soit peu d’influence, d’appeler plutôt à économiser cette eau et à la sauvegarder, en recommandant par exemple de réduire, voire de renoncer aux ablutions («woudhou’») pour graduellement leur préférer les ablutions sèches («tayammum»).
Le «tayammum» est autorisé dans des situations de raréfaction de l’eau, ou si celle-ci, bien que disponible, est destinée à d’autres usages prioritaires. C’est exactement notre situation.
Il faut préciser que les ablutions «woudhou’» ne sont pas une pratique hygiénique, mais de pure symbolisme purificatoire. Que ceux qui le contestent retournent dans une mosquée et qu’ils fassent attention aux odeurs corporelles qui s’y répandent lors d’une prière!
Le «tayammum» est également une pratique de purification symbolique. L’une des causes l’autorisant est la pénurie d’eau ou son insuffisance pour la purification, que l’on soit ou non en déplacement ou en voyage, d’ailleurs.
Coupures d’eau et autres gênes
Pénurie d’eau? N’est-ce pas la situation tragique et malheureusement inéluctable, dans laquelle nous nous enfonçons de plus en plus? Ne commençons d’ailleurs nous pas à en ressentir plus fréquemment les effets dans notre vie quotidienne avec la multiplication des coupures et autres gênes?
Je n’ai aucune idée des quantités d’eau gaspillées annuellement en Tunisie dans la pratique du «woudhou’» et je doute qu’on ait procédé à cette recherche, mais même si ces quantités ne sont pas importantes, une alternative existe.
J’ai la certitude qu’il serait bien plus sage de rationaliser l’usage de nos ressources hydrauliques, de plus en plus maigres, en établissant des priorités et en s’y tenant (agriculture et élevage en particulier).
Faute de quoi, les prières de la pluie risquent fort de se multiplier dans le futur… avec peut-être la perspective de se voir de moins en moins exaucées !
* Gérant de portefeuille associé.
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