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Liberté pour Baazaoui et Hammed : halte au harcèlement des jeunes à la sortie des bars !

Mohamed Baazaoui.

Les forces de l’ordre doivent cesser de harceler à les jeunes, se muer en police des mœurs et à se poster à la sortie des bars, des restaurants, des boites de nuit et des hôtels pour réprimer des citoyen(ne)s qui ne font que jouir de leurs droits, sans faire de mal à personne.

Par Mohamed Chérif Ferjani *

Décidément, Kairouan et sa région s’illustrent par des évènements qui montrent l’impact de l’islamisme et du conservatisme, avec leur lot d’hypocrisie et d’atteintes aux droits humains. On se souvient de la grande rencontre des groupes salafistes à la Grande Mosquée de Kairouan en 2012 et des interventions violentes des groupes salafistes à Kairouan et dans différentes bourgades de sa région, pour imposer leur ordre à la population.

Tous récemment, en rapport avec l’interdiction de l’ouverture de points de vente de boissons alcoolisées, par peur des réactions des milieux conservateurs et des divers groupes islamistes, sept jeunes ont payé de leur vie la consommation d’une eau de Cologne frelatée vendue comme boisson alcoolisée par des trafiquants sans scrupule. Au lieu de poursuivre ces criminels que tout le monde connait, la police et les forces de l’ordre profitent des dispositions relative à la répression de l’ivresse pour se poster à la sortie des bars, des restaurants et des hôtels où il est permis de consommer toutes sortes de boissons alcoolisées, pour taxer les uns et régler leurs comptes avec d’autres.

Des jeunes inoffensifs traités comme de dangereux criminels

C’est ce qui vient d’arriver le soir du 4 juin 2020, à Kairouan, à la sortie de l’hôtel le Contiental, à Mohamed Baazaoui et Mohamed Hamed, deux jeunes activistes de la société civile à Kairouan, dont le parcours, le profil et les activités ne sont pas du goût des islamistes qui ont largement infiltré la police et les forces de l’ordre.

Mohamed Baazaoui, éducateur au passé militant – à la de la LTDH à Kairouan, à l’UGET et à l’UGTT ainsi que dans les rangs du Parti Socialiste – qui lui a valu plusieurs arrestations, son ami Mohamed Hammed, infirmier et activiste de la société civile, et Abdelaziz Rebaï, également syndicaliste et militant pour les respect des droits humains, ont voulu fêter la fin du confinement en se retrouvant au bar de l’hôtel le Continental, l’un des rares endroits où on peut encore se retrouver pour boire légalement un verre.

À la fin de la soirée, les trois amis ont quitté l’hôtel pour rentrer chez eux. Abdelaziz prit un taxi et les deux Mohamed allaient rentrer à pied. Une patrouille de police arrêta le taxi pour contrôler l’identité d’Abdelaziz. Les deux Mohamed ont voulu s’assurer que leur ami était en règle. Ils se sont dirigés vers le taxi pour lui demander si tout allait bien. Les policiers n’ont pas supporté de les voir parler à leur ami sans s’adresser à eux. Ils ont laissé le taxi partir, avec Abdelaziz, pour s’occuper de ces deux insolents qui ont osé se mêler de ce qui ne les regardait pas, avec la panoplie des insultes qu’ils se permettent dans ce genre de situation. Ne se laissant pas faire, nos deux Mohamed se retrouvent embarqués au poste de police pour y subir un interrogatoire et se faire arrêter sur la base de la seule déclaration des agents de police, sans tenir compte de leur propre déclaration. Ils sont maintenus en détention jusqu’à leur comparution, aujourd’hui, jeudi 11 juin, en état d’arrestation comme s’ils étaient de dangereux criminels.

La police religieuse ou de mœurs n’a pas sa place en démocratie

Ce qui arrive à Mohamed Baazaoui et à Mohamed Hammed n’est malheureusement pas un cas isolé. Au lieu de s’occuper des trafiquants, des terroristes et des vrais criminels qui menacent la vie et la sécurité de la population, les forces de l’ordre préfèrent se poster à la sortie des bars, des restaurants et des hôtels où l’ont sert légalement des boissons alcoolisées pour s’instituer en police religieuse, ou de mœurs, et arrêter des jeunes au motif fallacieux d’«ivresse» et de «tapage nocturne», auquel on ajoute souvent, pour aggraver l’inculpation, «insulte à agent dans l’exercice de ses fonctions». C’est ce qui est retenu contre Mohamed Baazaoui et Mohamed Hammed.

La police et les forces de l’ordre doivent cesser ces pratiques de harcèlement à l’égard des jeunes dont ils doivent assurer la protection, et consacrer leurs efforts à la lutte contre les vraies menaces à la sécurité de la population et du pays : les terroristes, les trafiquants (dont les responsables de la vente de boissons alcoolisées frelatées et mortellement dangereuses) et les criminels qui agissent ouvertement et sans être inquiétés.
La mobilisation des avocats et des organisations de défenses des droits humains pour la libération de Mohamed Baazaoui et Mohamed Hammed doit se poursuivre pour tous les cas similaires en exigeant la fin des embuscades à la sortie des bars, des restaurants, des boites de nuit et des hôtels pour harceler et réprimer des citoyen(ne)s qui ne font que jouir de leurs droits, sans faire de mal à personne.

* Professeur honoraire de l’université de Lyon 2, président du Haut conseil scientifique de Timbuktu Institute.

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