Les réformes structurelles et les politiques prudentes ont réduit l’impact de la crise mondiale sur la Tunisie, mais sa forte dépendance de l’Europe apporte de l’incertitude à ses perspectives à court terme. Les principaux défis à moyen terme sont la stimulation de l’emploi et le renforcement du secteur financier.
Ce sont là les points saillants du diagnostic de l’économie tunisienne réalisé par les économistes du Fonds monétaire international (Fmi). Ce diagnostic est disponible, sur le site web de l’organisation, sous formes d’article de synthèse coécrit par Bhattacharya Toujas-Bernate et Rina Joël du Département Moyen-Orient et Asie Centrale, mis en ligne le 10 septembre ou de rapport en version intégrale.
L’économie tunisienne a relativement bien résisté à la crise mondiale, mais l’enjeu majeur du pays reste la stimulation de la croissance génératrice d’emplois et la baisse du chômage.
Dans son bilan de santé annuel de l’économie tunisienne, le Fmi estime que la croissance devrait atteindre 3,8% en 2010, après avoir ralenti à 3% en 2009, conséquence de la récession mondiale. Mais le chômage commence à augmenter après avoir chuté à 12,4% en 2007, puis à 13,3%, et demeure relativement élevé, notamment parmi la jeunesse instruite.
«La croissance de la Tunisie pourrait augmenter progressivement et atteindre une moyenne d’environ 5% entre 2010-2014, à condition que les politiques et les réformes envisagées par les autorités – notamment le renforcement de la compétitivité du pays, le développement de nouveaux marchés, et le soutien aux nouvelles sources de croissance dans les secteurs à haute valeur ajoutée – portent leurs fruits», explique le rapport du Fmi.
Le ralentissement de la croissance économique dans les pays partenaires constitue un risque majeur pour les perspectives économiques de la Tunisie. Croissance économique de la Tunisie (en rouge) et de ses pays partenaires (en bleu) de 1997 à 2012 (selon le Fmi)
Le ralentissement en Europe présente un risque
Au cours des deux dernières décennies, la Tunisie a entrepris de vastes réformes structurelles visant à améliorer son environnement des affaires et la compétitivité de son économie. Ces réformes, accompagnées d’une gestion macroéconomique prudente, ont réduit la vulnérabilité de l’économie tunisienne. Elles ont aussi permis au pays de résister aux chocs, y compris la crise financière mondiale, offrant plus d’options aux autorités pour y répondre.
Cependant, avec une croissance chez les partenaires commerciaux de la Tunisie prévue à 1,2% en 2010 et à 1,5% à peine en 2011, le redressement économique du pays repose sur des bases fragiles. En outre, les risques pesant sur les perspectives de reprise en Europe, de loin le plus important partenaire de la Tunisie – en termes d’exportations, de recettes du tourisme, d’envois de fonds des travailleurs et d’investissements directs étrangers (Ide) –, ont augmenté sensiblement ces derniers mois, présentant des risques pour les perspectives à court terme de la Tunisie, ajoute le Fmi dans son évaluation.
Grâce à une gestion macroéconomique prudente, la Tunisie a encore une marge de manœuvre pour faire face à ces risques potentiels externes, en particulier sur le front de la politique budgétaire. Mais les autorités devront rester vigilantes face à d’éventuelles pressions inflationnistes, une récente détérioration de la balance des paiements courants et la diminution des réserves extérieures.
Des défis à moyen terme
Pour atteindre ses objectifs à moyen terme, qui sont d’accélérer la croissance génératrice d’emplois et la baisse du chômage, les autorités tunisiennes ont élaboré une stratégie de promotion des exportations, qui vise à diversifier les marchés et les produits cibles. À cette fin, elles ont signé un accord commercial préférentiel avec l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et sont en train de négocier des accords de libre-échange avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Les négociations bilatérales avec l’Union européenne (Ue) sont également en cours pour étendre l’accord d’association – actuellement cantonné au libre-échange pour les produits industriels – aux services et aux produits agricoles et alimentaires transformés.
Les autorités ont également identifié un certain nombre de réformes des politiques du marché du travail, du système éducatif et des services publics de l’emploi qui visent à faciliter la mobilité du travail et à réduire les inadéquations entre l’offre et la demande sur le marché du travail. La mise en œuvre de ces réformes sera appuyée par plusieurs prêts de la Banque mondiale (Bm).
Renforcer la résilience
Le maintien d’un environnement macroéconomique stable qui favorise l’emploi et la croissance exige également un contrôle plus déterminé des dépenses, estime également le Fmi. La clé de la réussite dans ce domaine c’est la réforme du système de sécurité sociale. À cette fin, les autorités sont en discussion avec les partenaires sociaux sur la réforme des retraites pour renforcer la viabilité financière du système de retraite. Le gouvernement devrait également étudier les moyens de contenir des subventions des produits alimentaires et du carburant, note également le rapport.
Les autorités ont entrepris, par ailleurs, des réformes pour rendre le régime fiscal plus favorable aux entreprises. Les comparaisons internationales avec d’autres économies de marché émergentes montrent que le fardeau fiscal des entreprises est relativement élevé en Tunisie et qu’il est possible d’augmenter le rendement de l’impôt sur la consommation.
Pour promouvoir l’investissement privé et l’emploi, les autorités ont l'intention de réduire les taux d’imposition sur les entreprises et pour compenser ces réductions en augmentant le taux normal de TVA et d’élargir l’assiette fiscale par la suppression des exemptions, note le rapport.
La stratégie tunisienne pour impulser la croissance contient également un ensemble de mesures visant à renforcer le secteur financier à travers la consolidation de la solidité financière des banques, le renforcement du rôle des banques dans l’économie, la restructuration du système bancaire public, et le renforcement de la présence des banques tunisiennes à l’étranger. L’objectif, à terme, est de transformer la Tunisie en une plate-forme régionale de services bancaire.
Afin de renforcer la capacité du pays à s’adapter aux changements dans l’environnement économique mondial, les autorités ont également l’intention de moderniser le cadre de la politique monétaire en introduisant le ciblage de l’inflation et en mettant en œuvre la convertibilité du dinar et la libéralisation du compte de capital d’ici 2014.
Le FMI estime que cette stratégie exigerait d’importants travaux préparatoires, notamment le renforcement ultérieur du système bancaire et le la politique de change, de la monnaie et des marchés de capitaux.
Traduction : I. B.
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