Contrairement aux belles britanniques présentées dans les premiers articles de la série, l’écrivaine Eve Ahmed ne s’est pas convertie à l’Islam. Elle a fait l’itinéraire inverse. Elevée comme une musulmane, elle a rejeté sa foi et essaie aujourd’hui d’explorer les raisons de ce rejet.
«Une grande partie de mon enfance a été consacrée à essayer d’échapper à l’Islam», raconte Eve Ahmed. Elle explique : «Née à Londres d’une mère anglaise et d’un père musulman pakistanais, j’ai été amenée à suivre la foi de mon père sans poser de questions. Mais, en privé, je détestais ça. Dès que j’ai quitté la maison pour l’université à l’âge de 18 ans, j’ai tout abandonné.»
«Il me semblait que le plaisir était ‘‘haram’’»
Pourquoi cet abandon ? Réponse: «Pour moi, être musulman signifiait s’entendre dire le mot ‘‘non’’ à maintes fois. Les filles de mon entourage ont été privées de tant de choses que mes amies anglaises prenaient pour acquises. En effet, il me semblait que le plaisir était à peu près ‘‘haram’’ ou interdit aux filles comme moi. Il y avait des règles tellement aléatoires. Il ne faut pas siffler. Ne pas mâcher de la gomme. Ne pas faire de la bicyclette. Pas de maquillage ou de vêtements qui révèlent la forme du corps. Ne pas manger dans la rue ni mettre les mains dans les poches. Pas de coupe dans les cheveux ni de manucure aux ongles. Ne pas poser de questions. Interdiction des chiens comme animaux de compagnie (ils sont impurs). Et, bien sûr, ne pas s’asseoir à côté des hommes, ni leur serrer la main ou même avoir un contact visuel avec eux. Ces règles de base ont été imposées par mon père et je devais, par conséquent, admettre qu’elles doivent être une partie intégrante du comportement d’un bon musulman. Pas étonnant, alors, que dès que j’ai été assez âgée pour recouvrir mon indépendance, j’ai rejeté l’ensemble de ces recommandations et tourné le dos à l’Islam.»
Le fardeau de la culpabilité
Comment donc expliquer que tants de femmes britanniques modernes et libérées optent aujourd’hui pour l’Islam? Réponse d’Eve Ahmed: «La dernière surprise pour moi, c’est la conversion à l’Islam de Lauren Booth, la belle-sœur de Tony Blair. Après ma rupture avec mon passé propre, j’ai suivi avec fascination la tendance croissante des femmes occidentales qui choisissent de se convertir à l’Islam. Comment, me suis-je demandée, des femmes pourraient-elles se convertir à une religion que je sentais comme un espace de soumission? Pourquoi leur expérience de l’Islam est-elle si différente de la mienne?»
«Bien que je ne sois pas d’accord avec les sentiments de ces femmes que j'ai interviewées, je les admire et respecte leur choix», répond Eve Ahmed. Elle ajoute : «Ces femmes sont toutes brillantes et éduquées. Elles ont longuement réfléchi avant de choisir de se convertir à l’Islam et vivent aujourd’hui avec passion leur nouvelle religion. Je leur souhaite bonne chance. Je souhaite bonne chance à Lauren Booth. Mais il y a peut-être un mot qui résume la différence entre leur expérience et la mienne: choix. Peut-être que si je m’étais sentie plus maître de mes actes que contrôlée, plus libre qu’étouffée, je serais encore à pratiquer la religion que j’ai eue à la naissance, et ne serais pas en train de porter le fardeau de la culpabilité d’avoir rejeté la foi de mon père», conclut Eve Ahmed.
Y. M.
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