Kapitalis reproduit, ici, en exclusivité, des extraits des réponses de Belhassen Trabelsi et son épouse Zohra Jilani au questionnaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Cisr) au Canada.

Par Sarra Guerchani, correspondante au Canada


Le verdict de l’audience de Belhassen Trabelsi et sa famille au Canada est tombé mardi en fin d’après-midi, à Montréal. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Cisr) a rejeté son appel. La famille Trabelsi a donc perdu sa résidence permanente canadienne. Théoriquement elle devrait faire face à des mesures de renvoi, d’autant qu’elle fait l’objet d’une demande d’extradition émise officiellement, en avril, par les autorités tunisiennes. Kapitalis a eu copie du verdict de la cour dont nous tirons quelques déclarations de Belhassen Trabelsi et de son épouse Zohra Jilani.

Le couple et leurs deux enfants sont arrivés au Canada le 23 avril 1999 et ont obtenu la résidence permanente à leur arrivée. L’appelant a cependant mentionné dans les questionnaires intitulés «Perte de résidence - Considération d’ordre humanitaire», qu’il avait cessé de résider au Canada en 2000.  Le 25 janvier 2011, Belhassen Trabelsi a fait les déclarations suivantes à un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (Asfc), concernant sa résidence permanente au Canada (le dialogue est reproduit tel quel).

La maison de Belhassen Trabelsi à Tunis saccagée lors de la révolution.

«Question: Depuis quand avez-vous cessé de vivre au Canada si vous y avez déjà vécu?
Réponse: Nous n’y avons pas vécu pour une longue période. Le travail à l’extérieur ne nous permettait pas de rester au Canada pour une longue période.

Quelle est la plus longue période que vous avez passée au Canada?
Je crois 3 semaines.

Pourquoi n’avez-vous pas résidé au Canada, qu’est-ce qui vous en empêché ?
Rien. La loi, c’était d’avoir un cumul de deux ans sur 5 ans. Je pensais venir plus souvent. Mon business ailleurs m’obligeait de rester ailleurs, beaucoup plus qu’au Canada.

Aucune autre raison?
Non. Au contraire, j’aurais bien aimé rester au Canada.»

Par écrit, Belhassen Trabelsi a indiqué ceci (Le dialogue est reproduit tel quel): «J’ai monté des entreprises d’investissements en Tunisie et en Egypte et leur charges de travail étaient plus grande que mon entreprise canadienne.  Je devais y reste pour m’en occuper».

Quant à son épouse, elle est aussi retournée en Tunisie pour des raisons professionnelles, ses deux enfants aussi. Comme l’indique le verdict du Cisr.

Durant l’entrevue du 25 janvier 2011 avec un agent de l’Asfc, Belhassen Trabelsi a déclaré qu’en 2006 ou en 2007, il avait enregistré une compagnie d’investissement au Canada et qu’il avait investi dans environ cinq projets immobiliers au Canada. Le beau-frère de Ben Ali a annoncé à l’agent de l’Asfc que sa compagnie est «dormante» depuis 6 ans. Cependant, le Registre des entreprises du Québec indique que la compagnie a été fondée le 13 janvier 2000.

Le tribunal a considéré que la fondation de cette entreprise était insuffisante pour démontrer l’établissement au Canada.

Des documents du dossier permettent de constater que l’appelant a poursuivi ses activités professionnelles en Tunisie. Le 25 janvier 2011, Belhassen Trabelsi a dit un agent de l’Asfc que son entreprise possède des parts dans plusieurs sociétés cotées à la Bourse (propos reproduits tels quels):

Belhassen Trabelsi, son épouse et ses leurs enfants.

«Question : Quelles sont ces sociétés ?
Réponse: Le transport aérien, la Banque de Tunisie, un hôtel qui sera loué à Hilton dans quelques mois.

Mme Trabelsi ajoute: Nous avions une chaîne d’hôtels, mais nous l’avons vendue. Une cimenterie en construction, une raffinerie de sucre.

Considérez-vous que le fait que vous êtes le beau-frère du président a eu un impact positif sur vos entreprises?
Je ne pense pas. Pas du tout.

Est-ce que vos entreprises ont déjà conclu des contrats avec quelque palier du gouvernement que ce soit?
J’ai oublié de vous mentionner qu’on fait le montage des bus Man et que nous avons la représentation de Ford, c’est nous qui vendons les produits Ford en Tunisie.

Mme Trabelsi : Quand on va chercher une marque, on a le pouvoir exclusif.

Est-ce que vos entreprises ont déjà conclu des contrats avec quelque palier du gouvernement que ce soit ?
Oui, à travers les bus Man. Nous les vendons aux sociétés régionales de transport.

Et la compagnie de ciment ?
Elle est en construction. C’est pour le secteur privé et pour l’exploitation.»

Interrogé ensuite sur le système judiciaire en Tunisie, Belhassen Trabelsi a déclaré, toujours selon l’entrevue du 25 janvier 2011 (reproduite telle quelle):

«Question: Comment est le système judiciaire en Tunisie?
Réponse: Dans un sens, le système judiciaire n’est pas libre, apparemment il est libre.

Qui contrôle le système judiciaire?
Il y a l’officiel et l’officieux.

Audience des avocats de Belhassen Trabelsi, le 23 avril à Montréal.

Qui contrôle l’officieux?
C’est le pouvoir.»

Voilà comment se voit et voit son pays (ou comment il aime à se présenter et à présenter son pays) celui qui a fui la Tunisie le 14 janvier 2011, alors que la colère du peuple grondait contre son clan d’insatiables prédateurs. Il a perdu son statut de résident permanent au Canada, mais il reste à suivre le périple judiciaire de sa demande de statut de réfugié et le dossier du gel de ses avoirs.

Affaire à suivre.

Articles liés :

Tunisie. Belhassen Trabelsi perd son statut de résident permanent au Canada

Arrestation en Suisse de l’homme d’affaires tuniso-canadien Riadh Ben Aïssa

Tunisie. Un député canadien appelle son gouvernement à ne pas protéger les Trabelsi

Les Tunisiens au Canada interpellent Ottawa sur le gel des avoirs du clan Ben Ali

Tunisie. Ce qui a été dit à l'audience de Belhassen Trabelsi au Canada

Tunisie. Belhassen Trabelsi absent à son procès ce matin à Montréal

Exclusif. Maher Rajhi: «Je n’ai jamais menacé de tuer Belhassen Trabelsi»

Tunisie. Les plans sur la comète de Belhassen Trabelsi

Les excuses de Belhassen Trabelsi aux Tunisiens