La Perestroïka, qui veut dire en russe «reconstruction» et qui a été rendu célèbre lors de la chute du socialisme en Russie sous Gorbatchev, est, toute proportion gardée, totalement en panne dans la Tunisie post-révolutionnaire.
Par Tarak Arfaoui
La «troïka» au pouvoir, après quelques mois d’exercice, n’arrive décidément à ne rien reconstruire dans le pays faute d’un changement dans les méthodes et dans les mentalités, et surtout faute de crédibilité.
Gouvernement déséquilibré et hégémonie d’Ennahdha
La Perestroïka tunisienne est aux abonnés absents. L’échec de l’action du gouvernement déjà prévisible par sa constitution antinomique dès le départ est tout-à-fait patente aux yeux des observateurs indépendants. Que ce soit dans le domaine social, économique ou sécuritaire, en regardant les résultats après 6 mois de gouvernance de la «troïka» (la coalition tripartite au pouvoir), la situation dans le pays va de mal en pis et ce ne sont pas les événements de la triste journée du 12 juin qui le contredisent.
Que demander à un gouvernement totalement déséquilibré par l’hégémonie d’un seul parti, Ennahdha en l’occurrence, qui impose sa loi à ses deux partenaires et aussi à deux tiers de la population qui n’a pas voté pour lui? Que demander à un gouvernement composé, dans sa grande majorité, de novices, pour ne pas dire d’incompétents?
Que demander à un gouvernement qui navigue à vue, sans aucune idée directrice ni programme économique avec pour seul objectif la mainmise sur les rouages de l’Etat?
Que demander à un gouvernement dont les membres se contredisent dans tous les sens et sur n’importe quel événement politique et étalent au grand jour leur incapacité à gérer les affaires? Peut-on croire le ministre de l’Intérieur qui ne trompe plus personne dans ses discours légalistes et musclés, tant ils sont noyés dans l’inaction la plus totale et le laisser-aller sécuritaire? Le temps est il aux menaces verbales alors que la capitale, et pas seulement, est actuellement à feu et à sang?
Le sommet de l’Etat n’est pas mieux loti et nous réserve chaque jour des situations aussi invraisemblables que loufoques.
Populisme et coups d’épée dans l’eau
Voilà un Premier ministre qui, dans un élan de populisme de bon aloi, déclare solennellement qu’il refuse d’augmenter les salaires des membres de la constituante alors qu’il n’a aucune prérogative pour le faire. Qui peut le croire quand il présente des chiffres de croissance à faire dormir debout n’importe quel économiste? Qui peut le croire quand il affirme qu’il veut booster le tourisme et laisser en même temps libre cours à la violence organisée par des hordes de hors la loi qui font la une des quotidiens à l’étranger.
Voilà un président provisoire qui refuse d’extrader vers la Libye l’ancien Premier ministre de ce pays alors qu’il ne peut pas légalement le faire faute de prérogatives; le voilà qui annonce dans un entretien télévisé sa décision de limoger le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct) dans l’illégalité la plus totale sans se référer à l’Assemblée constituante. Ce président, dont les coups d’épée dans l’eau sont désormais sa marque de fabrique est il crédible quant il soutient du bout des lèvres le gouvernement alors que bon nombre de ses conseillers veulent ouvertement le liquider?
Au train où vont les choses, la reconstruction de la Tunisie risque bien d’être une utopie si le gouvernement de la «troïka» ne se remet pas en cause dans ses décisions et son action. Les ambitions politiques démesurées des uns, l’esprit partisan et revanchard des autres, l’exclusion de tout dialogue constructif avec l’opposition et le laisser-aller sécuritaire risquent bien d'envoyer la Perestroïka tunisienne aux calendes grecques.
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