alt«Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement», disait Boileau. Peut-on espérer qu’il en sera ainsi du texte de la nouvelle constitution tunisienne en cours de rédaction?

 

Par Rafik Souidi


Les élections du 23 octobre 2011 en Tunisie ont désigné une assemblée constituante qui s’est réunie et a constitué diverses commissions pour rédiger un avant-projet de constitution.

Le premier brouillon de ce document a été rendu public vers la mi-août. Il rend compte assez fidèlement des diverses préoccupations et spécificités de la société tunisienne. Cette matière première «made in Tunisia» doit maintenant être mise en forme pour répondre aux standards internationaux. En effet, si chaque pays a ses particularismes il n’en demeure pas moins que le droit constitutionnel répond à des normes universellement reconnues. Aussi, en cherchant bien, serait-il possible de trouver un modèle idoine dont l’organisation pourrait s’appliquer dans le cas tunisien? Justement, ce modèle existe et c’est celui de la constitution finlandaise.

Le pays modèle par excellence

La Finlande est ce pays scandinave de 5,5 million d’habitants qui se caractérise par une tradition démocratique séculaire, une stabilité politique et institutionnelle remarquable, une population relativement homogène, un niveau de vie des plus élevés, un système éducatif des plus performants, une excellence technologie mondialement reconnue, un très grand prestige international, bref, tout ce à quoi la Tunisie aspire sans se donner vraiment les moyens d’atteindre.

Dans les années 1990, les Finlandais ont décidèrent de forger une nouvelle constitution qui soit un outil pratique et solide. Les travaux durèrent plusieurs années et aboutirent en l’an 2000. Le produit final est un modèle du genre, comme le lecteur pourra en convenir en parcourant cette constitution(1).
Elle est composée de 131 articles organisés en 12 chapitres majeurs:

1- Régime étatique;

2- Droits fondamentaux;

3- Parlement et députés;

4- Activités du parlement;

5- Président de la république et gouvernement;

6- Législation;

7- Finances de l’Etat;

8- Relations internationales;

9- Fonction judiciaire;

10- Contrôle de légalité;

11- Administration;

12- Défense nationale.

La clarté de la formulation et le soin apporté au moindre détail laissent un minimum de place à l’interprétation, encore moins aux situations de blocage ou de vide constitutionnel. L’éventail le plus exhaustif des droits fondamentaux y est garanti sans fioriture. La mécanique des différents pouvoirs législatif, exécutif et juridique est aussi d’une très grande précision. En particulier, l’élaboration et le cheminement des textes législatifs sont détaillés avec minutie, de même que le partage des rôles du président de la république et du Premier ministre.

Les constituants ne vont pas réinventer le droit constitutionnel

En effet, il s’agit de la constitution d’une république en régime parlementaire amendé et monocaméral où le président est élu au suffrage universel avec des pouvoirs réels mais limités, soit la configuration vers laquelle la constituante tunisienne semble vraisemblablement se diriger.
Il serait donc judicieux pour la Tunisie de prendre la constitution finlandaise comme canevas pour formater le brouillon actuel préparé par la constituante en un document final de très grande qualité juridique. Il ne s’agit pas de faire un «copier, coller» mais de s’en inspirer en le réconciliant avec l’avant-projet actuel. Il n’y a pas de place, en effet, à l’innovation ou à l’improvisation et la constituante tunisienne n’a pas à réinventer l’eau tiède encore moins le droit constitutionnel. Cependant, elle est tenue de fournir aux citoyens tunisiens la constitution optimale qui traduise au mieux leurs attentes et ce, pour plusieurs générations inch’Allah.
En conclusion, le produit final des travaux de l’assemblée sera immanquablement comparé au Destour de 1959(2) qui était de bonne facture mais il faut être plus exigeant et, en la matière, le «benchmark» le plus pertinent est sans doute la constitution finlandaise...autant s'en inspirer!.

Notes:

1- Constitution de la Finlande.

2- Constitution de 1959.

 

Articles du même auteur dans Kapitalis :

Où en est l’Etat tunisien 20 mois après la chute de Ben Ali?

Comment réduire la précarité sociale en Tunisie?

Onze mesures pour établir l’Etat de droit en Tunisie

Onze mesures pour établir l’Etat de droit en Tunisie

Pour la révision des jours de congé hebdomadaire en Tunisie

Tunisie. Une feuille de route pour le gouvernement Jebali

Des pistes pour relancer l’économie tunisienne

Quel rapport entre religion et Etat dans la nouvelle Tunisie ?

Pour mettre fin à la dérive de l’université tunisienne

Plaidoyer pour une union fédérale entre la Tunisie et la Libye

Les Sept Plaies de Tunisie

Bienvenue en démocratie tunisienne

Tunisie. Les journalistes ripoux et le purgatoire de l’Atce