Quelle signification et quelle portée stratégique donner au mémorandum signé avec les Etats-Unis et donnant à la Tunisie le statut d’«allié majeur non-membre de l’Otan»?
Par Naceur Ben Frija*
Tout d’abord, il faut rappeler que la Tunisie est aujourd’hui une république au régime parlementaire et donc, ni présidentielle, ni semi-présidentielle. De là en découlent certaines règles à la fois juridiques et de procédure mais aussi d’ordre protocolaire.
Du point de vue juridique, pour en venir au statut d’«allié majeur non-membre de l’Otan», dont la Tunisie devrait jouir à l’avenir dans ses rapports avec les États-Unis d’Amérique, suite au mémorandum signé à Washington, cet instrument juridique, qui lie désormais les deux pays, prête à interprétation. Car, il n’est pas seulement annoncé que la Tunisie sera dorénavant partenaire au statut privilégié de Washington, mais bien spécifié comme État non membre de l’Otan. Ce qui ne peut que donner une portée militaire et même stratégique certaine au mémorandum.
Un tel statut nécessite, constitutionnellement, au préalable, la concertation au niveau national de toutes les parties concernées. Nous pouvons penser que cela a été fait. Car il s’agit d’engager la souveraineté du pays. Certes, le chef de l’État a un large pouvoir en la matière, mais en régime parlementaire, les représentants du peuple sont impliqués d’une manière prépondérante.
D’autant plus que le mémorandum engage la Tunisie en tant qu’«allié majeur non membre de l’Otan et non des États-Unis d’Amérique tout court… Ainsi, tel que formulé le statut militaire est prédominant. Cela peut laisser supposer que l’accord ne se limitera pas à la fourniture d’équipements militaires, mais pourrait s’étendre à l’aspect logistique auprès de l’Otan aux côtés des États-Unis.
N’ayant pas connaissance du texte signé, je ne m’engagerai pas plus loin. Je dirais, simplement, que si tel devait être le cas, ceci pourrait avoir des conséquences sur la position stratégique traditionnelle pour laquelle la Tunisie a opté jusqu’à maintenant… en terme militaire…
Il est de notoriété nationale et internationale que la Tunisie a toujours rejeté l’idée de l’utilisation de son sol à des fins militaires par ses partenaires stratégiques. Cette conception émane de sa volonté de se ménager des marges de manœuvre sur la scène internationale. Elle est aussi dictée par le rôle qui a toujours été le sien sur la scène diplomatique internationale. Certains pourraient rétorquer que le monde est aujourd’hui en guerre et que nous sommes touchés par le phénomène des guerres régionales…
Certainement que toutes ces données n’ont pas échappé à notre président Béji Caïd Essebsi, chevronné homme politique et fin connaisseur en matière de diplomatie et de relations internationales.
S’agissant de la question protocolaire, qui a entouré la signature du mémorandum, celle-ci est éminemment liée aux deux premiers aspects (juridique et procédural). Dans la mesure où un tel instrument juridique doit avoir, procéduralement, fait l’objet de concertation et sa nature ainsi que sa portée bien définies par toutes les parties prenantes, ils doivent aussi prévoir à l’avance les plénipotentiaires qui sont amenés à signer cet instrument juridique entre la Tunisie et les Etat-Unis d’Amérique, fondant le «statut d’allié majeur non-membre de l’Otan».
* Juriste conseil.
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