Le 51e Festival international de Carthage s’ouvrira, demain, avec le spectacle musical ‘‘Dhalamouni Habaïbi’’ rendant hommage à la diva tunisienne Oulaya.
Par Hamadi Abassi
Dans la chaleur estivale ambiante, Abdelaziz Maherzi répète avec célérité son nouveau spectacle au titre évocateur ‘‘Dhalamouni Habaïbi’’, dans les locaux de la Troupe de la ville de Tunis.
Entouré d’une brillante distribution d’artistes aux talents confirmés, il travaille dans l’urgence, afin d’être prêt pour l’ouverture de la nouvelle session du Festival international de Carthage, ce samedi 11 juillet 2015. Un beau projet ambitieux, chargé de saveur nostalgique, en hommage à Oulaya, la grande diva de la chanson tunisienne.
Scène de répétition.
Une star d’orient
Un périlleux challenge pour évoquer le parcours atypique de cette étoile fulgurante, mais aussi sa vie truffée d’aspérités.
Une icône adulée par un immense public, captivé par sa grande disponibilité à interpréter différents répertoires musicaux et le phrasé élégant de sa voix de soprano.
Baya Rahal (c’est son vrai nom) aimait se faire plaisir en chantant lors des fêtes familiales et scolaires, mais n’imaginait jamais bousculer les conventions, ni transcender certains seuils interdits, en embrassant la carrière de «fanana» (artiste). C’est son beau-frère, le violoniste Ridha Kalaï, qui, à l’insu des membres de la famille, lui offre, à l’âge de 12 ans, l’opportunité de faire ses premières scènes, sous le pseudonyme de «Bent El Manar» en interprétant «Ya Kalbi Ech Bakak» et le poignant «Dhalamouni Habaibi».
Le succès fut immédiat, suivi par un énorme scandale au sein de la famille.
Tunis ravi, découvrait une surprenante chrysalide, qui, grâce à son assiduité et son obstination, se transforme en magnifique phalène.
Scène de répétition.
Résolue, l’adolescente transgressait les conventions et les interdits d’une société tunisienne prude et conservatrice, qui l’empêchait d’assumer ses choix et ses rêves. Son époux, compréhensif, lui permit de rejoindre la troupe de la Rachidia et d’entreprendre une formation musicale au côté de Khemaïes Tarnane et Salah Mehdi.
Après un passage au sein de la Troupe municipal de musique arabe, elle rejoint la chorale de la Radio nationale, où les paroliers, les poètes, les compositeurs les plus en vogue du moment, lui composent ses plus beaux succès.
Pleine d’assurance, mais aussi d’incertitude, Oulaya endosse de nouveaux risques en partant s’exiler au Caire sur l’invitation du musicien Ahmed Chafik Abou Ouf, ébloui par son interprétation d’un «daour» du musicien Daoud Hosni.
En assumant cet exil, elle voulait évaluer le chemin qui lui restait à entreprendre pour aspirer à la reconnaissance du public oriental, prospecter de nouveaux territoires artistiques et rencontrer d’autres publics. Sa maitrise vocale et sa formation musicale lui permirent d’interpréter admirablement les œuvres des maitres de la musique arabe contemporaine notamment : Mohamed Mougi («Tarh El Hawa»), Baligh Hamdi («Damaa Ini Damaa»), Helmi Bakr («A’Li Gara») et le très beau «La Malama» du palestinien Riadh El Bondok.
Scène de répétition.
Après la pionnière Hassiba Rochdi, qui en 1940 fut la première chanteuse tunisienne à tenter avec succès une carrière en Egypte, Oulaya défrichera à nouveau le terrain pour les chanteuses maghrébine, qui s’y engouffrèrent nombreuses, telles Warda Al-Jazairia, Aziza Jalel, Samira Ben Saïd, Latifa Arfaoui et la regrettée Dhekra Mohamed.
Après une absence de 15 année en orient, elle retourne en Tunisie en 1988, où elle continuera à se produire avec le même engouement public, dans les galas et les festivals, jusqu’à sa mort subite en 1990.
Ce vibrant hommage à la grande Oulaya s’inscrit dans le cadre de la célébration du 70e anniversaire de la Troupe de la ville de Tunis, sur l’instigation de Mouna Noureddine, sa directrice, et la comédienne Kaouther Bardi, qui campera le rôle de la chanteuse.
Projet de femmes, auquel celles-ci associent la verve d’Abdelaziz Maherzi pour le texte, et la conception de la mise en scène.
Un personnage dense et complexe, pétri d’humanité
«Oulaya est un personnage passionnant, aux multiples aspérités, une femme entreprenante qui ne craignait pas de se mettre en danger pour affirmer ses choix. Un rôle édifiant pour une comédienne en quête de personnage dense et complexe, pétri d’humanité. Cette lourde responsabilité, Kaouther Bardi l’assume avec sa disponibilité et sa bonhomie», explique Abdelaziz Maherzi.
Abdelaziz Maherzi: «C’est une fiction documentaire».
D’un abord facile, lors d’une pause au cours de la répétition, la comédienne, attentive aux commentaires du metteur en scène, précise sa perception du personnage de la diva Oulaya, complexe et difficile à cerner: «C’est une artiste généreuse et charismatique. Aventureuse? Je ne le pense pas, mais capable d’effectuer des choix difficiles. Par fidélité à sa mémoire j’essaierai de l’intégrer à mon tempérament sans chercher à la plagier.»
«‘‘Dhalamouni Habaïbi’’ serait une comédie musicale?», demandai-je ingénument. Réponse de Maherzi: «Non ! Je ne veux pas m’aventurer dans cette démarche lyrique! Ce serait une fiction documentaire, une proposition scénique empreinte d’ambiances et d’atmosphères de l’époque dans un décor minimaliste.»
La scénographie du spectacle sera accompagnée de supports visuels et de danse expressive. Un spectacle joyeux, loin de tout atermoiement, qui réunira une pléiade d’artistes notamment: Kaouthar Bardi, Mouna Noureddine, Zouhaier Raïs, Ikram Azouz, Faïcal Ben Zin, Haythem Lahdhiri, Tahar Radhouani, Oumaya El Mehrezi, Farhat Jedidi !
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