‘‘El-Hadhra’’ de Fadhel Jaziri a été présentée au Théâtre municipal de Tunis, vendredi 10 juillet, dans le cadre de la 33e édition du Festival de la Médina.
Par Fawz Ben Ali
Cette nouvelle version du spectacle s’est jouée, comme à l’accoutumé, à guichet fermé, le public tunisien, jeunes et moins jeunes, étant resté fidèle au rendez-vous de ce spectacle emblématique de l’identité tunisienne.
L’art d’innover et de surprendre
Fadhel Jaziri, grand scénographe devant l’Eternel, n’a cessé, depuis 1991, de rénover et de perfectionner ‘‘El-Hadhra’’, un spectacle de chants liturgiques, à chaque fois revisité sur les plans du fond et de la forme. Retranscrite dans le langage de notre époque, cette tradition a su résister au temps et est restée l’un des plus grands succès de l’homme de théâtre.
Les spectateurs ont répondu encore une fois à l’appel, car ‘‘El-Hadhra’’ est un rite, un rendez-vous incontournable, qu’on ne peut manquer, d’autant que l’on s’attende, à chaque fois, à des innovations, aux niveaux musical, du chant, du rythme et de la scénographie, le tout orchestré par Fadhel Jaziri, un metteur en scène au cachet inimitable. Et qui ne répugne pas d’innover et de surprendre, quitte à dérouter parfois ses plus inconditionnels admirateurs.
En maître incontesté d’‘‘El-Hadhra’’, il a su, encore une fois, répondre aux attentes de son public. Un show de deux heures composé de trois actes, une ouverture et une clôture, vingt cinq chants interprétés en solo, en duo, en trio et en chœur, toujours par des voix aux grandes étendues, maîtrisant l’exercice spirituel et les techniques chorales dans la pure tradition du «dhikr» (invocation) et de la «soulamia» (chants consacrés à l’éloge du prophète).
Une œuvre vivante du présent
«Ellayl zahi», «Rayes labhar», «Fares Baghdad», «Ana snaani sanaa»… Ces titres profondément ancrés dans la mémoire populaire tunisienne sont revisités, embellis et réécrits avec de nouveaux arrangements, où la batterie, la guitare électrique et le saxophone étaient en parfaite harmonie avec les instruments acoustiques en bois, en cuivre et en cuir tendu.
Les chants soufis de la tradition confrérique se sont désormais dessaisis de leurs formes désuètes pour produire une œuvre vivante du présent. Le religieux côtoie l’artistique, il est au cœur du théâtre sans rien perdre de sa poésie mystique et de sa portée spirituelle. Ici, le sacré et le profane coexistent dans l’espace et dans le temps, parlent au coeur, à la raison et, surtout, aux sens aiguisés par la profusion de sons, de lumières et de senteurs.
‘‘El-Hadhra’’, c’est aussi le plaisir de l’œil, grâce au raffinement d’une scénographie audacieuse, où les chanteurs, les musiciens, les danseurs et les orants, dans leur ivresse spirituelle, débordent de vie et remplissent l’espace de leur sensualité et de leurs désirs.
‘‘El-Hadhra’’ est une nouvelle preuve du génie artistique de Fadhel Jaziri et surtout de son courage. Car les derniers mois ont été atroces pour lui, suite aux décès successifs de son ami l’écrivain Abdelwaheb Meddeb et de son fils, Omar Jaziri, jeune cinéaste, heurté par un train, alors qu’il était en plein tournage, en novembre 2014. Peut-être le malheureux père a-t-il su trouver une consolation dans le travail et la création, qui est une sorte d’ascèse mystique qui redonne sens à la vie.
‘‘El Hadhra III’’ est programmé cet été, notamment, aux festivals de Sousse (le 13 Juillet), de Hamamet (le 15 Juillet) et de Carthage (le 25 Juillet).
Photos: Fawz Ben Ali.
Donnez votre avis