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De l’utilité d’un mur entre la Tunisie et la Libye

Frontiere-Tunisie-Libye

Pour se protéger du terrorisme, la Tunisie va construire un mur à sa frontière avec la Libye, mais l’efficacité d’un tel édifice n’est pas avérée.

Par David A. Graham*

Les gouvernements du monde ont utilisé tous les moyens possibles et imaginables pour combattre le terrorisme: les solutions de cette lutte comprennent les arrestations en masse, la collecte de renseignements, l’infiltration et le noyautage des groupes terroristes, la force brutale, le développement économique, etc. Ils ont tout essayé.

Le remède se trouverait ailleurs

Pourquoi ne pas construire, tout simplement, un mur qui protégerait contre l’invasion terroriste? C’est ce que la Tunisie a donc décidé de faire. Ce pays d’Afrique du nord a récemment subi une succession d’attaques terroristes. Le 18 mars dernier, 19 personnes étrangères ont trouvé la mort au musée du Bardo. Le 26 juin 2015, 38 touristes ont été massacrés à Sousse. Les responsables tunisiens ont expliqué aux médias que les terroristes islamistes responsables de ces attentats ont été entraînés en Libye et, à la suite de cette formation, ils se sont infiltrés en Tunisie pour mettre leur plan terroriste à exécution et tenter de déstabiliser le pays.

D’où la solution annoncée par le Premier ministre tunisien de recourir à la construction d’un mur de protection contre le terrorisme, tout le long de la frontière entre la Tunisie et la Libye.

Cette entreprise produira-t-elle les résultats escomptés?

Depuis la nuit des temps, les Hommes ont érigé d’innombrables murs de défense. Les preuves sont nombreuses pour convaincre que pareil recours serait loin d’être la panacée et que le remède véritable se trouverait ailleurs…

(David Graham passe en revue quelques uns de ces murs de défense de la civilisation des Hommes pour prouver l’échec de toutes ces protections contre l’invasion et la conquête. Les anciens murs de Jérusalem n’ont jamais résisté aux vagues successives d’envahisseurs. La ceinture de fortifications de Constantinople a cédé sous la pression des conquérants ottomans. Le Grande Muraille de Chine a ralenti mais n’a pas empêché la chute de la dynastie  Ming. Il poursuit sa démonstration…)

Les murs les plus efficaces de l’histoire de l’humanité ont en commun 3 caractéristiques: ils sont situés dans des zones urbaines à haute densité démographique; le coût de leur construction est élevé également; et ils sont courts. En outre, selon Andrew Schoenholtz, professeur invité à l’Université de Georgetown, tous ces murs ont généralement beaucoup plus servi à garder les populations à l’intérieur que d’empêcher d’autres populations venant de l’extérieur d’entrer.

Des dizaines de milliers de Berlinois ont traversé le Mur

Prenez, par exemple, le Mur de Berlin, le véritable «étalon-or» des murs de l’histoire humaine. Alors que tout ce mur construit pour séparer les 2 Allemagnes couvrait une distance de 160 kilomètres, la barrière sécuritaire du centre de la ville de Berlin n’était que de 42 kilomètres. L’efficacité du Mur de Berlin dépendait du degré élevé de la militarisation de la zone et de la prédisposition des gardes à tirer et à tuer les centaines de personnes qui tentaient de fuir vers l’ouest. Même cette référence des murs de l’histoire des Hommes n’était pas parfaite, car il y aurait eu plusieurs dizaines de milliers de transfuges qui, par divers moyens, ont pu quitter l’Allemagne de l’est.

Un autre cas de mur que la Tunisie devrait sérieusement méditer: la ligne Maginot, cette ligne de fortifications que la France a construites durant la période de l’entre-deux Guerres mondiales. En 1940, les forces allemandes ont trouvé les moyens faciles pour contourner cette barrière et se diriger tout droit vers le nord pour atteindre la Belgique.

En définitive, la Tunisie peut se barricader, et son mur de défense contre les incursions terroristes en provenance de Libye peut ou ne peut pas empêcher les terroristes de traverser cette frontière. Cependant, une chose est sûre, ce mur ne bloquera jamais tous les accès. Il y a aussi, ne l’oublions pas, la longue frontière avec l’Algérie. Et sur ce flanc occidental, également, les choses n’ont pas été faciles pour les forces de sécurité tunisiennes: l’activité jihadiste, le long de la frontière tuniso-algérienne, a été très intense et les affrontements entre les extrémistes et les forces armées tunisiennes ont été nombreux, sur ce front.

Bref, il est facile de comprendre pourquoi, à travers les âges, des nations assiégées ont recouru à la construction de murs de défense, mais l’efficacité de ces édifices est loin d’être convaincante. Une bonne barrière peut servir un objectif, mais elle ne saurait servir plusieurs buts à la fois. Elle ne saurait être multifonctionnelle.»

Synthèse traduite par Moncef Dhambri

Titre original de l’article : «Can Tunisia Stop Terrorism With a Wall?» (La Tunisie pourrait-elle mettre un coup d’arrêt au terrorisme en construisant un mur?).

Source : ‘‘The Atlantic’’.

*David A. Graham est journaliste à plein temps couvrant pour  »The Atlantic » les affaires américaines et les dossiers internationaux. Avant de rejoindre ce magazine, David Graham a servi à  »Newsweek »,  »Wall Street Journal » et  »The National ».

**Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

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